Mardi soir, temps pluvieux, mais salle comble au Théâtre de la Vignette.
Les spectateurs sont venus découvrir Clandestinopolis, l’histoire d’un père accablé par le chagrin : Hippolyte Wetters alias Destin N°7111968.
Assis au beau milieu d’un tramway, il rumine de sombres pensées. Rien de bien extraordinaire jusque là, l’histoire de tout un chacun.
S’active donc autour de lui pléthore de passagers (et pas des moindres) : une voyante aveugle, Dieu en personne, Antonin Artaud et même la Mort. Ils se croisent et les destins s’entremêlent dans ce wagon lancé à tombeau ouvert.
Au cours de la première demi heure, la trame dévide le fil, déroule, tresse, vanne, natte, noue, dénoue et renoue, enchevêtre, désenchevêtre frénétiquement.
Cela pourrait être agaçant, inciter le spectateur à stopper le voyage en désertant à la station la plus proche. Mais il n’en est rien. L’alchimie prend avec l’apport d’éléments nouveaux.
Le voile se lève progressivement sur le supplice qu’endure un père artisan de son propre malheur : ses pensées restent rivées sur celle qu’il a privé de son amant algérien, sa fille Adeline, qui a mis fin à ses jours. Tout le ramène à elle : un enfant dans un landeau, une jeune fille qui lui ressemble. Le tragique rejoint l’onirique.
On oscille ainsi entre le réel et l’illusion, entre le temps des remords et celui des souvenirs heureux. Ironie du sort, au cours de cet ultime voyage, Hippolyte devient illusion à son tour : confondu avec un terroriste, il est abattu.
Dans ce théâtre de faux semblants, Camille Daloz explique avoir « essayé d’allier quotidienneté et fantastique » et pris « quelques libertés avec le texte initial ». Et pour le coup, l’essai est transformé : d’aucuns n’ont quitté ce tramway délirant. Surtout pas Mustapha Benfodil, transporté.