Ces « offs » qui saoulent un peu Millésime Bio

Par le 22 janvier 2016

Millésime Bio victime de son succès ? Depuis que le marché du vin bio a explosé ces dernières années, le salon leader a généré l’éclosion d’une multitude de « offs ». Des contre-manifestations certes, mais qui reflètent avant tout la bonne santé du secteur.

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La « plus grande cave bio au monde »… L’étiquette de présentation du cru 2016 Millésime Bio est alléchante. L’événement attire, il est vrai, des professionnels du vin du monde entier (vignerons, cavistes, œnologues, négociants…), et se pose en leader incontesté d’un marché viticole bio toujours en ascension. Mais au fil des années et ses évolutions, le salon a vu éclore en marge du Parc des expositions de Montpellier où il se déroule, tout un tas de petites manifestations non officielles.

Simples retrouvailles pour des dégustations entre copains vignerons au départ, elles ont pris aujourd’hui, pour certaines, une toute autre ampleur. Les réunions au fond des caves et des restos de Montpellier perdurent mais se développent aussi des « offs » qui assument plus ou moins une forme de concurrence avec Millésime Bio. Une certitude, toutes ces manifestations profitent de la manne de visiteurs drainés par le salon officiel. Certaines conservent un caractère convivial, d’autres cherchent ouvertement à faire du commerce.

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Le Vin de mes Amis, Les Affranchis, Biotop ou encore De Chemins en Pistes, les propositions de contre-manifestations sont tellement nombreuses qu’il est ardu de les recenser. Au départ, Millésime Bio s’est accommodé de cette modeste concurrence tout en rejetant ce terme même puisque nombre de ces « offs » ne s’arrêtent pas au strict label bio. Mais il y a deux ans, le président du salon, Patrick Guiraud, a dénoncé, en substance, le manque d’éthique de certains de ces salons qui ne respecteraient pas le cahier des charges bio de sa manifestation. Le sujet reste toujours hyper sensible. Millésime Bio ne souhaite d’ailleurs pas entretenir la polémique et ne s’exprime plus dessus.

« Je comprends que ça agace car ça marche pour nous ! »

Du côté des organisateurs des « offs », la notion de concurrence est assumée à demi-mots. Depuis 2008, Charlotte Sénat organise pendant Millésime Bio sa propre manifestation, Le Vin de mes Amis. Il compte 80 exposants en 2016 et affirme attendre plus de 1000 visiteurs au Domaine de Verchant. « Je ne me sens pas du tout en concurrence avec Millésime Bio », lance-t-elle tout en reconnaissant que ses clients profitent de leur présence à Montpellier pour se rendre aux deux salons.

« C’est une facilité de le faire là, nos importateurs se déplacent aussi pour Millésime Bio. Mais je me sens complémentaire. Je comprends que ça agace car ça marche pour nous ! », admet Charlotte Sénat, qui trouve Millésime bio « trop gros ». Avec ses 1100 visiteurs en 2015, le Vin de mes Amis est le « off » le plus fréquenté. L’année dernière, Millésime Bio a fait 4800 entrées pour 794 exposants. Signe que l’heure n’est pas à trinquer de concert, Charlotte Sénat met en avant « un ratio plus positif » pour son salon.

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Peut-on réellement comparer ces différentes dégustations ? Le « in » rassemble beaucoup de monde sur trois jours, dans trois gigantesques halls du parc des expositions. Le Vin de mes Amis, est au Domaine de Verchant, Biotop dans une salle à « 40 mètres du sol au coeur du phare de Palavas », ou De Chemins en Pistes se contente très bien de l’Aéroport-Hôtel.

Millésime Bio est désormais très ouvert sur l’international, avec « 15 nationalités représentées », selon Cendrine Vimont, responsable communication de l’événement. Pour se différencier, les organisatrices de Biotop, du Vin de mes Amis et de Chemins en Pistes vantent quant à elle des salons à taille humaine et axés sur la « convivialité » propre au monde du vin.

