Enfin ! La confrontation sur la question de « l’identité nationale » entre Eric Besson et Marine Le Pen a eu lieu. Et c’est une petite victoire pour la fille du leader frontiste. Il faut se rappeler en effet que le ministre de l’immigration et de l’identité nationale avait annulé sa participation à un débat à Liévin (Pas-de-Calais), prévu initialement le 13 janvier, après avoir appris la venue de Mme Le Pen. Annulation qui avait provoqué les foudres de la numéro deux du FN, dénonçant « une reculade puérile et ridicule » qui témoignait de la « couardise et de la piètre idée de la démocratie » du ministre. (Voir la vidéo). Marine Le Pen tenait donc là sa revanche.
« Un débat lancé comme un thème de campagne »
Sur le fond, la confrontation s’est avérée largement stérile, entre bataille de chiffres approximatifs et attaques personnelles. Eric Besson a tenté de retrouver des accents républicains, qui lui échappaient quelque peu ces derniers temps, face à une Marine Le Pen offensive et fidèle aux positions frontistes. Le ministre de l’identité nationale et de l’immigration continue de se féliciter de la tenue de ce débat, le voyant comme le « signe de la fin d’un monopole que s’est octroyé le FN pendant un certain nombre d’années ». La députée européenne s’en est prit quant à elle à «un débat lancé comme un thème de campagne » qui ne répondait pas aux vraies questions.
Et de reprocher à Eric Besson un manque d’honnêteté quant à l’intitulé du débat. Selon elle, celui-ci aurait dû d’entrée se placer sur la question de l’immigration. L’occasion pour la numéro deux du FN d’appeler, une nouvelle fois, à un « débat sur l’immigration ». « Peut-on continuer à accueillir dans notre pays l’équivalent de la population de la ville de Lille ? » s’est elle interrogée.
Un débat finalement sans vraie conséquence, duquel l’auditoire retiendra sans doute la surprenante conclusion de Mme Le Pen. Surprenante question d’abord : «Combien pèse le fait d’être français ? ». Et réponse à la mesure de la question : « Être français pèse un gramme, le poids d’un bulletin de vote, le seul privilège que les français ont encore ». Pour le reste, la fille du leader frontiste est restée sur les positions tenues pas le Front National sur le débat depuis son lancement, début novembre.
« Une escroquerie électorale »
Déjà invitée de France 2, le 1er novembre, alors que le « grand débat sur l’identité nationale » venait d’être lancé par Eric Besson, Marine Le Pen fustigeait une « escroquerie électoraliste » qui n’avait comme seul but de « ressouder une majorité qui part en lambeaux ». (Voir la vidéo).
Derrière cette admonestation, la numéro deux du FN s’inquiétait surtout d’une opération politique et médiatique de la majorité visant à conserver l’électorat frontiste qui s’était rallié à la candidature de Nicolas Sarkozy en 2007. C’est en substance ce qu’elle déclarait dans une tribune au Monde, du 22 décembre, s’en prenant à un président de la République qui souhaite « retenter le « coup » de la campagne de 2007 : apparaître comme le protecteur de notre pays, de ses valeurs et de son identité face à toutes les agressions ».
Refusant que ce débat ne soit l’apanage du gouvernement, le Front national n’avait pas tardé à réagir en lançant dès le 4 novembre « son » site consacré au « débat » sur l’identité nationale : identitenationale.net. Un espace, peut on lire sur ce site, qui constitue une réponse au gouvernement qui a « fait le choix d’un débat fermé, ficelé, dont les conditions d’organisation dans les sous-préfectures […] ne sont pas à la hauteur de l’enjeu ». Le site n’omet toutefois pas de préciser que ce débat « est essentiel, fondamental, car il conditionne notre vie de tous les jours mais aussi l’existence même de notre Nation ».
Un contexte favorable
Le Front national tentait ainsi de ne pas laisser le débat lui échapper. Sans doute le contexte dans lequel il se déroule depuis le mois de novembre l’a-t-il aidé. Entre la votation suisse sur les minarets, les nombreux dérapages du débat et sa dérive vers des questions liées à l’immigration, le parti frontiste est apparut en capacité de redevenir audible.
A commencer par Jean-Marie Le Pen et sa fille. En réaction à la tribune de Nicolas Sarkozy dans Le Monde, le 9 décembre, la députée européenne se félicitait, sur le site du Front national, « que Nicolas Sarkozy soit obligé sous la pression populaire de reconnaître la validité du référendum suisse et à appeler à une pratique religieuse non ostensible dans la sphère publique ». Et d’ajouter, « C’est là une victoire idéologique du Front National qui a été le premier à se féliciter du vote helvétique ». Et la numéro deux du FN renchérissait sur France 5, le 8 janvier, en estimant que « le débat leur échappe l’UMP] car ils ne l’ont jamais maitrisé » ([voir la vidéo).
Son père, Jean-Marie Le Pen n’a lui non plus pas été en reste. Ainsi ironisait-il, lors de ses vœux à la presse, le 6 janvier, en remerciant le président de la République de lui avoir rendu un fier service en lançant ce débat dans l’espoir de « siphonner » les voix d’extrême droite, comme à la présidentielle de 2007. Pour le leader frontiste, « en lançant en pleine campagne électorale un débat truqué sur l’identité nationale, aux bons soins du ministre socialiste et immigrationniste de l’Immigration, Nicolas Sarkozy a involontairement réveillé les Français ».
« un risque de remontée du Front national »
Autant de prises de positions qui inquiètent, à droite comme à gauche, en vue des élections régionales de mars prochain. Car dans ce contexte, Jean-Marie Le Pen estime son parti en capacité de se maintenir au second tour dans « dix à douze régions« . A droite, François Baroin, député (UMP) de l’Aube et maire de Troyes a été le premier à s’en inquiéter. Dans un entretien au Monde, il évoquait « un risque de remontée du Front national favorisé par la crise, d’une part, et par ce débat qui, au fond, ne peut que le servir ». Dans la même veine, Azouz Begag, ancien ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances dénonçait, dans les colonnes de Sud-ouest, un débat « indigne de la République française » qui va « profiter » au Front National.
Il reste qu’en dépit d’un Front national apparemment de nouveau galvanisé par ce débat, rien n’indique son retour en force sur le plan électoral. Un sondage TNS Sofres/Logica (lire ici) réalisé les 4 et 5 janvier indique que les français sont de plus en plus nombreux à se démarquer des idées frontistes. Seuls 18% des sondés adhéreraient toujours aux thématiques du parti de Jean-Marie Le Pen.
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