Le Livre Vert : un espoir pour la presse écrite ?

Par le 17 janvier 2009

Après plus de deux mois de réflexion autour de la presse écrite dans le cadre des États Généraux, 90 recommandations ont été rendues publiques. Le 8 janvier 2009, le Livre Vert de la presse écrite a été remis entre les mains de Christine Albanel, ministre de la culture. Une œuvre collective qui présente, au sein de ses quatre pôles de discussions les mesures les plus adaptées, quelles soient urgentes ou à méditer. En attendant que Nicolas Sarkozy donne la couleur définitive à toutes ces propositions le 23 janvier prochain, l’heure est au bilan.

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Former des journalistes plus informés

Les propositions du pôle de réflexion sur les métiers du journalisme s’articulent autour de deux points essentiels: la formation et les droits et devoirs des journalistes.
Concernant les formations au métier de journaliste, l’accent est comme prévu mis sur la formation continue. En effet, assurer une formation à ceux qui n’auraient pas bénéficié d’une formation initiale par un organisme reconnu paraît essentiel. Ainsi, chaque journaliste doit être en mesure dans les trois premières années d’exercice d’accéder à une formation qualifiante. Un aspect déterminant pour la qualité de l’information et le respect des règles du métier de journaliste.

Du côté des filières de journalisme reconnues, un appel à des règles plus strictes est clairement formulé afin d’en limiter le nombre et d’en garantir la qualité. Les organismes reconnus qui sont au nombre de 12 actuellement ne devraient donc pas augmenter mais se diversifier. En effet, devant l’insuffisance de diversité au sein des écoles et organismes concernés, deux mesures visent à changer la donne. D’une part, la mise en place de bourses établies sur critères sociaux est proposée ainsi que la suppression des lourdeurs administratives.

Afin de pallier le manque de chiffres et de réflexion en matière de presse écrite, le groupe propose aussi de développer la recherche, élément indispensable à la compréhension du métier et de son évolution. L’observatoire des métiers de la presse pourrait ainsi la prendre en charge. Une salle de « rédaction du futur » commune à tous les organismes reconnues est également soumise.

Le deuxième thème évoque les droits et devoirs du journaliste. Plus que de proposer l’élaboration d’un code déontologique qui serait confié à un groupe de « sages », son inscription dans la convention collective est fortement incitée. Dans le souci de clarifier les règles et valeurs du métier, le groupe propose également d’intégrer des chartes éditoriales au contrat de travail. Celles-ci rendues publiques susciteraient ainsi une plus grande communication entre les organes de presse et le lectorat.
Devant la multiplication des supports, le problème des droits d’auteur est toujours plus actuel mais reste complexe. La cession des droits pour la publication peut se réaliser sur différents supports sous conditions. Ce point est précisé au sein des propositions du groupe 3.

Enfin, souhaitant perpétuer les discussions engagées lors de États généraux de la presse, le groupe de réflexion propose de créer un comité national du journalisme. Une initiative qui donnerait la possibilité de poursuivre les débats autour du métiers et de garantir un échange entre tous les acteurs du métier.

Refonder le modèle économique.

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Les conclusions du pôle 2, autour du processus industriel de la presse écrite, apparaissent beaucoup plus tranchantes. Afin de limiter les coûts d’impression, véritable plaie pour la presse papier, le groupe présidé par Arnaud de Puyfontaine souhaite repenser le modèle économique. Ainsi, dans le but d’améliorer les rendements, le groupe prévoit toute une partie de mesures techniques comme par exemple l’utilisation plus efficace des rotatives.

Pour répondre à la crise des ventes de journaux, on appelle ensuite à une plus grande liberté en matière de distribution. Plus qu’encourager le développement du nombre de points de vente, c’est une plus grande liberté de choix qui est avancée. En effet, la possibilité pour les acteurs concernés de choisir les titres et le nombre est proposé. Dans le même sens, une plus grande légèreté en matière de règles d’autorisation favoriserait la réouverture de kiosques à journaux.

Autant de mesures qui avec le portage, garantiraient une plus grande visibilité des journaux papiers. La baisse des coûts d’abonnements permettraient, elle aussi, d’encourager les ventes. Pour rendre effective ces changements, le groupe insiste sur le fait qu’un échange avec les organismes postaux est indispensable.
Enfin, une des mesures phares concerne l’État et son implication envers les Médias. Une participation étatique couplée à toutes ces propositions semble essentielle pour juguler la crise auquel la presse écrite est confrontée. Conformément à cette idée, le groupe indique par exemple la possibilité de transférer les bénéfices de la publicité de l’État vers les Médias.

