La culture pour tous et par tous

Par le 11 novembre 2009

Le vendredi 23 octobre 2009, la Boutique d’écriture & Co, située rue du faubourg de Figuerolles à Montpellier, organise un atelier sur le mécénat des particuliers pour repenser la culture.

La Boutique d’écriture & Co, qui participe à un mouvement d’éducation populaire pour lutter contre les inégalités culturelles, organise cet atelier soutenue par le réseau Peuple et culture#. La Boutique permet « l’action culturelle et l’éducation artistique pour tous, en particulier la mise en partage de toute question relative à l’écriture, au livre, à la littérature, et plus largement au langage, aux arts et à la culture ».
Le mécénat des particuliers ne consiste pas à financer des œuvres pharaoniques de prestige mais doit contribuer à faire vivre une culture alternative, hors des chemins balisés par les institutions. Le terme est peut-être mal choisi, et fait débat, pour évoquer ce qui renvoie à la pratique du don. Cet atelier permet à plusieurs intervenants de faire partager leur expérience sur le mécénat. Diverses expérimentations dessinent un modèle économique alternatif pour financer la culture en dehors des subventions et de la publicité qui uniformisent la production artistique.

Line Colson introduit la discussion. La loi sur le mécénat de 2003 permet une réduction d’impôts pour un particulier qui désire contribuer financièrement à un projet culturel. Cependant, les associations doivent être éligibles au mécénat selon le critère de l’intérêt général afin de bénéficier de dons déduits fiscalement. Cet atelier doit donc permettre de questionner la possibilité pour des citoyens de se réapproprier une part des politiques publiques en matière culturelle; la loi sur le mécénat leur permettant de rediriger une part de leurs impôts.

Olivier Lanoë, musicien, présente ensuite les AMACCA (Association pour le Maintien des Alternatives en matière de Culture et de Création Artistique). Les AMAP permettent à des particuliers de financer un paysan qui respecte l’environnement en lui achetant directement ses produits. Les AMACCA, associations collégiales, reposent sur le même système transposé dans le domaine de la culture. Ses initiatives remettent en cause le système de production culturelle institutionnalisé et uniformisé. Olivier insiste sur la « nécessité d’information sur le monde du spectacle » qui fait défaut y compris auprès des soutiens des AMACCA. Des politiques culturelles différentes peuvent ainsi émerger. Cette initiative doit permettre de s’approprier la question culturelle et de comprendre les enjeux de la culture.
Ensuite, Paul-Marie Plaideau évoque son expérience de la CIME, Coopérative Ici Maintenant Ensemble. Il dénonce le système libéral et marchand, véritable étouffoir de la créativité. Selon lui, au festival d’Avignon, « les compagnies se font connaître pour intégrer un réseau institutionnel et non pour rencontrer un public ». Paul-Marie replace l’expérience de la CIME dans le contexte de la lutte des intermittents et précaires en 2003 avec ses « liens artistiques, intellectuels, philosophiques ». L’initiative qu’il présente inscrit le spectacle vivant « dans une démarche plus active, plus participante ». Il privilégie la mise en place d’un socle populaire avec des ateliers de pratiques théâtrales. La séparation entre l’acteur et le spectateur doit ainsi être atténuée.

Mais les alternatives culturelles tâtonnent pour perdurer dans le cadre de la normalisation capitaliste. Gilles Gouget, directeur de Divergence FM, évoque le financement des radios associatives. Un système de redistribution des régies publicitaires vers les radios faiblement financées permet la survie de ses médias alternatifs. Cependant, ce mode de financement demeure de plus en plus contrôlé. Ensuite, le fond de soutien radiophonique favorise les radios liées aux pouvoirs publics. Les dons des auditeurs sont suscités mais demeurent faibles par rapport aux besoins de financement. Divergence FM apparaît comme un succès au niveau de son activité mais pas de son financement. Gilles estime que « si chaque auditeur donne un peu, la radio n’a pas de problèmes financiers ». De plus il considère que les mécènes ne doivent pas simplement donner de l’argent mais participer de manière effective au projet.
Enfin Louise Aubert ,coordinatrice des actions culturelle, évoque sa tentative infructueuse. Elle a tenté de créer un espace culturel à l’hôpital de manière immédiate. Les alternatives culturelles, tâtonnantes mais innovantes, doivent s’inscrirent dans un projet à long terme pour perdurer.

