A l’origine, il y a la fascination de Xavier Giannoli pour un fait divers datant de 1996. Il a donc mis en scène l’histoire de Phillipe Miller, un escroc qui décide un jour de reprendre un chantier d’autoroute abandonné et d’en faire la plus belle opération de sa vie. Pourtant, son mensonge va très vite le rattraper.
Quand on demande à Giannoli pourquoi il s’est encombré d’un tel fardeau, il répond enthousiaste : « Cette histoire me hantait. J’ai lu ce fait divers et j’ai ressenti beaucoup d’exitation. Il y avait dans cette histoire tout ce que j’attends du cinéma. »
Vraiment? Parce qu’en visionnant le film, on aurait plutôt tendance à dire le contraire.
Car, les ballets de camions et de tracto-pelles dans les plaines désolées du Nord, ça passionne sans nul doute Ponts et Chaussées, peut être même Centrale, mais pas le grand public.
A la rigueur, un documentaire aurait fait l’affaire, mais Giannoli a tranché: « je ne savais pas comment faire ce film, je pensais d’abord à un documentaire, mais je n’en avais pas envie. »
La première option était la bonne, mais quand Europacorp (la société de production de Luc Besson) met sur la table la somme rondelette de 9,8 millions d’€, on peut tout faire, même un fait divers romancé.
Parce qu’au beau milieu des chantiers boueux et des semi-remorques, les gens s’aiment. On a du mal à y croire, mais le réalisateur déclare le plus naturellement du monde : « Je ne voulais pas filmer des camions, mais des sentiments ».
C’est à peine exagéré: Emmanuelle Devos incarne avec une candeur plus vraie que nature la maire de la commune, une franchouillarde à souhait qui s’éprend de l’escroc joué par un François Cluzet tourmenté et taciturne, comme à son habitude (le contraire aurait été une vraie révélation).
Ensemble, ils revisitent les poncifs d’un sentimentalisme délicieusement mièvre.
Troublée par l’étranger sorti du néant, Devos bat des cils en marmottant : « On prévoit pas les choses. On les vit. » Certes. Dans le même registre, lorsque l’escroc au grand coeur lui propose un rendez vous en tête à tête au bowling, notre dame, conquise, lance à tue tête: « c’est très délirant. J’ai jamais rencontré quelqu’un comme vous ». Bref, les lieux communs s’enchaînent et se ressemblent. A ce sujet, on appréciera à sa juste valeur la remarque de Devos, relative à la liberté que Giannoli laisse à ses acteurs.
Si Cluzet s’efforce de donner une dimension psychologique à son personnage et si Devos minaude plutôt pas mal, la platitude des dialogues met en exergue la stérilité d’un film qui n’avait pas lieu d’être.
Et même si l’on s’attendrit parfois devant le dévouement de ces petites gens de la Sarthe pour leur patron fictif, A l’origine ne fait que revisiter un thème déjà traité mille et une fois par la télévision dans des émissions voraces de faits divers et de litiges en tous genres.
Néanmoins, la photographie demeure le point honorable de ce film amputé de vingt minutes depuis sa projection à Cannes, où il était en compétition pour la Palme d’Or en Mai dernier.
Difficile d’en vouloir à celui qui a réalisé Les Corps impatients et Quand j’étais chanteur, mais tout aussi difficile de se laisser emporter par un fait divers qui semble l’avoir happé outre mesure.
Réalisé par : Xavier Giannoli
Avec : François Cluzet , Emmanuelle Devos , Gérard Depardieu
Durée : 2h10min
Distributeur : EuropaCorp
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