Femi Kuti n’a pas la langue dans sa poche, lui non plus

Par le 26 janvier 2008

Deuxième descente de police au QG de Femi Kuti, en décembre dernier, à Lagos, au Nigéria. Le prétexte ? « Le Shrine» serait un repère de malfaiteurs. Le musicien dérange. Pas étonnant quand on écoute les paroles de ses chansons. Il vise la corruption, accuse le pouvoir en place, comme son père. Moins extrême que Fela Kuti, il a démocratisé l’Afro-beat à travers le monde. Il donne de l’espoir au Nigérians. Le DVD « Live at the Shrine », sortit en 2004, le décrit bien. Immersion dans le monde de Femi.

"Africa Shrine", 2004

Femi Kuti tient solidement le flambeau. En 2004, sort un double album, un disque live enregistré au « Shrine », à Lagos et un DVD de Raphaël Frydman, « Live at the Shrine ». Le documentaire fait partager le quotidien de Femi. Il vit dans un appartement au dessus de la salle de concert, et passe la majeure partie de son temps en répétition. Le soir, il joue des heures sur scène, jusqu’à l’épuisement. Accompagné d’une vingtaine de musiciens et danseuses, il se transforme en bête de scène.

« Ces monstres »

Couleurs de l’Afrique. Piano, trompette, saxophone…Des danseuses en costume, peintures sur le visage. Un vrai show. Des affiches : « Fela est toujours vivant ». « Le sida est parmi nous, protégez-vous ». « Mouvement contre le 2e esclavage ».

La soirée commence. « Mes frères et mes sœurs, bienvenue pour un nouveau « Sunday jump » à l’Africa Shrine. Vous avez fait un long chemin pour venir ici en ces temps difficiles. On est la pour vous donner toutes les bonnes vibrations que vous méritez ». Le clavier démarre, puis la basse. Le sourire de Femi est énorme. Tout comme les paroles. « Hier on nous disait que nous allions gagner. Nous avons donc douloureusement lutté pour voir un changement démocratique émerger. Ils ont continué à nous escroquer. Ah oui ils nous ont roulé » Il prend sa clarinette. Une énergie folle s’empare de lui.

Femi entonne alors « Can’t buy me », encore et toujours contre la corruption : « A qui cet homme parle-t-il ? Il se vante de ses richesses. Il a des terres partout. Il a douze voitures, dix maisons. Il veut acheter ma loyauté. Mais on ne peut pas m’acheter. » Le public s’exclame « Femi la voix de l’Afrique ! L’ambassadeur de l’Afrique ! Femi président de l’Afrique ! » Au tour du morceau « Shotan » de rententir. « Tu vas regretter d’avoir fait confiance au gouvernement d’Obasanjo [[Le président de la République fédérale du Nigeria de 1976 à 1979 et de 1999 à 2007]]. Il va nous envoyer en enfer ». Comme son père, Femi n’a pas sa langue dans sa poche. « I wanna be free » tombe comme un coup de massue : « Dès que l’on dort, épuisés, ils mettent au point leurs maléfiques projets. Et s’approprient nos ressources naturelles. Les dirigeants africains et leurs homologues étrangers sont des esprits malsains. A causes de ces monstres nous ne serons jamais libres demain ».

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« Si j’arrivais à mobiliser mon peuple, l’Afrique serait libérée. »

Des images de la vie quotidienne au « Shrine », des témoignages, entrecoupent celles de la soirée. Le public vote démocratiquement les chansons à mettre sur l’album. Comme pour rappeler qu’au « Shrine » au moins, les Nigérians peuvent exprimer leurs opinions librement.
Un groupe de jeunes fait l’apologie de Femi. « Ses chansons nous permettent de connaître la situation du Nigeria et de l’Afrique. Il nous fait comprendre que les Africains doivent se battre pour leurs droits, comme dans la chanson « Demo-crazy ». On a comprit que c’était le gouvernement qui nous rendait fous. Le pays va de plus en plus mal. Les prix montent, les gens meurent de faim. On n’a pas d’électricité, le système éducatif est mauvais. Femi Kuti nous apprend à réfléchir et à lutter ». Une vieille dame renchérit : « C’est dur. Les salaires ne sont pas payés, les retraites non plus. Les choses ne sont pas douces. Mais quand vous avez un endroit où vous poser, où vous pouvez tout oublier, passer un bon moment, je trouve ça formidable. Femi a fait beaucoup pour ces gens. Tout est cadré et organisé. A l’époque de Fela, c’était violent. Il y avait toujours des problèmes.»

« Un seul pays africain bien gouverné pourrait tout changer. Un seul dirigeant progressiste, honnête, suffirait », disait Fela Kuti. Son fils de reprendre : « si j’arrivais à mobiliser mon peuple, l’Afrique serait libérée ». Le film termine sur des vues du Nigeria, sur la pauvreté.

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Le combat de Femi Kuti aujourd’hui : « La justice, la vérité ». « Mon père est mort à cause de la vérité. Tout fils voudrait une revanche pour son père. » On attend avec impatience son prochain album qui doit sortir en 2008. Son jeune frère Seun Kuti se lance aussi dans la bagarre. Son album « Think Africa » est sortit en août 2007. Leur père, Fela, avait épousé ses vingt-sept danseuses. Inutile de préciser l’importance de sa descendance. Sa relève le sera sans doute aussi.

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à propos de l'auteur

Auteur : Audrey Montilly

Diplômée de l’IUT de journalisme de Lannion, j’ai pu effectuer plusieurs stages. En PQR mais également en télévision, à TV7 Bordeaux. Expérience très enrichissante puisqu’en télévision locale, j’ai pu effectuer des reportages de A à Z, de la prise d’image, au montage, en passant par la rédaction des commentaires. Puis je suis partie un an à Québec. Cours à l’Université Laval et stages, à Radio Canada, au service télévision. Une licence info-com et un master 1 de science politique en poche, j’ai pu intégrer le master 2 journalisme. Entre temps, deux étés à la Dépêche du Midi à Agen, un autre à Ouest-France, à Nantes, en 2007. J’ai longtemps hésité entre la presse écrite et la télévision. Entre l’écrit et l’image. Si j’ai privilégié l’écrit, le web pourrait me permettre d’allier les deux.