Soutenir la presse numérique

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Le groupe « Presse et Internet » présidé par Bruno Patino, entendait proposer des modèles pour préserver la presse écrite du « choc internet ». Les recommandations de ce pôle visent pourtant avant tout le développement du journalisme « on line ». On veut « adapter » le fameux régime des Droits d’auteur, qui donnait droit à une rémunération du journaliste pour chaque support sur lequel son article était publié : afin de faciliter la circulation de l’information au sein des différents médias d’un même groupe, on recommande donc « la cession automatique à l’intérieur d’un groupe et la neutralité du support ». Les membres de la commission considèrent qu’une loi devrait entériner ce système, pour que le passage du papier au numérique soit facilité. Le pôle 3 évoque ensuite un plan de formation « journaliste-plurimédia » visant à garantir leur « polyvalence et leur employabilité », nécessaire sur un support aussi riche que le net.

Enfin, deux préconisations cherchent des solutions pour abreuver financièrement les médias numériques. Il est d’abord proposé d’intégrer les investissements numériques dans le fonds de modernisation de la presse, un outil créé en 1998 qui accorde des subventions aux entreprises de presse pour la réalisation de projets de modernisation. On veut ensuite « réformer le dispositif du crédit- impôt recherche en l’étendant aux investissements numériques des médias ». Cette mesure fiscale permet de soutenir les entreprises dans leur développement. Ouvrir son accès au net encouragerait le secteur de la presse à faire des efforts pour tendre vers une numérisation progressive.

Garantir le pluralisme et la qualité de l’information

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Le pôle « presse et société », touche probablement le domaine le plus sensible de ces États Généraux de la presse écrite. Comment défendre le pluralisme, améliorer le contenu des publications et rétablir un climat de confiance entre lecteurs et journalistes, tout en développant des entreprises de presse plus fortes ? Une équation d’autant plus délicate, qu’elle doit être accompagnée d’un rajeunissement du lectorat.
Point le plus controversé des discussions : la question de la concentration et de la création de grands groupes multimédias français. Un dossier clairement défendu par Nicolas Sarkozy le 2 octobre dernier lors de l’inauguration des États Généraux, auquel l’équipe dirigée par François Dufour a répondu par la négative. Elle recommande d’encourager « la création d’entreprise plutôt que la concentration pour créer de nouveaux titres ». Un camouflet pour le Président, une victoire pour le pluralisme en France.

Ce même groupe provoque également la polémique en préconisant de réduire les bénéficiaires de la TVA spéciale de 2,1% à la seule presse d’information politique et générale (IPG). Une décision acceptée une courte majorité provocant la colère de la presse de loisir qui verrait sa propre TVA augmenter à 5,5%. Dans un contexte de crise généralisée, ce choix inquiète particulièrement la presse magazine qui redoute de voir ses frais de diffusion augmenter. Le groupe de travail justifie pourtant cette initiative par les 100 millions d’euros annuel dégagé grâce à une telle réforme. Des fonds destinés à financer les recommandations du livre vert, par exemple, les exonérations fiscales prévues pour favoriser la création de nouvelles entreprises de presse.

Moins polémiques, plusieurs autres mesures-phares ont par ailleurs été dégagées au terme des débats. Afin de rétablir la confiance des lecteurs, le pôle 4 propose lui aussi d’établir des règles éthiques claires en annexant une charte déontologique à la convention collective des journalistes. Il se montre également en faveur de la création d’un Observatoire des pratiques de la presse (OPP) chargé de publier un rapport annuel sur l’état de la presse en France. En ce qui concerne l’âge du lectorat, outre favoriser la lecture de la presse dès l’école élémentaire, il est proposé de créé un « journaliste ambassadeur de moins de 25 ans ». Présent dans toutes les rédactions IPG, cet ambassadeur est chargé de proposer « des contenus intéressant pour les jeunes et d’orienter le traitement des sujets avec un angle « jeune » ». Une spécialisation «journalisme jeunesse» est par ailleurs envisagée dans les écoles. Enfin pour améliorer les contenus, les hommes de François Dufour proposent de favoriser « le journalisme debout » en réduisant les charges patronales pour les journalistes de terrain. Une recommandation vouée à promouvoir les enquêtes approfondies et les reportages. Est également évoquée, la possibilité de créer un prix Pulitzer à la française avec des catégories alignées sur le modèle américain. Objectif : motiver les professionnels à produire un journalisme de qualité.

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