Les vingt ans du Mur : combien ça coûte?

Par le 15 novembre 2009

En Allemagne, en matière de commémorations, la transparence semble être de rigueur. Quelques heures avant le coup d’envoi des festivités, nous avons pu rencontrer Hans-Friedrich Müller, chef de service à la mairie de Berlin.

Dans une économie qui, comme en France, n’est pas dans la meilleure conjoncture, le Länder de Berlin a financé l’ensemble des commémorations avec une disposition plutôt originale : « En Allemagne, chaque Länder (État-région) a le droit d’organiser des loteries pour financer des évènements », explique Hans-Friedrich Müller : « Par ce biais, nous avons pu récolter suffisamment de fonds pour assurer la réussite de ce vingtième anniversaire, sans s’endetter pour autant. » Confiants dans leurs institutions, les Allemands n’ont pas remis en cause ce budget. Une loi sur la libre-information des citoyens leur permet de saisir les autorités concernées lorsqu’il y a litige sur l’emploi de sommes publiques. Pour M. Müller, étonné par la question, « le financement des commémorations n’a pas du tout été un point de débat public ». S’agirait-il donc d’une curiosité bien française ?

Dans notre pays, les fonds investis dans l’organisation de commémorations ne sont pas connus du public, tant leur usage peut créer polémique. Nos cousins d’outre-Rhin semblent, eux, jouer la transparence : « En douze mois de manifestations diverses pour célébrer l’anniversaire du Mur, nous avons dépensé quatre millions d’euros. » précise M. Müller. À ce montant, issu des caisses de la mairie, viennent s’ajouter près de trois millions d’euros fournis par l’État fédéral allemand, exclusivement consacrés à la venue des officiels. Un important dispositif de sécurité a été nécessaire, sans oublier les frais liés à l’incontournable protocole. Bien que représentée sur place, entre autres par José Manuel Barroso, président de la commission européenne, l’Union a été aux abonnés absents. Aucun fond européen n’a été alloué à l’organisation des commémorations des vingt ans de la chute du Mur.

Étalées sur une année entière, les différentes manifestations prévues ont pu avoir lieu grâce à la synergie d’un vaste tissu associatif : « La ville de Berlin a coordonné les commémorations à la manière d’une grande entreprise, appuyée sur ses partenaires », raconte M. Müller. Des centaines de bénévoles ont ainsi pénétré les coulisses de cette vaste organisation, coordonnée par un groupe nommé par la Ville, Kultureprojekte. Aux côtés des associations, les habitants de la capitale ont été invités à s’impliquer au maximum dans une démarche de participation citoyenne. Depuis près d’un an, sur le site mauerfall09.de, chacun pouvait apporter sa contribution aux festivités, en suggérant des idées d’expositions ou de manifestations diverses : « Cela a toujours fait partie du plan », ajoute M. Müller. « Nous avons toujours souhaité travailler en association avec les Berlinois, qui, par leur détermination, ont fait tomber le Mur il y a vingt ans ». Dès lors, il refuse l’idée que cet évènement ne soit qu’une vitrine pour touristes, bien que ces derniers aient peuplé les rues de la capitale lundi dernier. Une « invasion » providentielle pour les hôtels, les restaurants et les auberges de jeunesse qui affichaient complet pour l’occasion. Cependant sur place, peu d’Allemands s’étaient réunis pour assister aux commémorations. La cérémonie semble donc bel et bien avoir été financée pour les touristes, par les touristes.

Le concert de U2 à la porte de Brandebourg a d’ailleurs rassemblé un public nombreux et enthousiaste. M. Müller réfute toute opération de marketing destinée à attirer les foules : « la ville n’a pas organisé ce show. La chaîne MTV souhaitait célébrer la chute du Mur par un évènement fort symboliquement, et nous avons accepté de prêter les lieux ». Les quelques voix discordantes sur la gestion de l’évènement ? « Elles ne sont que très minoritaires ». Les craintes de certains sur la banalisation d’un certain nationalisme ? « Certes l’évènement est important pour les Allemands. Mais je n’ai pas le sentiment que l’on soit nationaliste en commémorant de cette façon la chute du Mur. Nous fêtons la liberté, et au programme de cet anniversaire, il n’y a eu que des artistes et jamais de soldats » ajoute t-il. Peut-être une référence au débat français sur l’identité nationale, et à nos commémorations toujours assez patriotiques. Du 8 mai, en passant par le 11 novembre, sans oublier le 14 juillet, pas une seule commémoration française ne s’effectue sans la présence de l’armée. La fête nationale allemande quant à elle a lieu tous les 3 octobre, et elle n’est que prétexte à de grands concerts, feux d’artifice, et stands de spécialités culinaires locales. Pas d’artillerie lourde, de chars, de défilés coûteux et d’invités exceptionnels venus d’Inde. Pas non plus de dispositif policier sans précédent avec 10 000 policiers et gendarmes déployés comme ce fût le cas à Paris en 2009. Une idée à méditer pour faire des économies le 14 juillet prochain.

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à propos de l'auteur

Auteur : Alexis Cuvillier

Après une licence Droit-Science Politique et un master de Science Politique, il me tardait d'intégrer une formation qui m'apprendrait mon métier de demain. C'est chose faite désormais! Loin de mon Pas-de-Calais natal, j'approfondis mes connaissances sur le journalisme. Si la profession me tentait depuis le collège, c'est grâce à un stage à la locale de La Voix du Nord d'Arras que cette orientation s'est muée en évidence. Quand j'ai annoncé à mes amis que j'avais décroché un stage dans une locale, certains étaient un peu perplexes. Ils se demandaient quand même bien pourquoi j'allais passer mon été dans une ville de quarante-mille habitants vidée par l'appel de la mer, à couvrir une actualité pour le moins réduite... Et pourtant, ce stage a été une expérience des plus précieuses pour moi. J'ai compris, au contact des journalistes qui me parrainaient, que je me dirigeais vers un métier de passion, où les journées ne se ressemblaient pas, où chaque reportage était un nouveau départ, une nouvelle rencontre, une nouvelle information à livrer à celui qui vous lira peut-être. J'ai passé un an dans les coulisses de cette locale, couvrant quelques sujets chaque week-end. J'ai eu la chance d'y travailler en continu l'été dernier. Aujourd'hui, il me reste tout à apprendre. Le chemin sera sûrement sinueux. Mais au détour des difficultés, je garderai toujours en tête les sensations de cette première expérience révélatrice, sûr que la voie du journalisme est bien la bonne...