Vinifilles, So femme et vin : des vins conjugués au féminin

Par le 5 février 2016

Des femmes qui font du vin. Chose rare il y a vingt ans. Aujourd’hui les vigneronnes s’affirment et se regroupent. Rencontre avec les Vinifilles du Languedoc, « Belles, rebelles, actives, gourmandes, sympas, sociables et dynamiques » et les vigneronnes de So femme et vin du Sud-Ouest, qui conjuguent le vin au féminin.

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Fini le bon vieux vigneron rustre et costaud qui cultive sa vigne pendant que sa femme est la maison. La parité est en marche dans tous les domaines et le vin n’y a pas échappé. Certaines sont associées à leur frère, père ou mari, d’autres gèrent leur exploitation seule, mais toutes sont chefs d’entreprise et régissent à leur façon leur vignoble.

En 2009 né le Cercle Femmes de Vin, le premier réseau professionnel national de femmes qui font du vin. Intégré à l’Union des vignobles de France, il est composé de 250 membres répartis dans 9 associations régionales, dont les Vinifilles pour le Languedoc et So femme et vin pour le Sud-Ouest.


-25.png Les Vinifilles ce sont vingt vigneronnes, dont plus de la moitié sont en bio. Pour Valérie Ibanez, la présidente de l’association, ce sont des femmes qui se regroupent pour faire du vin « comme des hommes qui se regroupent pour voir un match de foot ». Des femmes qui ont les mêmes problèmes, une même sensibilité pour le vin et le savoir-faire, et surtout « des femmes d’entreprises, pas des potiches » !

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So femme et vin porte les couleurs du Sud-Ouest. Vingt-sept vigneronnes mais aussi des œnologues, des consultantes, des grossistes, bref des femmes qui font, qui vendent, qui goûtent et surtout qui aiment le vin.
Pour la présidente Gaëlle Reynou-Gravier, le but est de mettre l’image de la femme en avant : « Ce sont en majeure partie les femmes qui achètent le vin, des femmes qui sont curieuses des vins faits par des femmes. » Même si l’association est ouverte à toutes les « confessions », la notion de développement durable est centrale pour ces femmes qui s’y impliquent « quelle que soit la manière ».


« Féminines mais pas féministes »

Gaëlle de So femme et vin se revendique comme étant « féminine mais pas féministe », tandis que Valérie des Vinifilles est plus modérée : « ce n’est pas du féminisme pur et dur ». La connotation péjorative du mot « féminisme », parfois quasi entendu comme un gros mot, prend ici tout son sens. « On ne veut pas être cataloguées, se renfermer dans une image. C’est pour ça que nous ne voulons pas en faire un mouvement féministe », s’empresse d’expliquer Gaëlle.

Même si elles s’accordent toutes à dire que le milieu reste essentiellement masculin, aucune ne se plaint en revanche d’une quelconque domination du vigneron. « Aucun problème avec les hommes, on aborde simplement les choses de façon différente », explique Françoise Ollier des Vinifilles. Pour Gaëlle il n’y a pas de sensation d’exclusion : «Les femmes sont beaucoup plus acceptées par rapport à avant.» « Il y a quelques difficultés physiques et matérielles liées au fait d’être une femme, mais pas dans le contact d’humain à humain », ajoute Nadia Lusseau de So femme et vin. « On n’est pas contre les hommes », lance Françoise faisant référence à Sacha Guitry. « L’idée, c’est de communiquer que les femmes savent faire aussi bien que les hommes dans un univers masculin », conclut Nadia.

Un réseau d’entraide

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Isabelle Daulhiac est aussi viticultrice et enseignante d’économie dans un lycée agricole. Elle explique que les groupes de viticulture traditionnels, qui sont mixtes, sont essentiellement masculins. Une des raisons qui a poussé les femmes à se rassembler. «On reste chacune dans notre coin à travailler et on a peu l’occasion de rencontrer d’autres femmes. L’association offre un réseau, une possibilité d’échanges si on a une question sur un client, un fournisseur, n’importe quoi», détaille Katharina Mowinckel. Même chose chez les Vinifilles. « À la base c’est un réseau d’entraide », explique Françoise. Mais plus qu’un réseau, il est devenu un groupe d’amies. « C’est plus agréable de partir avec deux copines. Ça change tout ! », s’exclame-t-elle. Pour Valérie, le travail en groupe apporte une valeur ajoutée incontestable à chaque vigneronne et puis « quand on fait les choses à plusieurs, c’est plus sympa ! »

Si se rassembler apporte de la convivialité à ces femmes, c’est aussi et surtout un outil de communication essentiel. Alors qu’il y a vingt ans on regardait d’un drôle d’œil une femme qui gérait seule son domaine, aujourd’hui c’est quasiment devenu un argument de vente. Katharina est dans ce cas et pour elle « le fait d’être une femme c’est même positif, c’est presque un avantage ». Valérie Ibanez le constate également : « C’est une façon de se démarquer commercialement. » Être une femme vigneronne ferait donc vendre, mais les femmes font-elles des vins pour autant féminins ?

Des « vins féminins » ?

Pour Thierry Daulhiac c’est incontestable, le vin ressemble à son ou à son/sa vigneron(e). « On reconnaît les caractéristiques d’une personne dans le vin : une femme va amener plus de finesse et d’élégance dans son vin, alors qu’un vigneron grossier fera un vin massif. » Gaëlle Reynou-Gravier de So femme et vin n’est pas de cet avis. « Les gens qui gouttent nos vins ne disent pas ‘ah, ça c’est un vin de femmes’ ! » Pour la présidente du Sud-Ouest c’est la manière de voir le vin qui est différente et non le vin en lui-même : « Cibler les femmes, c’est réducteur. » On laissera votre palais trancher sur la question. Féminin ou non, ces femmes ont choisi de concevoir un vin bien particulier : un vin bio.

Le vin bio se conjugue-t-il au féminin ?

Chez les Vinifilles 60 % sont en bio, contre une moitié pour So femme et vin. Y-a-t-il plus de femmes dans le vin bio que dans le vin conventionnel ? Difficile à savoir, aucun chiffre ne le démontre. D’après Thierry Daulhiac, « la femme qui devient mère est plus sensible à une nourriture saine ». Ce qui expliquerait son choix du bio, un choix philosophique et idéologique d’après Isabelle, sa propre femme. Lui est venu au bio pour se rapprocher du terroir, pour revenir à une technique plus proche de la nature et non forcément dans l’idée première de faire un produit plus sain. « La question de la santé est plus féminine », selon Isabelle. Elle explique que la femme est plus préoccupée par l’environnement et la santé humaine : « Elle a une fibre maternelle, féminine, qui la rend plus consciente des problèmes environnementaux.»

Qu’il soit bio, naturel, rouge, blanc, rosé, en fût, ou en bouteille, le vin des femmes est bon, et après tout, c’est tout ce qui compte !

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