Poste des villes ou poste des champs, qui vous réservera le meilleur accueil ?

Par le 13 janvier 2010

La poste n’est plus vraiment un service public, ni une société privé. Elle n’est pas seulement un centre d’acheminement et de distribution du courrier mais a maintenant le statut d’une vraie banque, la Banque Postale, depuis 2006. Depuis hier, mardi 12 janvier 2010, le Sénat a même entériné son changement de statut. La poste est maintenant une société anonyme Tout change donc, pourtant les usagers restent les mêmes et la poste est l’administration la plus visitée par les Français. Cependant la légendaire quiétude de la campagne et l’habituel tracas des villes se répercutent-ils sur les bureaux de poste et la satisfaction des usagers ? Le temps d’attente, l’accueil ou les services diffèrent-ils de Manosque à Aix-en-Provence, en passant par Volx, petit village de la vallée de la Durance. Enquête sur l’incontournable enseigne jaune dans les pas de Giono et Cézanne…

poste_volx-2.jpg
S6303058.jpg

14h30. Le bureau de poste de Volx, 2500 habitants environ, est au centre du village, derrière la place de la mairie à côté de l’école et du Crédit Agricole. Une position centrale et stratégique. Luxe suprême, on peut se garer devant, bien que les places soient limités. Maryse Chabrier, la guichetière, y travaille depuis plus de 15 ans, et les locaux n’ont jamais changé. Ici comme dans la plupart des postes de villages, la peinture aurait besoin d’être rafraîchie, dans un coin, on trouve des fauteuils, plus très jeunes, pas très confortables mais présents. Une vitre sépare l’usager de la guichetière, mais Maryse sait briser la glace avec ses clients, ou plutôt « ses visiteurs » comme elle aime à les appeler. Ils sont pour la plupart des habitués, des connaissances voire des amis. « Ils viennent ici chercher un service de proximité, raconter leur quotidien, surtout les personnes âgées. » En ce début d’après-midi, le bureau de poste est vide, et l’attente est quasi inexistante pour une opération de base telle la consultation du solde d’un compte courant, sans avoir son numéro de compte. Test réussi : avec le nom, le prénom ainsi que la date de naissance, le tour est joué. François Perrain, le directeur, ajoute satisfait : « Selon les statistiques que je tiens chaque semaine, le temps d’attente ne dépasse pas les 10 minutes ». Il insiste : « C’est un point d’honneur de faire un accueil de qualité et de satisfaire le client ». Et pour cela, le BRASMA, pour Bonjour, Regard, Accueil, Service, Merci, Au revoir, est de rigueur. Une consigne qui semble fonctionner, puisque Maurice Capus, Volxien et fidèle client depuis 10 ans, est venu aujourd’hui retirer le calendrier 2010. « Ici, on connait le personnel, on sait qu’on aura un sourire ».
Les postes rurales, plus qu’un service public, sont avant tout des endroits pour créer ou garder un lien social avec les personnes les plus isolées. Mais elles sont amenées à disparaitre à long terme. Et le changement de statut ne risque pas d’améliorer les choses, aucune garantie n’a en effet été apporté pour le service public dans les communes rurales, ce qui pourrait conduire à terme à la fermetures de certains bureaux locaux, à des horaires très très partiels ou au couplage avec d’autres services publics. « La direction fait pression pour réduire le personnel, et réunir tous les bureaux de poste des petits villages, pas assez rentables, dans un seul et même centre. Avant, nous étions deux au guichet, mais le poste a été supprimé. On a déjà mangé Villeneuve et La Brillane, des villages voisins, et bientôt on sera tous regroupés à Manoque », s’inquiète Maryse. Lorsqu’on lui parle de clients mécontents et de situations de conflit, la guichetière s’amuse « Ici les gens ne sont pas pressés, ils viennent pour la convivialité, la proximité, et savent qu’en cas de problèmes ou d’incompréhension, ils pourront aussitôt rencontrer un conseiller ou le directeur ». A tel point que certains habitants de Manosque, comme Lysiane Martel préfèrent venir à Volx: « Le bureau est moins moderne, mais c’est convivial, on attend peu et les services sont la mêmes. ».

