Kill Me Please : le suicide vous va si bien

Par le 4 novembre 2010

Dans les salles depuis mercredi, Kill Me Please est une comédie noire à petit budget dans la droite lignée de « C’est arrivé près de chez vous ». Réunissant la crème de l’humour belge, Bouli Lanners et Benoit Poelvoorde en tête, sa grande réussite est de rendre hilarant un thème pour le moins tabou : le suicide.

Dans sa luxueuse clinique perdue au beau milieu de la campagne, le docteur Krueger a un projet : il veut « donner un peu de décence au suicide ». Chez lui se pressent alors toutes sortes de personnages bizarres et dépressifs, du comédien désabusé au jeune homme qui a « envie de mourir depuis tout petit ». Le bon docteur, humaniste supposé, leur propose un « suicide médical assisté ». Pour couronner le tout, les futurs euthanasiés pourront voir se réaliser une dernière volonté, afin de les accompagner dans ce grand voyage qu’est la mort.
Ainsi le vieux monsieur Nora veut mettre fin à ses jours en culbutant une jeune étudiante, tandis que Mme Rachel, vieille chanteuse lyrique aux cordes vocales détraquées, désire mourir en chantant la Marseillaise. Seulement voilà, une suite d’évènements macabres viendra rappeler à nos prétendants au suicide que la mort est bien souvent brutale. On ne dirait pas comme ça, mais c’est très drôle.

Du sourire coincé au rire sardonique

Dans un noir et blanc au grain très esthétique, le film est ouvert par un Benoît Poelvoorde troublant dans son rôle de célébrité au fond du trou. Mais voilà, le docteur Krueger ne voit aucune raison de lui administrer son suicide. Son présupposé cancer n’existe pas, il est riche et semble populaire. Alors le comédien lui rétorque qu’il n’a « pas les couilles de suicider quelqu’un de connu ». Et l’on commence à se crisper. Un sourire gêné, puis un rire libérateur, presque sardonique. Et l’on ne s’arrête plus.
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Les situations surréalistes, les personnages tous plus dérangés les uns que les autres, une histoire qui vire à l’accès de folie générale jusqu’au massacre burlesque orchestré par les chasseurs du patelin d’à côté, tout concourt à faire du film une véritable comédie morbide.

Si le suicide n’a rien d’amusant en soi, le réalisateur Olias Barco a su l’aborder de façon loufoque, réussissant à donner à ses personnages un aspect furieusement comique. À l’aide de dialogues ciselés, la clinique devient le théâtre d’absurdités sans nom. Pour notre plus grand plaisir évidemment.

L’héritage de l’humoir noir made in Belgium

Difficile alors de ne pas faire le rapprochement avec C’est arrivé près de chez vous, film culte montrant le quotidien banal d’un serial killer, zigouilleur incontrôlable au cynisme débordant, campé par Benoit Poelvoorde. Long métrage dans lequel figurait Vincent Tavier, aujourd’hui producteur de… Kill Me Please. Spécialiste des grands films à petit budget (Calvaire, Altraa), ce dernier a créé La Parti Production, société qui œuvre pour un autre cinéma, hors des sentiers battus du divertissement grand public.
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Si le rire provoqué par Kill Me Please peut être gênant, tant la réalisation se rapproche du documentaire, le film est bien une farce jubilatoire où l’on se fout de la gueule de la mort. Et puis comme on ne le cite jamais assez, clamons avec Pierre Desproges : « Au reste, est-ce qu’elle se gêne, elle, la mort, pour se rire de nous ? Est-ce qu’elle ne pratique pas l’humour noir, elle, la mort ? »

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à propos de l'auteur

Auteur : Martin Gauchery

« La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute! », disait Pierre Desproges. Bien malgré moi, cette phrase semble me coller à la peau. Mon parcours en est la preuve : un bac scientifique sans trop savoir pourquoi ( il paraît que ça ouvre toutes les portes, pas mal quand t'es dans le doute ), une année de médecine très vite avortée, puis une licence AES réputée pour son format bâtard, pratique lorsque l'on ne veut pas choisir. Mais il est arrivé, le moment où il a fallu prendre des décisions. Mince alors. Puis, il m'est apparu que le doute convenait bien au journalisme. C'est un moteur de la curiosité non? Après un stage concluant de trois semaines dans une locale du Journal de Saône-et-Loire, bien décidé, je me lance dans cet univers qui sent la précarité à plein nez, on verra bien. Mes intérêts sont très divers, de la politique à la musique en passant par les questions concernant la critique des médias. J'espère désormais pouvoir assouvir cette passion pour le journalisme, certes naissante mais déjà bien accrochée. Pour le coup, je doute que quelqu'un puisse m'en dissuader...