L’East Side Gallery peinte par des Français

Par le 15 novembre 2009

L’East Side Gallery est le plus grand vestige du Mur de Berlin. Long de 1,3 km, il est situé entre la gare de l’Est et le pont Oberbaumbrücke. Ce pan du Mur est célèbre pour sa centaine de peintures réalisées en 1990, par 118 artistes de 21 nationalités différentes. Rencontre avec deux artistes français, Muriel Raoux, Thiery Noir, qui ont participé à la réalisation de la plus grande galerie d’art en plein air.

« Ce qui était le plus surprenant, se rappelle Muriel Raoux, c’était la présence des gardes-frontières encore en poste en janvier 1990 lorsque nous avons commencé à peindre. Quelques mois auparavant, ils nous auraient tiré dessus. Là, ils nous ont laissé entreposer notre matériel dans les locaux du Checkpoint, et nous ont même prêté une échelle pour peindre en hauteur ! »

Cette jeune Française exilée à Berlin, côtoie à l’époque le milieu artistique berlinois. Elle prend des cours pour entrer aux Beaux Arts, et c’est grâce à l’appui d’un ami artiste berlinois, qu’elle a l’opportunité de laisser sa trace sur le Mur. Sa création appelée Yeux Grands Ouverts évoque, selon elle, l’avenir, l’espoir, tout en gardant en mémoire les évènements du passé, la nécessité de rester vigilant et de garder les yeux ouverts sur le présent.

Cette galerie à ciel ouvert est le symbole de la liberté retrouvée, celle de circuler. Pendant longtemps, cette partie du Mur située à l’Est reste inaccessible et austère, toute tentative pour l’approcher est immédiatement réprimée. Pourtant, dès 1984, deux jeunes artistes français, Thierry Noir et Christophe Bouchet, ressentent le besoin « de faire quelque chose contre ce mur angoissant ». Ils entament donc la création d’une vaste fresque murale qu’ils doivent peindre le plus vite possible pour éviter la répression. Leur but ? « Que les couleurs rongent le béton comme de l’acide, jusqu’à créer des trous énormes et faire tomber le colosse ». Ce phénomène devient rapidement une mode à Berlin-Est, et de nombreux jeunes artistes laissent ainsi leurs empreintes sur le mur.

Après le 9 novembre 1989, un projet spontané émerge et des artistes connus ou moins connus, berlinois ou internationaux, s’expriment sur le mur d’East Side Gallery avec pour seul fil rouge : Berlin divisé et sa réunification. Christine Mac Lean est la première artiste à y peindre en décembre 1989, immédiatement après la chute du Mur. De nombreux tableaux suivront dont le célèbre baiser fraternel entre Brejnev et Honecker du Russe Dimitri Vrubel.

Muriel Raoux se souvient : « les gens s’arrêtaient pour nous interroger, il y avait une ambiance bien particulière, créatrice, en ébullition. Les Berlinois de l’Est étaient ravis de voir le Mur prendre vie et se colorer. Quant à ceux de l’Ouest, ils pouvaient enfin voir l’autre côté du Mur. »

Mais la fresque subit rapidement les intempéries, la pollution et les graffites. C’est pourquoi en 2000, grâce au financement des associations Deutsches Lackinstitut GmbH et East Side Gallery e.V. une partie est restaurée. Neuf ans après, à l’occasion du vingtième anniversaire de la chute du Mur, la Künstlerinitiative East Side Gallery initie le projet de contacter tous les artistes ayant peint le mur en 1990, afin qu’ils reproduisent à l’identique leurs créations sur un mur entièrement vierge et colmaté. Ce projet ambitieux a coûté 2,5 millions d’euros et est financé en partie par l’Union Européenne, l’État allemand et la Fondation Lotto. La plupart des artistes répondent présents à l’appel et s’aident des clichés pris en 1990 pour reproduire leur œuvres.

Muriel elle aussi est revenue même si elle est maintenant traductrice. « J’ai hésité à venir car j’ai abandonné la peinture depuis plusieurs années, avoue-t-elle. Mais je ne regrette pas d’avoir fait le déplacement, tout était bien organisé. J’ai retrouvé des artistes au côté desquels j’avais travaillé sur le mur mais également des proches de Berlin. Par ailleurs, j’ai ressenti de nouveau l’enthousiasme des passants, et des Berlinois ravis de voir les couleurs reprendre vie. » Si c’est l’engagement et l’amour de l’art et de l’Histoire qui semblent avoir guidé le retour de Muriel Raoux à Berlin, ce n’est pas le cas de deux des artistes peintres qui ont refusé l’indemnité de 3 000 euros accordé par l’association. Barbara Greul Aschanta et Bodo Sperling ont demandé 15 000 euros pour reproduire leurs peintures.

Jusque là, les pouvoirs publics ont uniquement financé la restauration prévue pour les commémorations du 9 novembre dernier, et seuls des donneurs privés et l’association East Side Gallery e.V. contribuent à la restauration et la préservation de toutes les peintures depuis 1990. Reste maintenant à trouver un avenir à ce lieu de mémoire artistique pas comme les autres.

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à propos de l'auteur

Auteur : Camille Garcia

« Avec le temps va tout s’en va », disait le grand Ferré... Tout, sauf cette envie de journalisme qui me tiraille déjà depuis longtemps. Le chemin fut sinueux et peu conventionnel avant d’intégrer ce master métiers du journalisme. Cinq longues années à errer entre une première année de droit, puis un master 1 LEA Europe qui aura eut le mérite de me faire franchir les frontières du territoire français pendant deux ans. Après un passage à Liverpool chez les quatre garçons dans le vent que sont les Beatles ou une épopée andalouse chez le roi Boabdil et sa divine Alhambra de Granada, me voilà en territoire Héraultais. « L e journalisme, c’est bouché » me disait déjà à l’époque Mme François la conseillère d’orientation en troisième. « Les journalistes, tous des fouineurs » ajoutait Mr Chabrier mon cher et tendre voisin. C’est dire si journaliste est une vocation, un sacerdoce qui demande avant même de pouvoir l’exercer une grande ténacité et une grande volonté pour s’opposer aux nombreux pessimistes voire détracteurs de la profession. Et pour continuer avec la morosité ambiante, maintenant, c’est la crise de la presse, la mort des journaux, le lecteur n’achète plus, ne fait plus confiance aux journalistes... Mais alors pourquoi vouloir se lancer dans une bataille déjà perdue ? Ma réponse est simple et courte : je ne me vois pas faire autre chose et c’est une histoire de passion et de passionnés. Je crois que c’est à nous futurs journalistes de reconquérir nos lecteurs, de revaloriser l’information, de la diversifier, de la rendre originale et pluraliste en répondant aux besoins du lectorat sans oublier de susciter chez eux l’envie de s’informer, d’en savoir plus. Alors même si les journalistes précaires se ramassent à la pelle comme les feuilles mortes du grand Prévert, tant pis! Je reste convaincue qu’après l’automne vient le printemps et qu’une nouvelle génération de journalistes, la nôtre, aura sa place. Satanée optimisme quand tu nous tiens !