S6303059.jpg
S6303062.jpg

15h26. Le bureau de poste de Manosque est deux fois plus grand que celui de Volx. Tout est neuf, les vitres ont disparu, un distributeur de tickets a été placé à l’entrée, et cinq guichets se divisent entre les opérations financières, les courriers et colis et ceux réservés aux professionnels. Dans un coin, la Boutique a été mise en place avec une employée, qui se charge exclusivement de la vente des lettres, colis et timbres. Ici, pas de stationnement possible devant le bureau, mais un grand parking souterrain avec une sortie directe sur la Poste. Qu’il faut toutefois payer, selon la durée passée au guichet. Pour les piétons, la poste est située en plein centre-ville, à cinq minutes de la Rue Grande, principale rue commerçante de cette petite ville de quelques 20 000 habitants. Mais celle-ci a vu sa circulation et son trafic s’alourdir avec l’implantation des infrastructures liées au projet nucléaire Iter. Trente minutes sont nécessaires pour entrer en ville aux heures de pointe. Un petit détail qui a son importance, lorsqu’on a juste un colis à retirer.
A l’arrivée, pas de bonjour pour vous accueillir, tous les employés sont occupés, mais heureusement, le distributeur de ticket créé l’illusion. Enfin pas longtemps, surtout lorsque votre précieux sésame affiche le 211 et que l’écran au dessus des guichets est bloqué sur le 197. Jacques Benoît, commerçant, attend depuis presque un quart d’heure mais reste calme ; il soupire : « On a l’habitude, c’est souvent comme ça, surtout en début de mois ». Il déplore « l’absence de chaises pour les personnes âgées, et de personnel pour accueillir à l’entrée. ». Lorsque 17 minutes plus tard, à 15h43, le numéro 211 s’affiche enfin, l’accueil est un peu plus réservé qu’a Volx surtout lorsqu’il faut trouver un compte sans numéro de compte. Mais après quelques secondes, le solde est pourtant livré selon la même méthode qu’à Volx. Nathalie Paulin, guichetière depuis 10 ans, a elle aussi reçu la consigne du BRASMA qui est répétée plusieurs fois par semaine. Elle se réjouit de la nouvelle disposition qui facilite le fonctionnement et diminue l’attente. Elle ajoute : « On se mobilise énormément sur l’accueil, on est tous très polyvalents sur les guichets. Il faut dire qu’on est en attente de certification sur l’accueil, nous sommes évalués tous les mois. La disparition des vitres rend aussi la communication plus facile et agréable ». Pour Marie-Françoise Belaiti, responsable guichet, « le temps d’attente est, selon les enquêtes nationales, inférieur à 10 min, mais parfois cela peut aller jusqu’à 20 minutes ». Quant à la gestion des clients mécontents, la consigne de la direction est simple en théorie : « Rester calme, trouver une solution et renvoyer à un gestionnaire compétent le client énervé. » Aucune formation n’a été dispensée, même si comme l’avoue Nathalie Paulin, « il y a peu de cas difficiles, le tout est de bien expliquer et de rester calme, mais dans certains cas difficiles, une formation pour y faire face serait bienvenue. ».

