Port Marianne, un quartier à la recherche de son âme

Par le 14 mars 2014

Port Marianne est l’emblème du Montpellier du XXIème siècle : moderne, écologique, dynamique. Mais les critiques à l’égard du nouveau quartier fusent : manque d’animations ou de lieux publics…Ouvertes au dialogue, les autorités de la ville tentent de calmer le jeu en dynamisant le quartier, qui peine à prendre véritablement vie.

A Montpellier, tout ne peut plus converger vers le centre historique de la ville, l’Ecusson. La création de nouvelles zones de vie s’impose. Sous la pression de la croissance démographique exceptionnelle, Montpellier doit s’agrandir. Georges Frêche, arrivé à la tête de la ville en 1977 – il y restera jusqu’en 2004 – met le cap en direction de la mer pour développer la cité. Une nouvelle vision urbaine s’affirme avec un symbole : la construction du quartier Antigone. Une nouvelle ville se profile en enjambant le Lez, Port Marianne prend la suite au début des années 90.
Dès l’origine de Port Marianne, le bassin Jacques Cœur est présenté comme un point d’ancrage, le cœur d’une ZAC (Zone d’Aménagement Concertée) bâtie autour d’un port urbain reliant la ville à la mer grâce à la mise en navigabilité du Lez. Trop ambitieux, trop coûteux, ce projet est définitivement enterré au printemps 2013. Les riverains ont du mal à l’oublier. Ils ont acheté leurs appartements sur plan, séduits par le port de plaisance. Le nouveau projet de réaménagement des abords du bassin qui leur a été présenté par la ville prévoit un espace de détente avec des zones engazonnées et une aire de jeux pour les enfants.

Plus qu’un quartier, Port Marianne est un « secteur » pour Frédéric Tstitonis (élu de la mairie, délégué à ce quartier) comme pour Nicolas Piccinin, chef du service planification-urbanisation nouvelle au département urbanisme de la ville. Ce secteur part du quartier de la Pompignane, construit dans les années 60 et développé lors de l’implantation du constructeur informatique IBM. Il s’étend ensuite sur le Millénaire avec le village des entreprises, puis Odysséum et tout un ensemble de ZAC progressivement mises en chantier le long du Lez, en direction de la mer.
C’est une zone où des travaux d’envergure ont dû être engagés conformément à un plan de lutte contre les inondations. Dans la cadre des directives du Grenelle de l’Environnement, ce secteur accueille un important projet d’écocité. L’environnement paysagé et l’orientation des constructions ont notamment été étudiés pour atténuer les effets des fortes chaleurs pendant la période estivale.
Sous l’appellation « Port Marianne », plusieurs quartiers s’imbriquent et dessinent une ville nouvelle : la ZAC, les Jardins de la Lironde sur une superficie de 40 hectares, les écoquartiers Parc Marianne et Rive gauche, le futur quartier République.

« C’est un quartier dortoir, les habitants n’ont rien à partager »

Etendu, le secteur de Port Marianne n’a pas de cœur, point central vers où tout converge, mais des pôles d’attraction, selon Nicolas Piccinin. La nouvelle mairie, imposant cube noir dessiné par Jean Nouvel, veut amener un déplacement du centre-ville et devenir un repère majeur pour les Montpelliérains. L’axe de la route de la mer qui débute par l’avenue Raymond Dugrand est un autre pôle dédié à de l’ameublement et au design autour du programme la Mantilla. En face, le miroir d’eau, espace ludique interactif, offre la perspective du parc Charpak au fond duquel sortira peut-être un jour la Cité du corps humain.

Mais ce schéma de développement a du mal à convaincre certains habitants. Le secteur manque de vie. Mylène Chardes, architecte, y habite sans s’y plaire : « C’est un quartier dortoir, les habitants ne se connaissent pas, n’ont rien à partager. Il y a quelques commerces autour du rond-point Ernest Granier mais ils ne fabriquent pas de la vie. Le soir, c’est mort. Tous les commerces installés autour du bassin Jacques Cœur vivent aux rythmes des administrations et des gens qui travaillent la journée dans le quartier. Le soir et le week-end, ils restent fermés. Il n’y a aucune animation. Dans ce contexte, comment les habitants peuvent-ils tisser des liens, il n’y a même pas de salle communale pour les associations. »

« Il y a une contradiction à venir habiter dans un éco-quartier avec quatre voitures »

