Esthétique, introspectif et aérien – Top 5 des albums de 2016

Par le 28 décembre 2016

Haut Courant passe la seconde vers 2017, mais regarde dans le rétroviseur de l’année musicale. Montez à bord, on sort l’autoradio de la boîte à gants et on se repasse les 5 meilleurs albums de l’année avec la rédaction. Aujourd’hui, Thibault zigzague entre rap, r’n’b et chiptune.

Eddy – Tout Eddy

Voilà sept ans que son marcel blanc est apparu pour la première fois sur internet aux côtés d’Anton Serra et d’Oster Lapwass, dans ce qui n’était pas encore tout à fait le collectif l’Animalerie. Depuis cet « Apéro », Eddy a façonné son image de beauf et son maniement des (gros) mots. En février dernier, quelques mois à peine après la sortie de Pannacotta, l’EP de son groupe Bavoog Avers, il revient avec Tout Eddy. Six titres solos dans lesquels il déchaîne rimes et prose sur fond de beats futuristes pour un EP coproduit avec l’artiste électro J.A.C.K. Dès l’introduction, le rappeur et beatmaker lyonnais cultive l’art de la dissonance. Là où on attendrait une profonde et longue introspection sur son enfance, le voilà qui expédie « Pyjama » en une minute trente. Il enchaîne ensuite les constats sombres sur des rythmes exaltants, s’amusant de la vieillesse dans « Ancien », de notre rapport à la mort dans « Lodela » ou de sa propre génération dans « 2015 ». Enfin, lorsqu’il évoque l’amour, il aiguise ses meilleures insultes et se pare de son plus beau coupe-vent fluorescent dans « Cabanon ».

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Mac Miller – The Divine Feminine

Quatrième album studio de Mac Miller et sorti le 16 septembre, The Divine Feminine prend pour thème central et exclusif l’amour. Pour ce disque concept, le rappeur de Pittsburgh puise dans sa relation tout juste dévoilée avec Ariana Grande afin de livrer une ode à la romance et à la sensualité. En une dizaine de titres, Mac peint différentes facettes des relations amoureuses. Pour cela, il réunit quelques formidables spécialistes en la matière. Bilal ouvre les cordialités pour quelques mots sur « Congratulations », avant que le faiseur de tube Anderson Paak ne dynamite le morceau « Dang ! ». Ty Dolla $ign réussit à pervertir « Cinderella », quand CeeLo Green use tendrement ses vocalises sur « We ». Désormais incontournable, Kendrick Lamar traîne lui aussi ses phases dans « God Is Fair : Sexy Nasty ». Reste cette sublime déclaration en duo avec sa dulcinée, sur « My Favorite Part ». Seul, le pennsylvanien est cependant tout aussi à l’aise pour disserter sur l’amour. Charnel (forcément) dans « Skin » ; définitif sur « Soulmate », assurément l’un des plus beaux titres de l’année.

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Blood Orange – Freetown Sound

Devonté Hynes dessine, danse, produit, compose, joue de tous les instruments et chante du Punk, puis de la Folk, avant de se consacrer presque exclusivement au R’n’B ces dernières années. Pour toutes ces raisons, il pourrait contester le titre de génie touche-à-tout attribué communément à Donald Glover. Dans Freetown Sound, son troisième album sous le nom de Blood Orange, il démontre une nouvelle fois toutes ces facettes au fil de 17 titres hypnotisants. Dev. Hynes assume tout d’abord son engagement dès l’introduction de l’album. « By Ourselves » laisse la parole à Ashlee Haze pour son poème « For Colored Women », repris en partie dans le clip de « Better Than Me ». L’ancien Lightspeed Champion déroule ensuite ses mélodies pour un Rythm and Blues lancinant sur lequel vos têtes ne peuvent que dandiner. Le refrain d’« Augustine » fait d’abord penser au « Sea, Sex and Sun » de Gainsbourg avant de partir plus loin encore. « Best To You » donne le rythme, les saxophones de « Love Ya » transportent, « But You » séduit. Chez Blood Orange, chaque mot, chaque note, sont maîtrisés. Savant mélange des qualités de l’album, « Better Than Me » est probablement le titre le plus abouti. Le bonhomme réussit même à réhabiliter Nelly Furtado sur le morceau envoûtant « Hadron Collider ». Une prouesse.

