La difficile intégration des Roms de Béziers

Par le 1 mars 2008

Jean-Philippe Turpin, militant à la Cimade de Béziers (Comité inter mouvements auprès des évacués) fait partie d’un collectif de soutien aux quatre-vingts Roms installés à Revaut-le-Bas, sur la route de Maraussan, à l’est de Béziers. La plupart viennent des pays de l’ex-Yougoslavie et d’Italie. L’ABCR (Association biterroise contre le racisme) est également membre du collectif. Par ailleurs, Jean-Philippe Turpin dirige le Cada (Centre d’accueil des demandeurs d’asiles).

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Une des interventions remarquables de la Cimade remonte au 17 mai 2006, jour d’une descente de police musclée où tous les hommes ont été embarqués privant ainsi leur famille (au sens large) de l’unique source de revenu. Le collectif a aidé les familles à organiser leur défense, à trouver des avocats et, au quotidien, à régler les problèmes administratifs et répondre à la survie élémentaire. Jean-Philippe Turpin témoigne : « La mairie de Béziers a, par exemple, la particularité de gérer elle-même la banque alimentaire mais prive les Roms de ses services. Nous sommes obligés de recueillir la nourriture par des associations pour la redistribuer. » Il a des mots très durs envers le pouvoir municipal. Le refus de Raymond Couderc, premier magistrat de la ville, de scolariser des enfants roms à la rentrée de septembre 2006 a conduit les familles au tribunal[ [Voir la réponse de Raymond Courderc, maire de Béziers ]]. « Les Roms n’en revenaient pas d’être de l’autre côté de la barre. » En plus, ils ont gagné !

Ignorants les règles de droit français, ils reçoivent des conseils juridiques et pratiques sur le mode de vie en France. Un d’entre eux, la trentaine et apatride, précise que ses origines sont indiennes. Il est né en Italie, ses enfants en France. « Le Rom veut travailler, mais sans papiers, c’est difficile. On vit des aides, souvent, je travaille au noir, pour les travaux de la maison, du jardin, ou dans les voitures d’occasion. » Il reconnaît que certains membres de sa communauté « volent pour pouvoir acheter du pain aux enfants. » Cela explique, sans doute, les tensions avec certains Gadjé (non-Roms). « Il y en a des bons, des mauvais, des racistes, comme partout. » Mais ils ne doivent pas oublier, conclut celui qui se présente comme gitan par commodité de langage, que les Roms « sont des humains, comme les autres. »

« Je dois rentrer chez moi ? Mais je vais partir où ? »

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Le collectif organise une réunion spécialement pour les Roms un mardi sur deux. L’occasion d’exprimer les doléances et pour les associations de tenter de faire avancer les choses. A l’ordre du jour, la question de la collecte de vêtements, l’avancée de la souscription ou encore la possibilité d’avoir un jardin devant sa caravane pour cultiver de quoi se nourrir. Le vendeur de voitures d’occasion au noir est présent. Il assure la traduction pour la communauté. Entre eux, ils parlent romani, la langue des Roms, mais aussi italien pour se rappeler où ils sont nés. Le ton monte lorsque Nadia Chaumont, chargée de la scolarité et membre de l’ABCR, explique qu’un enfant a été violemment frappé par de jeunes Roms à l’école. L’information n’est pas claire mais, vite, une femme rom se plaint du mauvais traitement que font subir les Gadjé à sa fille collégienne. Elle refuse d’envoyer sa fille au collège car elle a déjà commencé à fumer. La mère craint qu’elle ne passe bientôt au cannabis. Jean-Philippe Turpin rappelle l’importance de la scolarité des enfants, seul véritable moyen de prouver l’intégration des parents.

Là dessus, une mauvaise nouvelle. La préfecture serait sur le point de proposer aux Roms de rentrer chez eux par le biais de l’aide au retour volontaire. Cela concerne les habitants de Mercourant, sur la route de Bédarieux, de l’autre côté de la ville. La proposition vaut aussi pour ceux de la route de Maraussan et de Cantagale. Après échange, le traducteur gitan précise qu’aucun des siens n’accepterait cette offre. Apatride, il souligne, tout sourire : « Je dois rentrer chez moi ? Mais je vais partir où ? » Comme si chez lui, c’était au bord de la route de Maraussan. Et nulle part ailleurs.

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à propos de l'auteur

Auteur : Jean-Philippe Juan

Depuis très jeune, le journalisme m'attire. Pour confirmer mon choix, j'ai entrepris un stage au Midi Libre de Béziers en 2001. Mes certitudes en poche, j’y suis retourné l'été suivant avec une grande impatience. L'an dernier, j’ai intégré le master journalisme de Montpellier 1 pour recevoir les bases nécessaires à ce métier et pouvoir rédiger très régulièrement dans le cadre de nos exercices et pour le site internet que nous créons. Après des stages à Corse-Matin Bastia en avril 2008, à la Dépêche du Midi Carcassonne en mai puis à Midi Libre Béziers en juillet, j'ai été embauché, en CDD, par Midi Libre à Béziers en août, une semaine à Narbonne en septembre et un mois en octobre à Carcassonne. Depuis début novembre 2008, je travaille de nouveau à la locale de Narbonne. J'ai par ailleurs obtenu ma carte de presse en octobre 2009.