Catalans mais pas indépendantistes

Par le 1 novembre 2015

Esquerra Republicana de Catalunya, Unitat Catalana, Convergencia Democratica de Catalunya… Ces partis politiques ont tous des locaux dans le centre-ville de Perpignan. Ils témoignent de la double identité qui existe dans cette ville située à quelques minutes de la frontière espagnole. Pourtant, loin de la ferveur indépendantiste qui règne au sud, ces partis cherchent avant tout à défendre une culture et une langue. Reportage en terres catalanes.

Le Castillet paré des couleurs de la Catalogne

Au coin des bâtiments, les noms de rue sont écrits en catalan. Parfois, en déambulant dans le centre-ville, il est possible d’apercevoir des drapeaux indépendantistes affichant les couleurs sang et or sur les façades des bâtiments ainsi qu’au-dessus du Castillet, ancien vestige des murs de la ville et symbole local. Nous ne sommes pas à Barcelone mais à Perpignan, dans le sud de la France. Ici, la ferveur indépendantiste qui règne au sud des Pyrénées s’est atténuée en traversant la frontière. Aucune manifestation de grande ampleur ou de feuilleton politico-judiciaire avec le pouvoir central. Mais il existe ici une poignée de partis politiques qui défendent la Catalogne et sa culture. Tous suivent avec attention les événements de l’autre côté de la frontière.

Parmi ces partis, Unitat Catalana, né à la suite des élections régionales de 1986. Jaume Roure, un de ses fondateurs, l’a présidé de 2003 à 2013. Les objectifs de ce parti sont restés les mêmes depuis le début : développer des relations avec la Catalogne du sud et promouvoir l’identité et la culture catalane. Lorsqu’on lui demande s’il est attentif aux événements qui se déroulent de l’autre côté des Pyrénées, Jaume Roure esquisse un sourire : « Attentif est un petit mot. La situation est idéale : le gouvernement espagnol est complètement fermé à toute négociation, et Mariano Rajoy était exactement la personne qu’il fallait pour que le mouvement indépendantiste décolle. À Barcelone, assure-t-il, l’histoire est en marche. »

Une Catalogne nord différente de celle du sud

Au nord des Pyrénées, en revanche, le combat n’est pas le même et l’indépendantisme n’est pas à l’ordre du jour. Les raisons sont multiples. D’abord, le catalan est très peu utilisé à Perpignan. Selon Jaume Roure, « beaucoup de gens se sont installés dans les Pyrénées Orientales depuis dix ans. Aujourd’hui, les trois-quarts du département proviennent d’ailleurs et les personnes que l’on croise dans la rue ne connaissent pas Artur Mas, président de la Généralité de Catalogne. Le nombre de personnes parlant le catalan n’a pas diminué, mais la proportion a baissé car les nouveaux arrivants ne se sont pas intégrés culturellement à la Catalogne et à son histoire  ». En conséquence, les partis catalanistes enregistrent de faibles scores à Perpignan, entre 2 et 3%, alors que les grandes formations françaises sont en tête.

Jordi Vera, lui, est président de Convergence démocratique de Catalogne (CDC), un parti politique présent à Perpignan depuis 2005. Dans son bureau du centre-ville, le drapeau indépendantiste catalan est fiché sur la table. Au fond de la pièce trône un âne en bois, l’axurit, qui symbolise le caractère obstiné que l’on prête souvent aux Catalans. Même s’il soutient le processus indépendantiste de Catalogne sud, il pense que la réalité de ce côté-ci de la frontière est toute autre. « Notre avenir dépend de nous, et non pas des catalans du sud. Ici la réalité politique, nationale, culturelle, est différente. Le processus indépendantiste engagé au sud ne changera pas la situation. »

Des échanges insuffisants avec la Catalogne sud

Les liens de Convergence démocratique de Catalogne (CDC) avec le sud sont bien réels. C’est de ce parti qu’est issu le gouvernement d’Artur Mas à Barcelone. Aujourd’hui, la CDC revendique 300 militants dans le département catalan. L’un d’eux, Joan Nou, est passé du Modem à CDC il y a un an. Pourtant, le trentenaire dresse un constat plutôt amer : « Il y a peu d’échanges avec la Catalogne sud, c’est une relation a minima. Les politiques transfrontalières sont minces, malgré quelques échanges d’étudiants entre les universités. La Casa de la Generalitat (représentation du gouvernement sud catalan à Perpignan) soutient bien quelques projets, mais c’est loin d’être suffisant ».

Une langue catalane trop peu enseignée

L’économie de la Catalogne sud, bien plus dynamique et diversifiée que celle de Catalogne nord, en laisse certains rêveurs. Les militants de CDC estiment qu’il ne faut pas rater le coche et que l’enseignement du catalan créerait des emplois. Selon Joan Nou : « Alors que dans le sud les gens sont très polyglottes, parlant le catalan, l’espagnol, et le français, ce n’est pas le cas de ce côté de la frontière. ». À l’entendre, l’enseignement du catalan permettrait de s’arrimer à la locomotive économique du sud. « Promouvoir le catalan devrait être une priorité », conclut-il.

Une liste catalane aux élections régionales ?

À l’approche des régionales françaises, CDC travaille à la présence d’une liste catalane. Mais la grande région qui se dessine risque de mettre fin au vieux rêve de Joan Vera : voir la création d’une région catalane. Le grand ensemble aura une logique du point de vue occitan, mais du point de vue catalan, le résultat est perçu comme une marginalisation des Pyrénées-Orientales. En revanche, il assure qu’il se battra pour que le département ne disparaisse pas en 2019. « Le département, c’est ce qu’il nous reste pour préserver notre culture. » Une toute petite autonomie, loin des envolées indépendantistes du sud.

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à propos de l'auteur

Auteur : Alexandre Turpyn

Après une licence en droit et science politique obtenue à Montpellier, le nord de la Norvège m’a accueilli une année entière en Erasmus. Là-bas, c’est dans la ville de Tromsø, une petite île nichée au milieu d’un fjord, que j’ai réalisé ma première expérience journalistique d’importance en tant que photographe et journaliste langue anglaise pour le magazine Utropia. Dans cet environnement international, la collaboration avec toute l’équipe s’est avérée essentielle pour publier dans les délais des contenus de qualité. C’est donc en couvrant des événements culturels comme des festivals, des concerts ou des expositions artistiques que j’ai appris à rechercher l’information sur le terrain et à informer efficacement pour être lu. J’ai également compris l’importance des photos pour un magazine qui se veut visuellement attractif pour attirer le plus de lecteurs. À présent de retour à Montpellier pour ce M2 Journalisme, j’aspire à d’autres expériences au sein d’entreprises de presse pour continuer à enrichir mon parcours, élargir mes horizons, et découvrir d’autres facettes du métier.