Agora des savoirs : la saison est ouverte !

Par le 5 novembre 2010

Méditer sur « les valeurs, les sciences et les savoirs ». C’est le pari que se lance, cette année, l’Agora des savoirs montpelliéraine. Mercredi 3 novembre, la philosophe Sylviane Agacinski a ouvert la première conférence publique. Et pour l’occasion, elle a choisi d’aborder la question complexe de « l’inestimable ».

Forte du succès de sa première expérience, la ville de Montpellier remet ça ! L’Agora des savoirs s’offre une seconde saison. Une nouvelle occasion pour les Montpelliérains de rencontrer de grands spécialistes et d’aborder avec eux des thèmes précis, souvent peu traités. Riche de ses intervenants, à l’image de la philosophe Sylviane Agacinski, prestigieuse invitée de la leçon inaugurale, l’initiative culturelle continue ainsi de démocratiser le savoir.
Trois cycles, une trentaine d’intervenants, chercheurs, enseignants, essayistes…Le programme de la manifestation a les atouts nécessaires pour séduire, cette année encore, un large public.

Mais « l’Agora des savoirs a un gros défaut : les femmes y sont sous-représentées ». Conscient des faiblesses de ces rendez-vous culturels, Michaël Delafosse, adjoint au maire délégué à l’action culturelle, veut y remédier. L’invitation de la philosophe Sylviane Agacinski en est le parfait exemple. Spécialiste du rapport entre les sexes et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet (dont le célèbre « Drame des sexes »), elle incarne l’importance de la réflexion féminine.
SAM_31922-5.jpg

« Que voulons nous savoir ? »

Triste constat que celui de la spécialiste lors de l‘ouverture des débats. « Nous vivons dans une époque mal à l’aise avec ses valeurs. » Crise des valeurs ? Entre passion pour l’égalité et crainte des hiérarchies, il semblerait que la notion même de valeur perde sa signification. Elle a été réduite dans nos sociétés à l’intérêt relatif d’un individu. Pour la philosophe, « cette conception de plus en plus subjectiviste et individualiste des valeurs » pourrait s’expliquer par le « manque de reconnaissance commune des valeurs, au sens de ce qu’est l’estime ».

Dans le « monde désenchanté » de Max Weber, cité volontiers par la professeur agrégé de Philosophie, la neutralité scientifique est essentielle. Elle doit faire face aux conflits d’intérêts qui entourent les Hommes. Pour le sociologue allemand, la recherche scientifique serait libre des valeurs, ces dernières se trouvant ailleurs dans la société. Valeur et vérité ? Deux concepts que tout semble opposer.

Cependant, cette hypothèse des sciences neutres et libres, exemptées de valeurs, laisse de côté la question de la finalité du savoir scientifique. Sylviane Agacinski veut mettre l’accent sur l’impossibilité de séparer l’ »avoir » du « vouloir » : « que voulons nous savoir ? La question est souvent éludée pourtant la réponse n’est pas si évidente que cela ». Les connaissances scientifiques correspondent à une recherche précise, à l’utilisation d’une méthode particulière et à la poursuite d’un but singulier.

Or, l’idée de valeur n’est pas dissociable de celle d’orientation : si toute recherche implique une orientation, elle pose inévitablement la valeur de ce qui est recherché. Cette valeur n’est rien d’autre que ce qui est digne d’être recherché. Par syllogisme, si ce qui est recherché est la vérité alors la vérité est une valeur.

La conception technoscientifique, seule vérité possible ?

Cette réflexion complexe ne va pas de soi. De nos jours, la conception technoscientifique est un pilier essentiel, souvent considérée comme l’unique détentrice de la vérité. « Mais est-ce la seule vérité possible ? » La philosophe y voit un certain danger : celui de la relativisation de tout autre point de vue et du renvoi de ces derniers à des conceptions subjectives.
« On fait comme si le regard scientifique était naturel, alors qu’il n’est qu’une possibilité de la vision des choses. » La pratique technoscientifique est une technique mais n’est pas la seule. Trop souvent oubliée, la question de la pluralité des visions du monde apparait primordiale dans le discours philosophique de Sylviane Agacinski.

Après deux heures d’exposé, la brillante philosophe pose à son public admiratif une dernière question. « L’extension de la vérité technoscientifique n’est-elle pas en partie responsable de la dévaluation de toute autre façon de considérer la réalité ? » Une nouvelle réflexion qui laisse aux apprentis philosophes de quoi patienter jusqu’à la prochaine conférence.

« La rançon du succès »

Une première soirée réussie pour l’Agora des savoirs qui a attiré une foule de curieux. Obligeant d’ailleurs les plus téméraires à s’installer dans les escaliers de l’ancien cinéma Rabelais.
Que les assoiffés de savoirs n‘attendent pas le dernier moment pour se rendre aux prochaines conférences. Ces rendez-vous culturels sont très prisés et les places assises y sont chères ! Mais comme Hélène Mandroux, maire de Montpellier, le dit si bien: « c’est la rançon du succès ».

Le programme de l’Agora des savoirs

Catégorie(s) :
Étiquettes : , , ,

Vous avez aimé cet article ? Partagez-le !

à propos de l'auteur

Auteur : Elodie Calas

Originaire d'un petit village tarnais, rien ne me prédestinait à m'orienter vers le métier de journaliste. Après un bac économique, une année d'hypokhâgne à Toulouse a suffit à me convaincre de rejoindre les bancs de la fac de droit. Et, après une courte expérience juridique, c'est finalement vers les sciences politiques (L3 et Master 1) que je me suis dirigée. Mon envie d'appartenir au cercle étroit des journalistes n'est pas nouvelle, mais ce n'est que cette année que mes ambitions professionnelles se ressentent, enfin, sur mon orientation universitaire. Comment expliquer ce choix du journalisme? Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui voient dans les journalistes de vicieux vautours manipulateurs, prêts à tout pour obtenir un scoop et l'étaler sur la place publique. Peut-être dois-je remercier ces détracteurs, car ce sont eux qui m'ont convaincu de persévérer dans cette voie. Et tenter de redonner ses lettres de noblesse au journalisme. Après tout un journaliste n'est-il pas ce contre pouvoir qui donne aux citoyens les clés indispensables à la compréhension d'une société ? Naïve ? Non, pas vraiment. Idéaliste ? Sans aucun doute...