Depuis 2006, Mimi Vergne, 93 ans, est en quelque sorte l’âme protectrice du 42 rue Adam de Craponne, à Montpellier. Passionnée de culture, la vénérable dame a choisi de proposer ses 650 m2 d’ entrepôts désaffectés dans le quartier de Plan Cabane, à des artistes et autres acteurs culturels de la région qui occupent cette vaste cour et ces hangars pour un loyer modique. D’année en année un projet associatif à vocation culturelle s’est construit jusqu’à devenir un lieu artistique et alternatif incontournable à Montpellier. Aujourd’hui, La friche de Mimi abrite 132 personnes (une vingtaine seulement est présente dans les locaux). Grâce à leur regroupement géographique et une vocation artistique commune, des associations telles que Bruit qui court, Les têtes de bois ou encore Le garage électrique mutualisent leurs moyens et leurs compétences et bénéficient d’une meilleure lisibilité puisque la friche crée une véritable dynamique collective. La friche de Mimi, avec son dispositif « Coup de pouce », permet chaque année à des artistes de mener à terme un projet en mettant notamment une salle et des équipements à leur disposition. Elle va aussi à la rencontre du public avec le festival « Jours en friche » qui a fêté sa quatrième édition en mai dernier. Il permet de faire découvrir le lieu et met le quartier de Figuerolles, « le meilleur quartier du monde » selon ses habitants, en lumière. Depuis le mois d’octobre, la friche de Mimi propose des soirées mensuelles ‘Frich’up » pour ses adhérents et tous les jeudis à midi, la cantine œnologique, un foodtruck s’installe dans le hangar.
L’avenir de cette association s’annoncerait donc radieux si le bail locatif des entrepôts Vergne n’arrivait pas à échéance en 2018. En effet, l’amour de l’art n’est pas forcément une affaire familiale chez les Vergne et la descendance de Mimi ne semble pas vibrer à la petite musique des mots. Depuis quelques temps de drôles de zèbres en costumes-cravates-attachés-cases viennent régulièrement renifler, soupeser, évaluer cette véritable mine d’or à deux pas de l’Ecusson, plus enclins à sonner le tocsin qu’à frapper les trois coups.
Alors, les membres de la friche cherchent des solutions, luttent, entament des pourparlers avec les élus locaux. Les associations ont exprimé leur volonté de rester soudées. « Chacun dans son coin, tout ça n’a plus de sens« , explique Lili, la coordinatrice du lieu, que nous avons rencontrée lors de la dernière Frich’up . « Tout le monde est très attaché à cet endroit. Le rêve, ce serait des travaux de réhabilitation mais il est peu probable que la mairie accepte. Elle vient d’investir sur l’EAI (ancien site militaire à l’Ouest de Montpellier qui fait l’objet d’un grand plan de rénovation) », poursuit-elle. Chez Mimi, on ne compte pas céder sans combattre et abandonner ce bouillonnant espace de vie créé dans la cour Vergne. Mais la bataille est loin d’être gagnée…
Les friches artistiques ont un rôle prépondérant dans l’évolution et la vie des centres urbains, elles génèrent un développement économique et du lien social. C’est aussi une réponse à une image dévalorisée de certains quartiers qui se dépeuplent et se paupérisent. L’origine des friches remonte aux années 1980. Il s’agit d’une réaction à un mouvement de désindustrialisation d’un lieu, généralement à la proche périphérie du coeur urbain.
Alors la municipalité décidera-t-elle d’accompagner cette initiative culturelle, à l’instar de ses grandes soeurs, comme La friche de la Belle-de-Mai à Marseille ou L’Ufa Fabrik à Berlin ?
Depuis belle lurette les chargements de bois n’entrent plus dans ces lieux, mais si vous vous installez un instant sous la tonnelle après la pluie, fermez les yeux et respirez l’odeur encore vive du vieux bois et de la sciure… Et qui sait, vous aurez peut-être le bonheur de faire un brin de causette avec Mimi Vergne.