2°C. C’est la différence de température observable entre le haut et le bas de la pente d’une parcelle de vignoble de coteau, due au seul fait du dénivelé et de l’exposition. Mais 2°C, c’est aussi l’augmentation de la température liée au réchauffement climatique à horizon 2100 que les signataires de l’accord de Paris se sont engagés à ne pas dépasser.
Climatologue et géographe, directeur de recherche au CNRS, Hervé Quénol étudie depuis une dizaine d’années les effets du réchauffement climatique sur la viticulture. Dans le cadre de projets de recherche, tels Laccave en France ou Life-Adviclim au niveau européen, il collecte des données dans les vignes. Sa conviction : « A l’échelle de son exploitation, le vigneron est déjà capable de s’adapter! ».
Virgile Joly, propriétaire du domaine homonyme à Saint-Saturnin-de-Lucian, entre Lodève et Clermont-l’Herault, confirme : «Les agriculteurs sont habitués à vivre avec les aléas et à s’adapter en permanence».
Pour autant, les impacts du réchauffement climatique sont bien réels et l’avenir de la profession viticole se construit en les prenant en compte. « La température augmente encore plus rapidement que ce qu’on avait imaginé, il faudra une large gamme d’adaptation », constate le chercheur. Il y a dix ans, la réalité du changement climatique en laissait plus d’un dubitatif. Aujourd’hui, la majorité des agriculteurs a pris conscience du défi à relever. « On le ressent, il y a de plus en plus d’années de sécheresse, en 30 ans, les vendanges ont avancé d’une demi journée par an! », s’exclame François Delhon, vigneron trentenaire du Domaine Bassac, au nord de Béziers.
La viticulture, particulièrement exposée au changement du climat
Face aux trois grandes manifestations du réchauffement de la planète – hausse des températures, sécheresse, augmentation des extrêmes climatiques comme le gel ou les périodes de très fortes chaleurs – la viticulture est en première ligne, explique Hervé Quénol.
« Depuis quelques années on a des températures moyennes plus élevées, les hivers sont moins rudes, cela élimine moins de parasites. Quand les étés sont trop chauds, la photosynthèse peut ne plus se faire, cela bloque la maturité des raisins », relate Virgile Joly. « Les années de sécheresse, on observe des rendements en baisse d’environ 15% », constate de son côté François Delhon.
Culture dite « pérenne », la vigne reste en place d’une année sur l’autre. En cas de pépin, le viticulteur ne peut se résoudre à tout arracher pour repartir du bon pied l’année suivante. Deuxième particularité, « la vigne est touchée par le réchauffement climatique à deux niveaux : la plante et le raisin », continue le climatologue. Et les effets du réchauffement s’immiscent jusque dans le verre. « Plus de sucre, moins d’acidité, plus d’alcool », liste Hervé Quénol. Alors qu’une pêche plus ou moins sucrée d’une année sur l’autre ne va pas perturber le consommateur, la modification des caractéristiques des vins inquiète d’avantage. Sur ce point, le chercheur se veut pragmatique : « Les caractéristiques des vins ont toujours évoluées dans le temps, les gouts des consommateurs également ».
Une adaptation sur mesure
L’adaptation des pratiques s’impose comme la seule alternative pour dompter les impacts de l’emballement du climat. Depuis quinze ans, les chercheurs s’y intéressent de près. La complexité : les impacts du changement climatique sont différents selon les régions. « Il y a des régions viticoles où le réchauffement climatique est positif. Des pays comme l’Angleterre, l’Allemagne, la Suède peuvent maintenant avoir une qualité de vin qu’ils n’avaient pas », précise Hervé Quénol. La bonne échelle de réflexion sévère être le vignoble. Autant dire, du sur-mesure.
« On en est à la deuxième année de sécheresse, cela fait se poser des questions. Quelles vignes va-t-on planter pour l’avenir? », se demande Virgile Joly. Lui a choisi le vermentino, que l’on retrouve en Corse, mais aussi le carignan, bien adapté.
C’est le principal questionnement des viticulteurs : le choix des cépages et porte-greffes. « Ils plantent pour 30 ans, ils ne peuvent pas se tromper », explique Hervé Quénol.
Pour le climatologue, les connaissances emmagasinées en terme d’adaptation commencent à être suffisamment pertinentes pour un conseil de qualité. « Oui, on a pas mal d’information, ça s’organise », confirme Virgile Joly. Pour les vignerons, tous les moyens sont bons pour dégoter des bonnes pratiques. « On va voir ce que font les autres, les pays du Sud, on travaille avec les ingénieurs agro, les pépinières…», raconte François Delhon.
Quant à la question de l’utilisation de l’eau, selon Hervé Quénol, c’est le prochain enjeu majeur. Le développement de l’irrigation sera nécessaire dans certaines régions, à l’instar du sud de la France. Dans un contexte où l’utilisation de l’or bleu par l’agriculture est déjà sous forte tension, le débat entre profession viticole et pouvoirs publics s’annonce compliqué.
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