Entre espoir et doute, les juifs s’intègrent dans Berlin réunifié

Par le 14 novembre 2009

La chute du Mur de Berlin et, plus globalement, l’effondrement du bloc soviétique ont bouleversé la situation des juifs en Europe de l’Est. Et d’abord à Berlin.

Sur les 11 000 juifs que compte aujourd’hui la capitale fédérale allemande, 80 % sont originaires de l’ex-Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). Au côté des États-Unis et d’Israël, l’Allemagne est devenue une terre d’immigration pour les populations juives. En 1990, une loi fédérale a facilité leur arrivée, leur assurant du même coup de meilleures conditions socio-économiques. Et, si vingt ans après, le nouveau Berlin n’a pas retrouvé son quartier juif d’antan, des parcelles de communauté se reforment.

Après la Seconde guerre mondiale, la grande communauté juive de Berlin est dévastée : « En 1945, seul un millier de juifs berlinois ont survécu à l’holocauste » explique Martin Jander, historien au Centre d’étude de la New-York University à Berlin.

Cimetière juif de Berlin

Avant 1933, 160 000 juifs résidaient dans la ville. Ceux qui ont fuit la barbarie nazie n’envisagent plus le retour dans une Allemagne divisée : « Ils ont préféré le rejet de leur origine tant le pays représentait pour eux la souffrance et l’horreur » précise Sigmunt A.Königsberg, représentant de la communauté juive berlinoise. Au début des années 1950, l’antisémitisme, renaissant au sein de l’URSS, amène de nombreux juifs à rejoindre Berlin. Entre 1961 et 1981, le mur les sépare en deux communautés : « En 1989, il n’y avait que 700 juifs en RDA » détaille Martin Jander. « Le gouvernement communiste, critique par rapport à l’Etat d’Israël, se méfiait d’eux, les soupçonnant d’être des espions américains ». A Berlin-Ouest, une population vieillissante de 6 000 personnes y vivait en quasi huis-clos.

9 NOVEMBRE 1989 : LE TEMPS DU RENOUVEAU

À partir de la réunification, des milliers de jeunes juifs arrivent de Saint-Pétersbourg, Kiev ou encore Riga. En doublant la population juive berlinoise, ils lui donnent un second souffle. Leur intégration est facilitée par leur soif d’apprendre la langue germanique. Alors qu’ils s’imprègnent de la culture allemande, leurs ainés peinent à trouver leurs marques : « L’identité des juifs nés avant 1945 est beaucoup plus marquée par le choc de l’holocauste » raconte Martin Jander. « Plus que le problème de langue, c’est l’intégration dans le peuple allemand qui leur est pénible ». La jeune génération entretient encore les traditions juives mais délaisse la pratique religieuse.

Pour M. Jander, les Allemands ont globalement pris conscience de l’impact gravissime du drame de la Shoah dans les années 70. Aujourd’hui, l’antisémitisme ethnique a disparu. Mais le chercheur dénonce l’émergence d’une nouvelle forme d’antisémitisme « déculpabilisant », une perception partagée par Sigmunt A.Königsberg : « Les jeunes Allemands ne veulent plus qu’on leur renvoie constamment la responsabilité de ce qui s’est passé pendant le IIIè Reich ». Une réaction qui peut mener à de nouvelles formes de haine xénophobe.

Les commémorations du 9 novembre accentuent, sans le vouloir, les doutes autour de l’identité juive en Allemagne. En ce jour, les juifs ne sont pas vraiment à la célébration de la chute du Mur. Dans la quiétude des synagogues, le massacre de la nuit du Cristal, perpétré par les nazis le 9 Novembre 1938, garde la primeur du souvenir. Martin Jander rappelle que les autorités n’organisent pas de cérémonie officielle qui entretiennent la mémoire du drame : « Jusqu’à maintenant, l’organisation est laissée aux autorités religieuses juives. Les politiciens n’en parlent pas. Ils préfèrent se focaliser sur la célébration de la chute du Mur ». Les juifs berlinois s’accommodent pourtant de ce malheureux hasard de calendrier, et se souviennent de la chute du Mur comme le début d’un mouvement de renouveau, dont ils n’imaginaient pas le poids avant 1989.

Pour approfondir :

Article de Frank Tétart et Alcidio Martins, Juifs et Allemands d’ex-URSS, des diasporas « russes » en Israël et en Allemagne. Sur le site Cairn.info

Enquête de Virginie Gimbert, Une immigration déqualifiante ? Immigrés juifs soviétiques à Berlin depuis 1989. Sur le site Cairn.info

EHRENFREUND Jacques, Mémoire juive et nationalité allemande. Les juifs berlinois à la Belle Epoque, PUF, Collection Perspectives Germaniques, 2000.

[[Photographie de une : Nouvelle synagogue de la rue Oranienburge située au centre de Berlin datant de la deuxième moitié du 19 ème siècle. Détruite lors de la Nuit du Cristal, elle fut entièrement reconstruite en 1993.

Photographie dans l’article : Cimetière juif de Berlin. Ce lieu de mémoire est situé à l’emplacement de l’ancien cimetière juif. Dans cette même rue, Hambourger Strasse, le premier hospice juif de Berlin de la fin du 19ème. Le bâtiment fut utilisé par les nazis pour regrouper les juifs avant de les envoyer aux camps. En 1943, ce cimetière a été profané par les nazis pour effacer le passé juif. Ces statuts en bronze représentent des adultes et des enfants aux regards vides et sans vie.]]

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à propos de l'auteur

Auteur : Alexis Cuvillier

Après une licence Droit-Science Politique et un master de Science Politique, il me tardait d'intégrer une formation qui m'apprendrait mon métier de demain. C'est chose faite désormais! Loin de mon Pas-de-Calais natal, j'approfondis mes connaissances sur le journalisme. Si la profession me tentait depuis le collège, c'est grâce à un stage à la locale de La Voix du Nord d'Arras que cette orientation s'est muée en évidence. Quand j'ai annoncé à mes amis que j'avais décroché un stage dans une locale, certains étaient un peu perplexes. Ils se demandaient quand même bien pourquoi j'allais passer mon été dans une ville de quarante-mille habitants vidée par l'appel de la mer, à couvrir une actualité pour le moins réduite... Et pourtant, ce stage a été une expérience des plus précieuses pour moi. J'ai compris, au contact des journalistes qui me parrainaient, que je me dirigeais vers un métier de passion, où les journées ne se ressemblaient pas, où chaque reportage était un nouveau départ, une nouvelle rencontre, une nouvelle information à livrer à celui qui vous lira peut-être. J'ai passé un an dans les coulisses de cette locale, couvrant quelques sujets chaque week-end. J'ai eu la chance d'y travailler en continu l'été dernier. Aujourd'hui, il me reste tout à apprendre. Le chemin sera sûrement sinueux. Mais au détour des difficultés, je garderai toujours en tête les sensations de cette première expérience révélatrice, sûr que la voie du journalisme est bien la bonne...