Mardi morose à la gare de l’Est

Par le 14 décembre 2007

« En raison d’un conflit social, de nombreuses perturbations persistent sur les grandes lignes » martèlent les haut-parleurs de la gare de l’Est. L’agitation est forte et le déplacement des voyageurs rapide. Seuls quelques individus restent statiques et paraissent calmes, les agents de la SNCF.

« Il y a deux attitudes possibles. Soit on se cache un peu et on attend que la grogne passe. Soit on va de l’avant et on tente d’aider les passagers. ». Etienne a choisi la seconde solution. Malgré les impolitesses voire les injures de certains clients, il continue d’arborer fièrement sur sa chevelure blonde, sa casquette bleue. Situé face à l’entrée principale de la gare, l’agent SNCF est régulièrement assailli par des voyageurs inquiets. « En période normale, à cette heure-ci, ils sont encore un peu endormis, relativement calmes, mais cette semaine on sent qu’ils sont réveillés depuis un moment déjà ! ». L’horloge affiche 7H39 et dans 4 minutes le TGV à destination de Strasbourg doit partir. Le numéro de quai n’est toujours pas indiqué. Sous le panneau d’affichage, l’ambiance est électrique et des voix s’élèvent. « S’il arrive tout au fond voie 25, on l’aura jamais ! ya personne pour nous renseigner ! ». Etienne observe la scène. Il ne bouge pas. Après quelques secondes d’hésitations, il tente d’obtenir des informations auprès du chef de gare. La voix grésillante du talkie-walkie est sans appel « Négatif, on attend le départ du 3386 pour le faire rentrer. ». L’agent de la SNCF s’éloigne de quelques mètres, « dans ces cas-là, on ne peut rien faire, il est préférable de ne pas aller au front. ».

« Très vite adopté par la grande famille des cheminots »

« Gare natale. » Etienne est employé à la SNCF depuis 6 ans. Il a commencé comme guichetier à Jarny en Meurthe-et-Moselle. Son père y était mécanicien. « Quand dès son plus jeune âge on ressent les vibrations d’un train qui entre en gare, on ne peut plus rien faire d’autre que de rester toute la journée dans une gare. » se justifie-t-il en plaisantant. Après l’obtention de son bac, il a travaillé comme apprenti chez un menuisier « sa passion de toujours » mais l’employeur ne l’a pas gardé, Etienne n’avait pas « le sens du bois ». Quelques mois après son renvoi, il a rencontré Isabelle. Les fiançailles ont suivi. « Lorsque l’on a commencé à évoquer le mariage, j’ai bien compris que je devais travailler le plus vite possible. ». Comme son père bénéficiait de « bonnes relations avec le syndicat », Etienne a très vite « été adopté par la grande famille des cheminots ». Muté à Paris, ses relations avec les syndicats se sont effritées et aujourd’hui, il lui tarde de retrouver sa « gare natale. ». L’horloge affiche 8H et le train en provenance de Nancy est annoncé. Comme tous les jours Etienne se poste en bordure du quai et scrutent les voyageurs. « Quelques fois, j’en reconnaît de Jarny, ça leurs fait toujours plaisir de voir que je suis encore à la SNCF ». L’agent marque un temps d’arrêt puis poursuit dans un sourire forcé, « et probablement pour quelques années encore… ».

Julien Ginoux

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à propos de l'auteur

Auteur : Julien Ginoux

Diplômé de Sciences-Po Grenoble en 2007, j’ai intégré le master Métiers du Journalisme à Montpellier en 2008. Fraichement diplômé, j’ai signé un contrat avec le Dauphiné Libéré. Mission : participer au lancement du tri-média Avignews.com. Un hebdo gratuit, un site internet et des vidéos. Deux ans après sa mise en orbite, la fusée avignews poursuit son envol et atteint des sommets inespérés. En 2010, je quitte l’équipe d’Avignews pour rejoindre celle du quotidien Vaucluse matin appartenant lui-aussi au groupe du Dauphiné Libéré. Mon quotidien ? Faits divers, dossiers, actualité locale, animateur de zone de vie.