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Solange – A Seat At The Table

Imaginé dès 2008, A Seat At The Table a eu une concrétisation douloureuse. Clairement, plus personne n’attendait le troisième album de Solange Knowles. Cette période de doute, entre dépressions et instabilités, a cependant permis à la chanteuse de s’émanciper de manière plus spectaculaire encore. La voilà rebelle sur « Don’t You Wait », lumineuse sur « Cranes In The Sky » et aérienne sur « Don’t Wish Me Well ». Mais A Seat At The Table parle avant tout d’identité. D’elle-même autant que de ce que signifie d’être une femme, noire, aux États-Unis. « F.U.B.U. » (« For Us, By Us ») et « Don’t Touch My Hair » sont directement dédiés à la communauté noire américaine. L’album, en grande partie produit en collaboration avec Raphael Saadiq, s’inscrit dans la nouvelle soul. Les enregistrements sont live, Solange souhaitant jammer avec les musiciens. Si l’influence de Saadiq est perceptible, c’est bien elle qui tire les ficelles. On est loin de son EP True sorti en 2012, dans lequel Devonté Hynes (encore lui) prenait toute la place. Plus mélodique que rythmique, le R’n’B de 2016 s’éloigne définitivement de la pop fade des années 90 et 2000 pour se ressourcer auprès des mères soul et funk. En frère dévoué, le Rap n’est jamais bien loin. Il accompagne en tout cas toujours, comme sur « Mad » où Lil Wayne offre l’une des meilleures versions codéinées de lui-même.

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Ben Prunty – Cipher : The Score For Banking on Bitcoin

Le documentaire Banking on Bitcoin, retraçant l’évolution de la monnaie virtuelle, depuis sa création jusqu’à son essor en 2008 avec la crise des subprimes, sort le 6 janvier prochain. Cipher, sa bande son, a pourtant été révélée dès septembre dernier par son compositeur Ben Prunty. Découvert par les amateurs de jeux-vidéos indépendants pour la musique de FTL : Faster Than Light, l’artiste quitte le space opéra pour un autre espace infini, celui des réseaux informatiques et des algorithmes. Produit en 3 mois, Cipher est massif, 31 titres. Sur chaque piste, Ben Prunty part d’une idée simple à partir de laquelle il développe ses mélodies électroniques. Il peut s’agir d’une atmosphère anodine comme sur « Snow », ou d’un contexte complexe comme sur « The Future Is Unclear ». Profonde et captivante, la musique de Prunty s’écoute indépendamment des œuvres à laquelle elle se rattache. Comme pour son travail vidéoludique, il a produit là un album qui se suffit à lui-même, un voyage élégant au cœur de la finance, des institutions et du deep web.

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à propos de l'auteur

Auteur : Thibault Durand

Originaire de Lyon, j’ai grandi un clavier entre les mains et l’oreille scotchée à la radio. Attiré dans un premier temps par les grandes problématiques mondiales, j’ai suivi une Licence en Droit et Science politique axée autour des relations internationales. Une première expérience en presse quotidienne régionale m’a ensuite permis d’élargir le champ de mes centres d’intérêt et ma compréhension du monde local. Mon arrivée à Montpellier en Master 1 de Science politique, a contribué à parfaire ces connaissances, ainsi que mon analyse des médias et de leur mécanique, de leurs contraintes mais également des opportunités de ce milieu. J’ai également pu faire mes premières armes dans mon média de cœur : la radio. Comme Warren Ellis, j’estime que « le journalisme, c’est une folle passion. C’est pour les gens intenses et à moitié cinglés qui en ont quelque chose à secouer ! »