Les commerçants confirment que le quartier est désert en soirée. Ils avancent une autre explication : Ies clients ne viennent pas parce qu’ils ne peuvent pas se garer. Ils demandent donc à la mairie de construire de parkings supplémentaires. Ce à quoi Frédéric Tsitonis répond : « Port Marianne a été conçu dans une logique de quartier apaisé, il n’est pas pensé par le prisme de la voiture. Il y a une contradiction à venir habiter dans un écoquartier avec quatre voitures. Des efforts ont été consentis par la ville pour le stationnement avec le parking de la nouvelle mairie. Travailler à l’évolution des mentalités des arrivants dans ce quartier est apparu nécessaire ». Des actions sont menées : les parents d’élèves de l’école Chen Du sont sensibilisés pour accompagner leurs enfants sans prendre leur voiture. L’organisation d’un ramassage scolaire à pied encadré est en cours.
Pivot du projet Ecocité de l’agglomération de Montpellier, Port Marianne n’est pas un quartier isolé. A proximité de la future gare TGV et de l’aéroport, il est aussi très bien connecté à l’ensemble de la ville par les transports en commun. Trois lignes de tramway aux designs colorés se croisent aux abords de la nouvelle mairie et l’une circule le long de son épine dorsale l’avenue Raymond Dugrand. Des pistes cyclables et des espaces piétonniers sont aménagés pour favoriser des déplacements doux. Le Pont de la République, actuellement en construction, facilitera la liaison entre Port Marianne et le centre-ville à la fin de cette année. En réponse à une demande du comité de quartier « un marché avait été implanté pour donner de la vie au quartier. Ce fut un échec. Une nouvelle tentative est lancée place Thermidor avec une autorisation de déballage le jeudi. »

La mairie communique-t-elle assez sur les enjeux de ces nouveaux écoquartiers sans voitures? Les futurs habitants de ce quartier mesurent-ils toujours la philosophie particulière de cette nouvelle ville durable ?

« L’urbanisme actuel ne tient pas compte de la diversité des modes d’usages et des modes de vies des gens. Il est de bon ton aujourd’hui de ne pas avoir de voiture. Je ne défends pas la voiture, mais avant d’imposer cela à tout le monde ne devrait-on pas demander aux futurs habitants ce qu’ils pensent du concept de quartier sans voiture ? » interroge Guillaume Faburel, urbaniste et initiateur du collectif Montpellier 4020 qui se bat pour plus de démocratie dans les élaborations de projets immobiliers.

« La ville c’est toujours de la sédimentation »

La Ville préfère évoquer le cours du temps : pour qu’un quartier de cette ampleur prenne vie, il convient « d’ancrer des repères ce qui exige du temps. Souvenons nous qu’Antigone a mis une vingtaine d’années à prendre réellement vie. Pendant des années, à certains emplacements, des restaurants se sont succédés avant de réussir à capter une clientèle suffisante. Des fermetures de commerces dans ce quartier, il y en a eu avant que le quartier ne trouve ses marques » rappelle Frédéric Tsitonis.

Un point de vue dans la lignée de celui de Makan Rafatdjou, architecte-urbaniste, qui travaille sur la ré-humanisation des villes : « Vous pouvez penser la ville autant que vous voulez, en réunissant les meilleures compétences (sociologues, paysagistes, économistes, urbanistes, démographes, spécialistes des questions du commerce…) et réaliser un projet adéquat au moment où vous le pensez. Mais la ville c’est toujours de la sédimentation. Elle nécessite du temps. »

Port Marianne peine à trouver son identité. Encore un peu de patience et une meilleure compréhension du projet de vie de ce quartier aideront à sa réussite.
Mais cela suffira-t-il ? Réponse dans 10 ans !

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à propos de l'auteur

Auteur : Bénédicte Martin

Opératrice de prise de vues de formation j’ai travaillé pour la télévision et le cinéma documentaire de 1995 à 2005 en France et en Inde. Interéssée par le dialogue interculturel et la transformation des conflits, j’ai travaillé en Afrique du Sud de 2006 à 2007. A partir de 2008 je me suis formée à la création de sites Internet avec le CMS Joomla et occupé pendant 5 ans un poste de chargée de valorisation de l’Ecologie scientifique dans un laboratoire de recherche CNRS à Montpellier (CEFE). Je poursuis des études de journalisme pour travailler dans la presse web. Je souhaite contribuer à une meilleure connaissance du monde de la Recherche pour éclairer les questions sociales et environnementales liées à la crise écologique. Que ce soit en Europe ou en Asie, j’ai à cœur de mettre mes compétences aux services de projets citoyens oeuvrant pour une meilleur démocratie participative.