« Recréer du lien. » Maxime et Marguerite, coordinateurs des maraudes citoyennes de l’association Jeunesse s’engage, répètent cet objectif tel un mantra aux participants du jour. Il est 18h30 et, comme tous les mercredis, ils sont arrivés plus tôt à l’Espace Martin Luther King de Montpellier pour préparer la marche de ce soir. C’est à ces deux étudiants que Thierry, le président de Jeunesse s’engage, a proposé de prendre en charge l’organisation des maraudes. Répartir les denrées que les maraudeurs ont apporté, prévoir les groupes, les circuits, inscrire le nom des bénévoles présents… Ils ont de quoi s’occuper.
Les jeunes engagés ont découvert les maraudes par le bouche à oreille. Ils ont entendu parler de l’association grâce à des amis ou en classe. Les maraudes, « c’était d’abord le cercle proche de Thierry, explique Maxime. Parce que les initiatives comme ça, ça vient toujours des cercles personnels, des cercles proches et vraiment le but c’est de pouvoir mener ce projet avec d’autres jeunes. » Aujourd’hui, « le cercle » s’est élargi à une trentaine d’étudiants. Des habitués comme des nouveaux, tous venus dans le but de partager avec l’autre. Les maraudes ont de plus en plus de succès et l’organisation en devient, de fait, plus compliquée. Le nombre de bénévoles peut effrayer certains sans-abris et rend l’échange plus difficile. Des jeunes du groupe ont par conséquent décidé d’ouvrir une seconde maraude, le jeudi.
Avant de partir arpenter les rues du centre-ville, Maxime rappelle les principes de l’association. « Jeunesse s’engage prône l’engagement citoyen. On permet aux jeunes de s’engager dans la vie en communauté, par des actions symboliques, par la réflexion, et tout ça a pour but d’éveiller les consciences. Pour nous, la citoyenneté est le fait d’être bienveillant les uns envers les autres, et les maraudes citoyennes c’est un moyen d’action ». Comme tous les soirs, Maxime détaille le déroulement de la soirée pour les nouveaux venus. « On va à la rencontre des plus démunis, humblement. On leur propose des boissons chaudes, des sandwichs. On peut leur serrer la main, se mettre à leur hauteur pour leur parler. » Il répète une fois de plus l’objectif de ces maraudes : « recréer du lien ».
« En dehors de la nourriture dont ils ont besoin, de la chaleur et des vêtements, ils avaient besoin qu’on les écoute et qu’on pense à eux »
La nuit commence à tomber, il est temps de quitter le local. Les maraudeurs se divisent en deux groupes et prennent des chemins différents. Le premier s’oriente vers la gare tandis que le second prend la direction de la rue de la Loge, en plein centre-ville. Maxime et Marguerite veillent à ce que les groupes ne soient pas trop importants. Au-delà de la simple distribution alimentaire, les jeunes maraudeurs viennent pour partager un moment avec ces sans-abris. « Je me suis aperçu aussi qu’en dehors de la nourriture dont évidemment ils ont besoin, de la chaleur et des vêtements etc…, ils avaient besoin qu’on les écoute et qu’on pense à eux, explique Simon, bénévole depuis septembre. Le fait qu’on soit là c’était pas juste leur donner à manger mais c’était aussi être un peu avec eux. »
Le contact et les liens qui se créent avec les plus démunis est une des raisons qui fait revenir, inlassablement, les bénévoles. « Quand je suis venue pour la première maraude, j’ai vu Maxime et Cyril [un sans-abri] se faire un câlin, se souvient Juliette, étudiante en science politique. Enfin, pas vraiment un câlin mais une poignée de main très sincère, chaleureuse. Je me suis dit qu’il y avait un vrai lien qui pouvait se créer, c’est aussi pour ça que je viens. » Dans une atmosphère propice à l’échange, les sans-abris se confient parfois. Ils apprécient l’initiative, d’autant plus de la part de jeunes bénévoles. Pour Ben et Mégane, un couple de SDF de la même génération que les maraudeurs, « ça fait plaisir de voir que des gens s’intéressent à nous et nous viennent en aide, surtout quand c’est des jeunes. »
« L’engagement que prennent les maraudeurs avec Jeunesse s’engage n’est pas anodin »
Ben et Mégane sont arrivés à Montpellier il y a quatre mois. Tous les deux se sont rencontrés à Avignon. Ils préfèrent être ici, où « il est possible de faire beaucoup de rencontre, les gens ont une meilleure mentalité. Il y a des gens qui viennent de partout. Il fait chaud et il y a des teufs. » Si la ville est attractive pour les sans-abris, le tissu associatif n’y est pas pour rien. D’après eux, « avec toutes les associations qu’il y a à Montpellier, c’est impossible de ne pas manger. » Ben, un grand blond au sourire ravageur, est un ancien militaire. Tombé dans la drogue, il a tout perdu. Ce qui le préoccupe le plus dans la rue, c’est que « [sa] femme et [son] chien mangent ». Propres sur eux, les passants leur demandent ce qu’ils font dans la rue lorsqu’ils font la manche. Ils occupent actuellement un squat mais ont entrepris des démarches pour s’en sortir. Ils espèrent trouver un logement dans les six mois à venir. Beaucoup de sans-abris que rencontre la maraude sont dans cette situation. Au-delà de la distribution alimentaire, Jeunesse s’engage souhaite les aiguiller dans les démarches à suivre et les orienter vers des structures pouvant les aider à se loger décemment.
Aux alentours de 21h, les bénévoles continuent de discuter avec des sans-abris. La distribution devait s’achever une demi-heure plus tôt, mais les jeunes engagés ralentissent l’allure. Ils semblent bénéficier de ces maraudes autant, si ce n’est davantage, que leurs interlocuteurs. Les deux groupes se rejoignent finalement sur la Comédie. Sous les lumières qui éclairent l’Opéra, les maraudeurs échangent quelques informations sur les personnes rencontrées, les denrées distribuées. Cet attroupement attire souvent quelques sans-abris que la maraude n’a pas croisé sur son chemin. « Vous avez besoin de quoi ? Il nous reste quelques sandwichs. » «Merci les gars, continuez ce que vous faites. » Après cet échange, Maxime et Marguerite prennent la parole. L’occasion pour eux de rappeler que «l’engagement [que les maraudeurs prennent] avec Jeunesse s’engage n’est pas anodin». Tout le monde se quitte, la plupart reviendront mercredi prochain.
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