Voter par procuration : le parcours du combattant

Par le 6 décembre 2015

Ce dimanche ils n’iront pas voter. Ils feront partie de ce qu’on appelle « les abstentionnistes » sur qui on jettera la pierre. On dira qu’ils sont déçus ou qu’ils ne s’intéressent pas à la politique. Et pourtant, ils auraient bien voulu voter eux aussi même s’ils ne peuvent pas se déplacer. Mais la démocratie leur a fermé la porte.

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Montpellier. Mercredi 2 décembre. À quatre jours du premier tour des élections régionales les Montpelliérains venus d’ailleurs se sont rués à l’Hôtel de Police du centre ville, pour faire procuration. Après 2h30 d’attente je ressors avec mon bout de papier, quelqu’un pourra voter pour moi dimanche. Ce n’est pas le cas des trente autres qui attendaient derrière moi, que l’on a refusé après plus d’une heure d’attente. Ce n’est pas le cas de ceux qui n’ont pas eu la patience, ou bien le temps. Eux, ne voteront pas.

-112.jpg « Qu’est-ce qui se passe ici ? Vous êtes tous assignés à résidence ? », lance un passant à la vingtaine de citoyens qui font patiemment la queue devant l’Hôtel de Police de la comédie pour faire procuration. La foule rit jaune. « Non non on attend juste pour faire procuration », lui répond un citoyen qui ne peut juste pas se déplacer dans la ville où il est inscrit pour voter dimanche.

Il est 15h30, après une heure d’attente, on n’a presque pas avancé. La file d’attente se rallonge, certains attendent patiemment tantôt que d’autres partent cinq minutes après, désabusés devant cette file d’attente plus longue que celle d’un manège à Disney. « Il ne faut pas se décourager », souffle un trentenaire mains dans les poches là depuis une heure aussi.

Un policier qui fait les fouilles liées à l’état d’urgence à l’entrée jette un « tout le monde n’entrera pas ». Consternée, Coralie veut en savoir plus. Mais monsieur le policier ne semble pas être disposé à nous informer davantage. Elle lui demande tout de même d’informer ceux qui attendent. « Mesdames et Messieurs on pourra pas prendre tout le monde pour les procurations », jette-t-il en s’adressant à la foule qui n’y croit pas vraiment. « Ça fait une heure qu’on attend tout de même », souffle quelqu’un dans la file. La colère monte, un homme qui s’est libéré de son travail pour venir proteste : « J’ai regardé sur internet, c’était censé être ouvert ce midi, je suis venu, c’était fermé ».

Coralie Fiedler a 18 ans, elle est en première année de fac de droit à Montpellier. Elle est inscrite dans son village natal à Nissan, près de Béziers. « Je ne peux pas rentrer chez moi ce week-end alors je suis venue faire procuration », comme beaucoup d’autres étudiants à Montpellier. Coralie s’offusque de devoir attendre si longtemps. « C’est pas rentable de voter c’est sûr, on attend moins au centre commercial », lâche t-elle. « C’est une honte. Ils mettent des pub partout que c’est important d’aller voter mais derrière ça suit pas ».

Après deux heures d’attente, on entre enfin dans le commissariat. Le policier qui passe chaque citoyen au détecteur de métaux dans un sas après avoir fouillé son sac est tendu.
Et tous ces gens qui attendent dehors ils vont pouvoir voter ?
C’est pas pour voter ici ! lâche l’agent de police, apparemment peu au courant de ce qu’est une procuration.

État d’urgence ou pas, voter reste le symbole et la force d’une démocratie en bonne santé. Voter par procuration, c’est pouvoir voter alors qu’on a déménagé, alors qu’on travaille pour les fêtes, alors qu’on est malade, alors qu’on est en déplacement professionnel. Mais beaucoup ne pourront pas voter ce dimanche, preuve que notre démocratie est belle et bien malade cet hiver.

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