Quand le jus de raisin se prend pour du vin

Par le 25 janvier 2017

Après la bière sans alcool, le vin sans alcool ? Non, plutôt une boisson à base de jus de raisin qui cherche à offrir les qualités gustatives du vin, sans contenir une goutte d’alcool. Explication avec Fathi Benni, président et cofondateur à Béziers du « Petit Béret », à propos de ce breuvage paradoxal.

La gueule de bois au rouge, bientôt un mauvais souvenir ? Pas avec « Le Petit Béret »… qui prétend vous éviter les grosses casquettes. Depuis 2016, l’entreprise produit une boisson à base de jus de raisin issue des vignobles du Languedoc possédant les caractéristiques gustatives des cépages locaux. Elle est garantie à 0.0 % d’alcool, sans fermentation et très peu calorique. Aucune similitude avec les vins classiques, mais aussi avec les vins désalcoolisés. Comme l’indique Fathi Benni, président de la société, « les vins désalcoolisés sont des vins traités pour retirer la plus grande partie de leur alcool, mais ils en contiennent malgré tout encore entre 0.3 et 0.9%. De plus la désalcoolisation fait perdre des goûts et des arômes. » Le Petit Béret n’est donc pas du vin. Mais cherche à se faire une place sur ce marché et joue sur ses ambivalences.

En 2011, les trois fondateurs créent l’entreprise avec l’objectif de permettre aux gens qui ne boivent pas d’alcool, par soucis de santé ou par raisons culturelles ou religieuses, de pouvoir siroter une boisson qui respecte les qualités du vin. « Aucun de nous trois ne buvons de l’alcool. Nous n’y connaissions rien. Pour commencer nous sommes donc allé voir l’institut coopératif du vin afin qu’il nous explique, bêtement, ce qu’est un vin » raconte Fathi Benni. Il leur a donc fallu comprendre les basiques qui composent un vin : l’astringence, l’onctuosité, l’acidité qui caractérise cet alcool, voilà la première phase du travail. Cinq ans de recherche et développement avec l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) et le CTCPA (Centre technique de la conservation des produits agroalimentaires), financés à la fois par la région Occitanie ainsi que par les propres deniers des fondateurs seront nécessaires pour aboutir à la boisson.

Une technique gardée secrète

Spécialisée dans la transformation du jus de raisin, l’entreprise ne possède aucune parcelle de vignes et fait le choix des vignerons du Languedoc pour se fournir en matière première. « On n’est pas viticulteur » précise le co-fondateur. Un cahier des charges spécifique à la production est mis au point, notamment sur la sélection des cépages nécessaires au nectar. Objet de toutes les attentions, la teneur en polyphénols (les tanins naturels) contenu dans le raisin est à la base de la production du Petit Béret.

Le secret de fabrication reste lui précieusement gardé par Fathi qui indique sobrement que « c’est là tout notre savoir faire. On ne peut pas le dire sans rendre publiques nos connaissances. Pour produire, nous partons d’une base de jus de raisin et nous avons créé un procédé capable de rendre les qualités aromatiques très prononcées et l’astringence des vins, en évitant toute fermentation au fil du temps ».

Entre coup marketing et réel besoin pour la production, l’entreprise fait appelle en 2012 à Dominique Laporte (élu meilleur sommelier de France en 2004). Chargé des assemblages aromatiques, ce dernier crée les « profils », autrement dit les goûts, des différentes boissons proposées. Dans la gamme des produits Petit Béret se retrouvent un « rouge » syrah, un « blanc » sauvignon et un « rosé » grenache Cinsault. 2016 marque les débuts de la production pour l’entreprise qui obtient la même année le label Sud de France, habituellement délivré aux vins du Languedoc. Gage de qualité, cette labellisation paradoxale représente aussi un second gros coup de publicité. Repéré par la chaine d’hypermarchés Carrefour au cours du salon Vinisud, Le Petit Béret est depuis distribué dans plusieurs magasins de la région. Une forte visibilité pour l’entreprise, qui se paye le luxe de réussir à placer son produit parmi les rayons vins des magasins distributeurs.

« Notre priorité est l’exportation de nos produits à l’étranger »

Boisson « bien être » pour Fathi Benni, l’entreprise sait jouer avec les particularités de sa production, et n’hésite pas à sortir la carte de la philanthropie pour toucher le public le plus large possible. Moins sucré que les vins classiques (« 17.6 Kcal le verre, contre 70 Kcal dans un verre classique » assure l’étiquette du blanc Petit Béret) la boisson joue sur plusieurs registres pour assurer sa commercialisation. « Le vin est la cause de nombreuses maladies, mais aussi de beaucoup d’accidents qui peuvent être évités avec nos boissons. Retrouver le gout du vin sans en avoir les effets néfastes, c’est aussi ce que l’on cherche à faire. »

En tête de proue des marchés visés se retrouvent les pays du Moyen Orient ainsi que ceux du Maghreb, territoires où la consommation d’alcool est interdite et où souhaite s’imposer la société. Vient ensuite l’Asie, notamment la Malaisie, où la demande se fait forte et ne cesse de accroître. « Nous sommes un produit français, et les produits français sont gages de qualité à l’étranger, surtout dans le milieu du vin. En France aussi il existe une demande pour nos produits, car l’innovation intrigue les acheteurs. Mais notre priorité c’est avant tout l’exportation. » Présent au salon Vinisud, Le Petit Béret souhaite présenter ses produits à de nouveaux acheteurs, mais compte aussi sur cet évènement pour voir son produit sans alcool validé par l’aristocratie du verre à pied.

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à propos de l'auteur

Auteur : Simon Vannereau

Originaire de cette grande capitale culturelle qu’est le village de Lorgues dans le centre Var (ne cherchez pas, seul les locaux connaissent son existence) j’ai pris la route pour des études en information et communication une fois mon bac en poche. Traînant mes baskets sur les bancs de la fac de lettre de Nice, puis ceux de Paris 3, j’ai fini par prendre le chemin de Montpellier afin de terminer mon cursus universitaire. La faute au journalisme, qui m’a pris au dépourvu au hasard d’une rue un jour de mauvais temps… Plus sérieusement maintenant, si j’ai choisi d’exercer ce métier c’est avant tout pour sa capacité créatrice. Grand amoureux des mots, j’aime écrire depuis longtemps maintenant et je ne voyais pas ma vie sans relation direct avec cet art. Loin de moi l'idée d’un quelconque talent derrière cette envie, je laisse et laisserai par la suite le lecteur seul juge de cela. Mais il n’empêche que c’est bel et bien l’envie d’écrire qui m‘anime aujourd’hui. Dans un second temps maintenant, je pense avoir toujours baigné dans une certaine connaissance de l’actualité. De par ma famille et mes amis, toujours plus ou moins au fait de cette dernière, je pense avoir hérité de cet intérêt pour la chose information, et ne m’en suis jamais débarrassé. Quoi donc de plus naturel que de lier ces deux aspects qui me façonnent depuis longtemps ? J’imagine que j’ai enfin trouvé ma voie, du moins je n’ai pas encore trouvé mieux en tout cas. Sinon j’aime aussi beaucoup la musique et je déteste rester seul. Mais c’est une autre histoire.