Près de Montpellier, un Noël séparé par des barreaux

Par le 8 décembre 2009

La maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone n’est qu’à 10km de Montpellier. Pourtant, les 693 détenus qui vivent derrière ces murs n’ont pas vu la ville s’illuminer et se couvrir de ses parures de Noël ; ils n’ont pas vu l’immense sapin bleu et blanc de la place de la Comédie, ni les pères Noël faire leurs apparitions au coin des rues. Alors Noël en prison, c’est juste une période comme les autres, à quelques choses près…Jeudi 26 novembre, à l’accueil de la prison héraultaise, rencontre avec les familles des détenus et des membres d’associations investis dans l’univers carcéral, en attendant l’heure du parloir.

« Un film qui permet de se laisser envahir par la magie de Noël » écrit Philippe V dans la feuille d’Hector, l’hebdomadaire écrit par des détenus de la prison. Il évoque le dernier Walt Disney, le drôle de Noel de Scrooge. Pourtant il ne verra ni le film, ni la magie de Noël. « C’est juste une période encore plus dure et déprimante pour eux» confie Cathy la femme d’un détenu qui purge une peine de 25 ans. « Pour moi c’est une période angoissante, je suis tracassée pour mon mari, et triste pour mes enfants. En même temps ça fait dix ans que c’est comme ça, donc j’ai l’habitude de fêter Noël sans lui » ajoute-t- elle avec un sourire fataliste, tout en enlevant ceinture, collier et bottes pour passer le portique de sécurité avant le parloir.

Dans la cour d’entrée de la prison, un petit espace vert et un local permettent aux familles d’attendre l’heure du parloir. Jean-Claude Mauroux, membre de l’association locale de soutien aux détenus, Aviso, et représentant de l’ANVP (Association Nationale des Visiteurs de Prison) les accueille avec bonne humeur, toujours un mot gentil et un franc « bonjour » aux uns et aux autres. Enfin plutôt aux unes, car la majorité sont des femmes, souvent très jeunes, accompagnées de leurs enfants. C’est le cas de Kelly, 20 ans, dont le mari purge une peine de 3 mois de prison. Pour lui, Noël sera symbole de liberté et de retrouvailles en famille. Il va être libéré, bientôt, le 9 décembre, « si tout va bien et qu’il ne se refait pas attraper à faire le yoyo » explique la jeune maman, qui est venue accompagnée de leur bébé de deux mois. Le monde carcéral a en effet ses codes et son vocabulaire, le yoyo consistant à faire passer des produits licites ou illicites d’une cellule à l’autre avec une corde de fortune, faite de bout de tissus ou de sacs plastiques.

La majorité des femmes de détenus n’ont pas cette chance, elles attendent fébrilement de savoir si une permission sera accordée à leur conjoint. « Plutôt rare en général, ce sont les permissions pour la réinsertion qui sont favorisées, de type entretien, formation… » confie Jean-Claude Mauroux. Deux ou trois jours maximum, pour passer les fêtes en famille, mais elles ne sauront qu’aux alentours du 12 décembre si la requête est acceptée ou pas par l’Administration Pénitentiaire. En attendant, elles réfléchissent déjà au contenu du colis. Elles sont une trentaine ce jour-là et la solidarité est évidente, certaines viennent ensemble, prennent le même bus. Aux nouvelles, elles livrent les quelques astuces pour mieux vivre cette épreuve, ou juste échanger leurs expériences. Débat autour de ce fameux colis de 5kg, rempli de victuailles de Noël, le seul autorisé au parloir excepté le sac de linge. Elles peuvent le déposer entre le 15 et le 25 décembre mais ne peut contenir que de la nourriture, pas de lettres ni de cadeaux « c’est la seule chose qui change à Noel, sinon les règles ne sont pas plus souples pendant les fêtes » explique Martine. Elle a 51 ans, et c’est déjà le troisième Noël qu’elle passe sans lui. « Comme il n’a pas été jugé, il ne peut pas avoir de permissions. Je vais lui apporter du foie gras et les plats qu’il aime et que je vais les cuisiner moi-même. ».

