Sous le soleil de midi, un passant tourne distraitement les pages d’une édition ancienne des « Illuminations » de Rimbaud ce mercredi 19 décembre. Comme chaque semaine depuis la mi-novembre, bouquinistes et brocanteurs se retrouvent au plan Cabanes – quartier Figuerolles – à Montpellier. « J’ai été sollicitée par la mairie qui souhaitait réhabiliter ce quartier mal réputé en proposant une animation aux habitants » explique Lysiane Pierrot, présidente de l’association La Mémoire du livre. «Comme nous voulions attirer le plus de monde possible, nous avons tenu à faire participer les brocanteurs» précise t-elle. Le service communication de la mairie a choisi l’expression « Broc Art » pour désigner la manifestation. « Il y a un fort potentiel client, la place est bien située, il y a beaucoup de passage » assure Christiane, également bouquiniste. La fréquentation paraît pourtant bien loin de la foule aimantée par le marché de Noël, place de la Comédie.
« Notre problème, c’est que les mois précédant les municipales, la mairie ne peut pas faire trop de publicité sur ses initiatives afin d’éviter d’être accusée par l’opposition d’acheter les électeurs» regrette Lysiane Pierrot. Certains exposants s’en sortent mieux que d’autres en cette matinée hivernale. Jean-François, brocanteur depuis de nombreuses années, fanfaronne devant ses amis collègues : « je n’arrête pas de vendre, les fêtes doivent me porter chance ! » s’exclame t-il. Il faut dire que les objets présentés par Jean-François retiennent particulièrement l’attention : de magnifiques statuettes, des téléphones datant du début du XXème siècle, des bijoux anciens. Les bouquinistes rencontrent semble t-il davantage de difficultés. Cigarette aux lèvres, Lysiane Pierrot observe: « nous sommes une espèce en voie de disparition. Les nouvelles générations s’intéressent de moins en moins aux bouquins concurrencés par la télévision et les jeux vidéos, l’édition de beaux livres est en perte de vitesse ». L’Internet constitue une solution : « nous pouvons toucher le monde entier, j’ai par exemple envoyé hier un livre aux Etats-Unis ! » s’enthousiasme t-elle. Le contact avec les gens reste cependant primordial. A l’inverse des librairies, les marchés aux livres sont ouverts sur la vie urbaine et permettent au flâneur de se procurer des bouquins à des prix parfois très réduits. Georges, retraité, emporte par exemple avec lui « La pesanteur et la grâce » de Simone Weil pour seulement deux euros. Il a déjà ses habitudes au marché « Broc Art » : « je viens tous les mercredis, c’est un vrai plaisir, je souhaite longue vie à cette belle initiative ». Que Georges soit entendu…
Broc Art, marché aux livres et brocante, cours Gambetta, plan Cabanes à Montpellier de 9h à 17h tous les mercredis.
