Coup de grêle sur la cuvée solidaire du Pic Saint-Loup

Par le 1 février 2017

Suite à notre article sur la cuvée solidaire « Languedoc Solidarité Grêle » en soutien aux vignerons sinistrés du Pic Saint-Loup et de l’ensemble des coteaux du Languedoc, nous avons profité du salon Vinisud pour rencontrer des vignerons dubitatifs sur l’utilisation de l’argent qui sera récolté.

« On se fout de notre gueule, on se sert de nous » tempête Fabrice Bonmarchand, directeur du Mas de L’Oncle à Lauret, qui estime avoir perdu plus de 90% de sa production lors de l’épisode de grêle qui a frappé le vignoble du Pic Saint-Loup mi août dernier. Selon lui, « l’argent n’ira pas aux sinistrés, on ne peut pas dire que c’est une cuvée solidaire alors que la somme sera reversée au syndicat d’appellation ». Pour venir en aide aux sinistrés, ce syndicat des vignerons du Pic Saint-Loup a effectivement « créé un fond de solidarité» au lendemain de l’épisode climatique qui a en partie dévasté les vignes. Mais à entendre Fabrice Bonmarchand, « il serait bien d’avoir des nouvelles six mois après » et de savoir comment les fonds récoltés seront reversés à ceux qui en ont besoin. Selon ses comptes, il perdra environ 200 000 euros de chiffre d’affaire.

« Le mieux serait de venir acheter directement chez nous pour nous soutenir »

Marion Mavel, animatrice du syndicat et chargée de l’organisation de Vinisud pour les vignerons du Pic Saint-Loup tempère, elle, les inquiétudes : « Le syndicat des vignerons du Pic Saint-Loup n’a pas encore reçu d’argent et il était convenu depuis le début que celui-ci serait destiné à faire la promotion de l’appellation ». De plus, elle affirme que « les vignerons sont informés toutes les semaines avec des réunions publiques ». Un malentendu ? Le directeur du Mas de L’Oncle persiste et est même exaspéré quand des visiteurs du salon lui parlent de cette cuvée solidaire* : « Ça m’énerve », s’insurge-t-il, « les gens viennent nous dire qu’ils ont acheté la cuvée pour nous aider mais le mieux serait de venir acheter directement chez nous ». Pour Fabrice Bonmarchand, « les vignerons touchés auraient pu directement être les commerciaux de cette cuvée ». Il demande surtout une clarification concernant la répartition de la somme qui sera récoltée : « Ce qui n’est pas normal c’est qu’on ne sait pas comment ça va être réparti ».

« Ils se servent de notre malheur »

Pour l’heure, le syndicat des vignerons du Pic Saint-Loup reconnaît ne pas avoir encore réfléchi à la question : « Nous avons des pistes mais on communiquera autour de cela une fois la totalité de l’argent récolté », explique Marion Mavel. Elle tient aussi à rappeler que « l’administration est lente », mais que « tout le monde a travaillé pour que les choses avancent ». L’animatrice souhaite plutôt rester positive autour de ce « réel élan de solidarité qui est une grande preuve d’humanité ». Et d’ajouter que « le maître mot des vignerons du Pic Saint-Loup depuis 30 ans c’est la solidarité ». Un discours inverse à celui de Fabrice Bonmarchand qui affirme vouloir « se démerder tout seul ». Très colère, il va jusqu’à reprocher à tous les intermédiaires de l’opération solidarité de « se servir de notre malheur ».

« Cette action est plus morale que financière »

Régis Valentin, président du syndicat des vignerons du Pic Saint-Loup et lui aussi sinistré, rappelle que « la cuvée solidaire n’est pas destinée qu’au Pic Saint-Loup mais à l’ensemble des coteaux du Languedoc ». D’après lui, « la somme récoltée et ramenée à tous les vignerons impactés sera dérisoire » et qu’il serait finalement plus logique que celle-ci soit destinée « à promouvoir l’appellation ». Lui même ne compte pas sur cet argent mais défend le côté solidaire de l’action : « Ca ne comblera pas mon trou mais cette action est plus morale que financière. »

Auteure d’un livre sur le Pic Saint Loup (Un terroir, Des hommes : Le Pic Saint-Loup), Sharon Nagel qui connaît parfaitement la plupart des vignerons et de leurs représentants syndicaux confirme que l’argent de la cuvée solidaire est bien destiné depuis le début à être reversé pour la promotion de l’appellation Pic Saint-Loup. Mais elle comprend également les interrogations de certains vignerons sinistrés tout en précisant qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions puisque la collecte n’est pas terminée. Rappelons que l’argent est d’abord récolté par le syndicat AOC Languedoc qui doit ensuite le reverser au syndicat des vignerons du Pic Saint-Loup. Celui-ci décidera alors comment la somme sera utilisée. La multiplication des intermédiaires et le manque de clarté au départ auraient-ils transformé une louable initiative en un nouveau coup de grêle ?

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à propos de l'auteur

Auteur : Romain Bresson

Depuis le collège, un seul objectif : devenir journaliste ! J’ai alors tout entrepris pour réaliser ce rêve. C’est donc naturellement que je me suis dirigé vers la Licence en Science Politique de l’Université de Montpellier pour intégrer ensuite le Master 2 « Métiers du Journalisme ». Passionné par l’information, l’actualité et ayant sans cesse envie d’apprendre et découvrir, le journalisme représente le métier qui permettra de satisfaire ma soif de découverte du monde en le décryptant. Recueillir l’information, l’analyser, la vérifier et la partager en la rendant intelligible et compréhensible tel est mon objectif en devenant journaliste. Très tôt attiré par le journalisme sportif, mes quatre années d’études en Science Politique à l’Université m’ont permis de m’ouvrir à des aspirations plus larges. Différentes expériences en PQR, Radio Locale ou sur des pure-players, m’ont fait comprendre qu’avant d’être journaliste sportif, c’est être un journaliste polyvalent qui est important. Le terme de journaliste spécialisé dans le sport semble alors plus adapté. Si l’écrit est la base de ce métier, j’ai développé un intérêt particulier pour le son et donc la radio. « En radio, le seul lien ténu, précis, permanent, entre celui qui parle dans le micro et celui qui l'écoute, c'est le filet de la voix et de la musique, qui coule. » Michèle Cotta Enfin, je dirais qu'être journaliste c'est avant tout s'intéresser aux autres et aimer les gens.