Un salon perçu comme « trop gros et trop cher »

Véronique Attard a fondé le « off » De Chemins en Pistes il y a trois ans. Cette ancienne artiste-peintre reconvertie vigneronne est partie d’un constat simple : son petit domaine n’avait pas les moyens de se payer le salon principal ni ses « offs ». « Ils font payer les vignerons pour exposer et les entrées des professionnels, c’est trop commercial. Je voulais un salon fait par des vignerons pour des vignerons ». Les « offs » se présentent comme un retour aux sources loin des gros négociants, même si l’organisatrice de Biotop, Isabelle Jomain, admet que « Millésime Bio est utile ».

Les 39 exposants de De Chemins en Pistes – du bio aux vins en conversion – et Véronique Attard se partagent le loyer de l’Aéroport-Hôtel, la nourriture, l’exigence… et même les visiteurs de Millésime Bio. « Il y a des navettes qui partent du parc des expos et qui amènent les visiteurs chez nous », assume-t-elle, bonne joueuse.

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Isabelle Jomain, de Biotop, agite le même argument du prix. « Quand on voit qu’il faut payer environ 2000 euros un stand de deux mètres, je comprends que certains vignerons, même les domaines qui marchent le mieux, ne veulent pas donner tout cet argent ». Sur son site, Millésime Bio, se considère à l’inverse comme « un salon abordable ». Vérification faite auprès de l’organisation, le prix d’un stand est de 1128 euros TTC pour les adhérents à Sudvinbio – qui organise Millésime Bio – et environ 2200 euros TTC pour les autres. Selon les « offs », le coût d’un table varie entre 150 et 800 euros toutes charges comprises. Mais finalement, le seul juge de paix reste le chiffre d’affaires généré sur chaque manifestation par rapport à son coût pour y participer. Et là, difficile d’avoir des informations chiffrées.

Des dessous idéologiques au commerce du vin bio

Si on laisse les aspects financiers de côté, on ne peut s’empêcher d’écouter la petite musique militante des organisateur des « offs ». Comme s’ils regrettaient finalement un âge d’or de Millésime Bio qui serait, selon eux, devenu une trop grosse machine. Rien que le nom du « off » Les Affranchis prête à sourire. « Il y a six ans, j’ai participé au Millésime, c’était tranquille. Depuis que le marché a explosé, ils sont comme stressés », avoue Véronique Attard. « On est passé à une autre échelle, répond Cendrine Vimont, du Millésime Bio. On n’a pas le choix, si on veut justifier notre ambition d’être le salon numéro un mondial, il faut suivre la demande et l’offre », poursuit-elle.

Les « offs » drainent les visiteurs du « in », mais cela fonctionne aussi dans l’autre sens, dans une moindre mesure. « J’ai des visiteurs et des exposants qui font les deux, ce n’est pas un problème » pour Isabelle Jomain.

Bientôt le verre de l’amitié ?

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à propos de l'auteur

Auteur : Gaëlle Colin

Transmettre, raconter, décrire, se confronter à d'autres modes de vie. Aujourd'hui je sais qu'un métier synthétise ces envies : correspondante à l'étranger. Au fil de ma vie Niortaise, j'ai embarqué pour une licence d'Histoire à Poitiers. Un semestre en Irlande fait tout chavirer : par le voyage, je me découvre une passion pour la géopolitique, la rencontre de l'Autre. Terminé pour le long fleuve tranquille ! Ma motivation bien au sec, je débarque à Montpellier pour y étudier les sciences politiques. Assoiffée par ma curiosité et intenable sur place, je me teste en presse quotidienne régionale et en radio associative. Le local m'apprend la rigueur du métier, la réalité du terrain. Aujourd'hui, je navigue entre le monde professionnel via mon contrat de professionnalisation avec Ouest-France et la formation avec le Master 2 Journalisme à Montpellier. « L'exercice du reportage implique deux choses essentielles : le terrain et la curiosité. Donc, j'ai l'habitude de dire qu'il n'y a ni grand ni petit reportage et que le reportage se trouve n'importe où en bas de chez soi, comme bien loin ». Anne Nivat, grand reporter de guerre.