« Johnny Mad Dog » est un film qui nous transporte tout droit dans un cauchemar. C’est l’histoire d’un jeune adolescent, tout juste quinze ans, armé jusqu’au dent, qui est à la tête d’un petit escadron de rebelles libériens. Tous sont des enfants et des adolescents. Enrôlés dès leur plus jeune âge, ils participent à la guerre civile qui vise à faire tomber le Président du Libéria et à prendre le pouvoir. Un conflit entre tribus sert de prétexte à ce coup d’État. Les partisans du gouvernement, militaires comme civils, sont sauvagement attaqués, pillés, assassinés.
Ce groupe d’enfants semble tout droit sorti d’un mauvais rêve. Outre leur mitraillette, chacun porte un déguisement, tel un trophée. Un petit garçon de dix ans porte des ailes de papillon, ce qui lui vaut son surnom de « Butterfly ». Un autre porte une robe de mariée, dérobée dans une maison. Ils se travestissent, comme s’ils voulaient conserver une part d’enfance, de jeux, d’innocence.
Mais ils tuent aussi. Ils violent. Ils pillent. Pour tenir le coup, drogue, alcool et chansons guerrières scandées à longueur de temps. Ces enfants ne rient pas, ils hurlent. Pour les recruter et leur faire perdre toute humanité, les chefs rebelles les forcent parfois à tuer leurs propres parents, comme le film nous le montre en première scène.
Johnny Mad Dog (incarné par Christopher Minie) est un adolescent en colère, haineux, endoctriné. Il ne sait que tuer et obéir aux ordres. Il est persuadé d’agir pour le bien de son pays, pour la paix. Pendant ce temps, Laokolé (jouée par Daisy Victoria Vandy) tente de fuir les combats avec son père infirme et son petit frère de six ans. Leurs chemins vont se croiser. L’amour et la haine vont se faire face, s’affronter et s’entremêler.
Ce n’est pas la première fois que le thème des enfants soldats est traduit au cinéma. En 2006, « Blood Diamond », le film de Edward Zwick dans lequel jouait Leonardo Di Caprio et Djimon Hounsou, relatait entre autres l’enrôlement des enfants dans la guerre civile au Sierra Leone. Comme toujours, ces enfants sont victimes de guerre hypocrites. Sous couvert de conflits ethniques, l’appât du gain et du pouvoir est le leitmotiv des ces atrocités.
A la fin de la guerre au Libéria, lorsque les rebelles auront remporté la mise, Johnny Mad Dog comprendra qu’on s’est moqué de lui. Les crimes qu’on lui a ordonné de commettre n’ont servi qu’à une poignée d’intéressés.
La violence de ce film réside surtout dans la haine que ces enfants laissent exploser.
Un discours de Martin Luther King, diffusé en fond sonore, nous rappelle la culpabilité de l’Occident dans ces conflits sanglants. Il nous rappelle la misère profonde d’une Afrique qu’on a pillée sans vergogne avant de la laisser pour compte, remplie de frustration, d’injustice et de ressentiment. Les luttes pour le pouvoir, qui déchire la plupart des pays africains, ne sont que la démonstration de cette frustration, engendrée par un système dont l’Afrique a toujours été exclue.
Le fait que « Johnny Mad Dog » raconte ces conflits à travers les enfants, exerce un impact d’autant plus grand sur le spectateur. On se surprend même à penser à notre propre société dans laquelle discrimination et exclusion se côtoient chaque jour. On pense alors à la chanson d’Ab Al Malik, « Soldats de Plomb » où il compare les enfants des cités à des enfants soldats. Ils ruminent leur haine et leur frustration en attendant la revanche. Le message de ce film, c’est qu’aucun enfant ne devrait user d’une arme pour faire entendre sa colère.
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