Israël et le chantage à la solidarité communautaire

Par le 22 janvier 2009

Le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), Richard Prasquier, a récemment affirmé que «95% des juifs de France sont en accord avec la politique d’Israël et avec ce qu’entreprend son armée». Dans l’édition de «Marianne» de la semaine dernière (numéro 612), le journaliste Jack Dion, s’insurge : «si un non-juif avait tenu de tels propos, il aurait immédiatement été accusé d’antisémitisme».

Avancer ce chiffre semble effectivement déplacé, voire dangereux. Car cela revient à dire que Tsahal agit avec le consentement de tous les juifs, ou presque. Comme si Israël avait le monopole de l’opinion d’une communauté religieuse. Dans une telle logique, on pourrait aussi imaginer que tous les catholiques sont en phase avec les positions du Saint-Siège ou, pire encore dans le climat actuel, que tous les musulmans de France soutiennent les tirs de roquettes du Hamas. C’est ce type de positions qui entraînent les insupportables assimilations, trop souvent présentes dans les manifestations de soutient à Gaza ou Israël, qui voudraient que juifs = gouvernement israélien, et musulmans = terroristes. Et c’est ce genre de raccourcis qui font que des rabbins français sont agressés à Paris, ou que des jeunes d’origine maghrébine se font tabasser à la sortie de leur lycée. Les propos du président du Crif sont de ceux qui contribuent à ce que tout le monde redoute : le déplacement du conflit hors des frontières d’Israël. Non, l’Etat hébreu n’agit pas au nom de tous les juifs.

C’était d’ailleurs l’objet d’un appel publié le 18 Octobre 2000 dans le journal Le Monde et par un extrait duquel il serait bon de conclure. «Citoyens du pays dans lequel nous vivons et citoyens de la planète, nous n’avons pas de raisons ni pour habitude de nous exprimer en qualité de juifs», écrivaient des dizaines d’intellectuels. Parmi eux le résistant Raymond Aubrac, l’ancien président de Médecin sans frontières Rony Brauman et l’historien Pierre Vidal-Naquet. «Nous combattons, poursuivaient-ils, le racisme, dont, bien sûr, l’antisémitisme sous toutes ses formes. Nous refusons l’internationalisation d’une logique communautaire qui se traduit, ici même, par des affrontements entre jeunes d’une même école ou d’un même quartier. Mais en prétendant parler au nom de tous les juifs du monde, en s’appropriant la mémoire commune, les dirigeants d’Israël s’arrogent aussi le droit de parler, malgré nous, en notre nom. Aussi, le chantage à la solidarité communautaire, servant à légitimer la politique d’union sacrée des dirigeants israéliens, nous est-il intolérable».

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à propos de l'auteur

Auteur : Romain Vauzelle

Après deux années de Droit à Aix-en-Provence, une licence de sciences politiques à Montpellier et beaucoup de voyages, mon envie de m’immerger dans une autre culture m’a poussé vers Grenade et l’Andalousie pour y valider mon Master 1. C’est fort de cette expérience et de la maîtrise de la langue espagnole que j’ai intégré cette année le Master 2 journalisme à l’Université de Montpellier, reprenant parallèlement mes activités de correspondant pour le journal « La Provence », pour lequel je rédige des articles depuis 2005. Passionné par le sport (je pratique le rugby depuis maintenant 10 ans), la politique mais aussi la tauromachie, j’ai également effectué divers stages en radio et presse écrite. Ressentant depuis longtemps une vraie vocation à exercer un jour le métier de journaliste, j'espère désormais commencer au plus vite !