S6303064.jpg
S6303067.jpg

Le lendemain, 11h. Poste centrale d’Aix-en-Provence, presque 150 000 habitants. Sept guichets répartis selon le même schéma qu’à Manosque, dans un centre très spacieux rénové depuis seulement un an. Une quarantaine de personnes font la queue, le ticket est toujours de rigueur. Cette fois, ce sont quinze numéros qui séparent le visiteur du chiffre affiché à l’écran, soit 20 minutes d’attente. A 11h20, devant la guichetière, impossible d’obtenir le solde du compte sans numéro de compte, il faudra revenir demain avec le numéro et refaire vingt minutes de queue. Quant à l’accueil, le BRASMA est là encore évoqué, mais du bout des lèvres. Une responsable des guichets répond, évasive : « Il faut rester calme en toutes circonstances, que les clients attendent le moins possible et qu’ils soient servis avec le sourire ». Le discours est formaté, et lorsque vient la question de la gestion des clients mécontents, de la formation du personnel et du temps d’attente « moins de 10 min » selon elle, le ton se fait plus froid. C’est un responsable hiérarchique qui est appelé à la rescousse… pour renvoyer vers le service de la direction et de la communication à Marseille. Les clients, quant à eux, ne semblent pas convaincus, à l’image de Bertrand Paslier, jeune étudiant, qui regrette : « Il y a beaucoup d’attente, entre 15 et 20 minutes. Il n’y a pas d’accueil, personne pour nous guider à part la borne. C’est très impersonnel et automatisé ». Profitant de l’absence de ses supérieurs, une guichetière confie : « Ce qu’ils vous dise, c’est la version officielle. Dans la réalité, on est perdu avec les nouveaux services financiers. La clientèle a changé, plus agressive, virulente. Hier, vous auriez assisté à l’ agression verbale d’une de mes collègues, qui est par conséquent absente aujourd’hui. C’était assez impressionnant. On devrait avoir des formations à la gestion du conflit, on y a droit mais ça ne se fait pas plus haut. La seule consigne qu’on a, c’est garder le sourire ». Finalement ce n’est pas qu’à France Télécoms qu’on rencontre le désarroi des salariés. Il y a fort à parier que le changement de statut de la Poste en société anonyme ne devrait que renforcer l’anonymat et la solitude des employés et des usagers.

Si le BRASMA est de mise dans tous les bureaux de poste, qu’ils soient des villes ou des champs, il n’est pas appliqué partout à la lettre. Les guichetières et les clients des villes ont la modernité et les services en plus, mais la convivialité en moins. Mais aussi la peur de l’agression et l’absence de sérénité d’un personnel, mal formé et perdu face aux nouveaux services financiers proposés. Comme dirait donc La Fontaine « Adieu donc ; fi du plaisir Que la crainte peut corrompre. » Le poète aurait pu ajouter à sa fable: à la poste des villes, je préfère celle des champs.

Catégorie(s) :
Étiquettes : , , , , , ,

Vous avez aimé cet article ? Partagez-le !

à propos de l'auteur

Auteur : Camille Garcia

« Avec le temps va tout s’en va », disait le grand Ferré... Tout, sauf cette envie de journalisme qui me tiraille déjà depuis longtemps. Le chemin fut sinueux et peu conventionnel avant d’intégrer ce master métiers du journalisme. Cinq longues années à errer entre une première année de droit, puis un master 1 LEA Europe qui aura eut le mérite de me faire franchir les frontières du territoire français pendant deux ans. Après un passage à Liverpool chez les quatre garçons dans le vent que sont les Beatles ou une épopée andalouse chez le roi Boabdil et sa divine Alhambra de Granada, me voilà en territoire Héraultais. « L e journalisme, c’est bouché » me disait déjà à l’époque Mme François la conseillère d’orientation en troisième. « Les journalistes, tous des fouineurs » ajoutait Mr Chabrier mon cher et tendre voisin. C’est dire si journaliste est une vocation, un sacerdoce qui demande avant même de pouvoir l’exercer une grande ténacité et une grande volonté pour s’opposer aux nombreux pessimistes voire détracteurs de la profession. Et pour continuer avec la morosité ambiante, maintenant, c’est la crise de la presse, la mort des journaux, le lecteur n’achète plus, ne fait plus confiance aux journalistes... Mais alors pourquoi vouloir se lancer dans une bataille déjà perdue ? Ma réponse est simple et courte : je ne me vois pas faire autre chose et c’est une histoire de passion et de passionnés. Je crois que c’est à nous futurs journalistes de reconquérir nos lecteurs, de revaloriser l’information, de la diversifier, de la rendre originale et pluraliste en répondant aux besoins du lectorat sans oublier de susciter chez eux l’envie de s’informer, d’en savoir plus. Alors même si les journalistes précaires se ramassent à la pelle comme les feuilles mortes du grand Prévert, tant pis! Je reste convaincue qu’après l’automne vient le printemps et qu’une nouvelle génération de journalistes, la nôtre, aura sa place. Satanée optimisme quand tu nous tiens !