Concours de vins bio : quel revers de la médaille ?

Par le 15 janvier 2015

Des milliers de vins obtiennent chaque année des médailles dans des concours toujours plus nombreux. Mais les jolis macarons apposés sur les bouteilles sont-ils vraiment un gage de qualité ou une affaire de marketing et de communication pour les consommateurs néophytes des supermarchés? Au « challenge Millésime Bio », les avis sont partagés.

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1250 vins en compétition, 11 pays représentés, 220 jurés (cavistes, sommeliers, œnologues et journalistes …) et… 400 médailles à la clé. Bienvenue au concours international « Challenge Millésime Bio » qui précède de trois mois le fameux salon montpelliérain « Millésime Bio ».

Dans l’immense salle du Mas de Saporta à Lattes (Hérault), 62 jurys de trois à quatre personnes dégustent « à l’aveugle » les échantillons classés par catégories (rouges, rosés, blancs, liquoreux ou effervescents). Les lauréats présenteront ensuite leurs vins aux professionnels du salon où un emplacement leur sera réservé.
La participation est ouverte à tous les producteurs à condition qu’ils s’acquittent des frais d’inscription fixés à une soixantaine d’euros par échantillon. Ils devront aussi, si leur vin est primé, acheter les macarons qui seront apposés sur les bouteilles. Chaque vigneron peut présenter autant d’échantillons qu’il le désire, certains d’entre eux en présentent jusqu’à 25 !

Mais qu’est-ce qui fait courir les viticulteurs, les importateurs et autres négociants après ces récompenses ?
Jacques Frelin, négociant en vins biologiques et vice-président de Sudvinbio, a son explication : « Remporter une médaille est un bon outil de communication. Tout le monde y est sensible, cela amène nécessairement du prestige, de la notoriété ».
Durant le Salon Millésime Bio, les vins médaillés seront mis en avant avec un espace dégustation où seront présentés les vins des lauréats. Cette distinction booste les ventes du producteur au salon et met en lumière, outre le vin primé, l’ensemble des vins de son domaine. « Pour nous, les ventes ont nettement augmenté, on a du mal à faire face aux commandes. Sur le salon, ça nous a permis de trouver de nouveaux clients, on a de nouveaux marchés en Angleterre, aux États-Unis et au Japon », confirme Franck Léonor du domaine La Rouviole dans le Minervois qui a remporté une mention spéciale l’an dernier.
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Jusqu’à 33 % de vins médaillés

Les médailles sont donc un bon coup de pouce pour le producteur mais elles sont souvent bien trop nombreuses comme l’explique Paul Chartrand, un importateur américain : « Il y a trop de concours, trop de médailles, ça aide les professionnels mais ça ne joue plus beaucoup auprès des consommateurs. Le pourcentage de hausse des ventes avec une médaille n’est pas très impressionnant. »
C’est aussi l’avis de nombreux membres du jury interrogés à la fin de la dégustation. Beaucoup jugent les concours trop peu sélectifs. « Ça sert à la promotion de masse, généraliste », commente un œnologue de la région. « Les concours sont banalisés, ça marche avec la grande distribution. Le concours n’est qu’une petite pierre apportée à l’édifice du vigneron ». Lors de ces concours, jusqu’à 33% des vins peuvent être primés… De manière générale, à Lattes, entre 25% et 30% de vins seront médaillés. Imaginez un Mondial de football où dix équipes se partageraient la coupe !

À titre indicatif, le Millésime Bio a décerné en 2013, 339 médailles, dont 5 « Mentions spéciales ». Très courantes dans les concours afin d’apporter une distinction prestigieuse supplémentaire, les mentions spéciales ont été supprimées depuis cette année par la direction générale de la répression des fraudes, soupçonnées d’induire le consommateur en erreur. D’autre part, le milieu professionnel accorde peu de valeur à la médaille de bronze et beaucoup de vignerons choisissent de ne pas l’apposer sur leurs bouteilles. Certains ne mettent même aucune des médailles remportées car ils n’y voient pas de retombées commerciales. Emmanuel Baron, « Mention spéciale » l’an dernier avec un AOP Condrieu, n’a pas mis le macaron sur ses bouteilles : « Je suis sur un vin cher, 15 euros, et sur des commandes de petits volumes, donc la médaille n’aurait rien changé. Ce vin ne se vend pas plus que les autres. C’est pour situer personnellement mon vin que je me présente à ce concours ». Ce que confirme un membre de la société OENOTEC : « Les concours permettent surtout aux participants de s’étalonner entre eux ».

Quel impact sur le consommateur ?

Au bout de la chaîne, il y a le consommateur, forcément désorienté dans cette forêt de bouteilles, d’étiquettes, d’AOC, vin de pays, médailles et autres mentions toutes plus tentantes les unes que les autres. Selon une étude mandatée par l’association Sudvinbio et réalisée par IPSOS en 2013, la médaille n’arrive qu’en 4ème position dans les critères de choix de l’acheteur, après l’origine du vin, le prix et la mention AOC (19% seulement des acheteurs accordent une importance à cette distinction pour l’achat d’un vin biologique).

Et la démarche est différente selon que l’achat se fait chez un caviste ou en grande surface. Chez les cavistes indépendants, l’offre est moins abondante et bien souvent il est rare d’y trouver un vin médaillé. « Il n’y a aucune médaille chez nous, on demande aux vignerons de ne pas les mettre. La plupart des médailles n’ont pas de valeur », affirme le caviste de « Aux grands vins de France » à Montpellier. Même son de cloche chez d’autres cavistes que nous avons rencontrés : la médaille dans l’acte d’achat ne semble pas être primordiale : « Jamais un client ne nous demande un vin médaillé mais ça a sans doute une influence sur le dernier geste d’achat. Les médailles visent indiscutablement la grande distribution… » explique ce caviste de la rue Saint Guilhem. Le caviste est un professionnel et son conseil est à lui seul l’assurance de la qualité d’un vin.

En somme, les médailles n’auraient de raison d’être que pour les vins vendus en grande distribution. Devant une offre surabondante, le consommateur choisit souvent son vin en moins d’une minute. La médaille est là pour le rassurer sur la qualité d’un vin qui a fait ses preuves auprès des connaisseurs. « Si je suis invitée, comme je ne connais pas grand chose en vin, je choisis d’abord un vin bio de la région et je préfère un vin qui a obtenu une distinction, ça fait plus sérieux, plus cadeau… » confie Nathalie, 36 ans, rencontrée au rayon des vins chez Inno, à Montpellier.

Reste que pour tous les professionnels interrogés, les papilles auront toujours le dernier mot : « Le meilleur juge en matière de vin, c’est celui qui le boit et si le goût d’un vin vous plaît, alors ne cherchez plus, il est bon ! Avec ou sans médailles ! »
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