Le directeur de l’établissement, Bernard Giraud soutient l’action des associations, mais l’afflux de visiteurs pendant les périodes des fêtes de fin d’année, ne permet pas d’assouplir les règles, ou de rallonger les plages horaires des parloirs. « Au sein de l’établissement, il y aura un menu spécial pour Noël et le Nouvel An. », confie-t-il. A l’évocation de l’augmentation des dépressions ou des suicides pendant les périodes de fêtes, comme évoqué dans l’article de Libération du 24 novembre, par un infirmier de la prison de Fresnes, « On est vigilants toute l’année, même si cette période est source de tensions pour les détenus. On parle d’ailleurs souvent des suicides, mais très peu des vies qu’on sauve… ».

Derrière les murs et les barbelés, c’est une véritable petite ville, ou se côtoient plusieurs acteurs : détenus, gardiens, administration pénitentiaire, associations, famille. Il y a une vie et une ville carcérale derrière les barreaux, sauf qu’en ces lieux la magie de Noël se résume à un colis de 5kg, et ironise jean-Claude Mauroux « un peu de sel en plus dans la popote ».

Du côté des associations, certaines organisent des goûters de Noël, d’autres restent fidèles au poste comme les membres d’Aviso, présents à tous les parloirs, même celui du 24 décembre. Marion Mayer-Bosch, déléguée régionale Occitanie de l’association GENEPI Montpellier regrette de devoir ralentir le rythme de leurs visites pendant les fêtes « car l’association est composée par une majorité d’ étudiants qui rentrent chez eux pour les fêtes ». Les bénévoles qui restent sur place continuent néanmoins les visites afin de ne pas rompre ce « lien d’humain à humain », entre citoyens libres et citoyens détenus, pour décloisonner la prison.

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à propos de l'auteur

Auteur : Camille Garcia

« Avec le temps va tout s’en va », disait le grand Ferré... Tout, sauf cette envie de journalisme qui me tiraille déjà depuis longtemps. Le chemin fut sinueux et peu conventionnel avant d’intégrer ce master métiers du journalisme. Cinq longues années à errer entre une première année de droit, puis un master 1 LEA Europe qui aura eut le mérite de me faire franchir les frontières du territoire français pendant deux ans. Après un passage à Liverpool chez les quatre garçons dans le vent que sont les Beatles ou une épopée andalouse chez le roi Boabdil et sa divine Alhambra de Granada, me voilà en territoire Héraultais. « L e journalisme, c’est bouché » me disait déjà à l’époque Mme François la conseillère d’orientation en troisième. « Les journalistes, tous des fouineurs » ajoutait Mr Chabrier mon cher et tendre voisin. C’est dire si journaliste est une vocation, un sacerdoce qui demande avant même de pouvoir l’exercer une grande ténacité et une grande volonté pour s’opposer aux nombreux pessimistes voire détracteurs de la profession. Et pour continuer avec la morosité ambiante, maintenant, c’est la crise de la presse, la mort des journaux, le lecteur n’achète plus, ne fait plus confiance aux journalistes... Mais alors pourquoi vouloir se lancer dans une bataille déjà perdue ? Ma réponse est simple et courte : je ne me vois pas faire autre chose et c’est une histoire de passion et de passionnés. Je crois que c’est à nous futurs journalistes de reconquérir nos lecteurs, de revaloriser l’information, de la diversifier, de la rendre originale et pluraliste en répondant aux besoins du lectorat sans oublier de susciter chez eux l’envie de s’informer, d’en savoir plus. Alors même si les journalistes précaires se ramassent à la pelle comme les feuilles mortes du grand Prévert, tant pis! Je reste convaincue qu’après l’automne vient le printemps et qu’une nouvelle génération de journalistes, la nôtre, aura sa place. Satanée optimisme quand tu nous tiens !