Au-delà de ses diverses expérimentations, la journée s’inscrit dans le sillage du Manifeste pour les « produits » de haute nécessité rédigé en soutien aux luttes sociales qui ont agité la Guadeloupe et les territoires d’Outre-mer. Ce texte, distribué à tous les participants de l’atelier, esquisse un monde « post-capitaliste ». Les auteurs estiment que « nous sommes tous victimes d’un système flou, globalisé, qu’il nous faut affronter ensemble ». La culture n’est pas considérée comme un simple supplément d’âme à la réification de la vie. Elle s’apparente à une haute nécessité qui est « de tenter tout de suite de jeter les bases d’une société non économique, où l’idée de développement à croissance continuelle serait écartée au profit de celle d’épanouissement ». A l’image des intervenants de l’atelier, les rédacteurs de ce Manifeste semblent également préconiser une réappropriation de la culture et de la poésie par tous et toutes. Les expérimentations présentées à la Boutique d’écriture & Co doivent ainsi permettre « de vivre sa vie, et la vie, dans toute l’ampleur du poétique ».

[[# Atelier en partenariat avec :

Pierre Buisson, Université Paul Valéry : Pierre Buisson est ingénieur d’étude à l’Université Paul Valéry Montpellier III où il coordonne les formations supérieures sociales. La Licence, le Master Intermédiation et Développement Social et le Diplôme Supérieur en Travail Social dans le département d’Administration Économique et Sociale (AES). Depuis plusieurs années, il contribue à une réflexion critique sur le champ professionnel du Travail Social (flexibilité et déréglementation, nouveaux métiers…).

Véronique Cottenceau, Drac LR : Le 15 mars 2005, le Ministre de la culture et de la communication et le président de l’Assemblée des Chambres françaises de commerce et d’industrie signaient une charte nationale incitant au rapprochement entre les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les Directions régionales des affaires culturelles (Drac) pour promouvoir le mécénat de proximité. En Languedoc-Roussillon, la désignation en octobre 2006 de Véronique Cottenceau
comme correspondante mécénat a fait prendre un nouvel essor au mécénat
culturel.

Samy Rebaa, consultant en stratégie mécénat : Travaille depuis 3 ans en étroite collaboration avec la DRAC LR : Accompagnement et conseil, aux projets, organisation d’évènements liés au mécénat. Il est à l’origine avec Véronique Cottenceau de la stratégie de développement du mécénat culturel en Languedoc – Roussillon et de la création d’un pôle mécénat régional.

Louise Aubert, coordinatrice des actions culturelles : Entrée au CHRU en 1983 comme infirmière, informaticienne depuis 1985, détachée à la mission Culture à l’Hôpital depuis 2008.]]

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à propos de l'auteur

Auteur : Sylvain Quissol

J’ai suivi des études d’histoire et de science politique pour mieux comprendre et analyser l’actualité. Au moment de choisir une orientation professionnelle, j’ai pensé au journalisme. Je m’intéresse à l’actualité et j’aime écrire. Je me passionne plus précisément pour l’agitation politique et les enquêtes sociales. Pour moi, la presse doit informer et attiser l’esprit critique. Je pense même qu’il est possible d’être à la fois rigoureux, précis et tranchant pour libérer un journalisme trop souvent servit sous cellophane. Je préfère faire partager un regard décalé sur l’actualité parfois soumise au ronronnement du formatage éditorial. Pour traiter l’information avec plaisir et détachement.