L’oreille auréolée de sa fleur de Tiaré qu’elle « ne quitte jamais », Vairea vit à Montpellier depuis trois ans et « s’adapte tous les jours ». Originaire de Fakarava, atoll situé dans l’archipel Tuamotu en Polynésie française, la jeune étudiante assume ses origines : « Dans la foule, je suis la seule à marcher en claquettes, à porter des vêtements de couleurs fluos : on ne peut pas dire que je me fonds dans le décor ! », s’amuse-t-elle. Un « choc culturel » qui, parfois, fait émerger des préjugés : « On m’a déjà demandé si on parlait français en Polynésie et comment j’avais fait pour venir jusqu’en métropole ! » , termine Vairea d’un ton légèrement moqueur.
L’air serein mais déterminée, l’étudiante voulait « sortir de là-bas », voguer vers d’autres horizons. « Dans les îles, il n’y a que de l’eau autour ! », s’exclame-t-elle. Elle pointe également l’attrait intellectuel : « L’offre universitaire est très restreinte en Polynésie. Si on a les moyens et la possibilité de partir étudier ailleurs, il ne faut pas hésiter. » Malheureusement selon elle, certains de ses camarades insulaires « manquent souvent d’ambition ». Des aspirations, Vairea, elle, en a. Elles ont été nécessaires pour braver les difficultés. Celles de l’inscription universitaire à gérer à distance « que de paperasse ! », s’écrit-elle. Puis celles du logement : « Pour trouver un appart’, il faut s’armer de patience : ici, on n’accepte pas les garants Polynésiens. » Malgré le statut de collectivité d’outre-mer de la Polynésie française, « qui n’a pas changé grand-chose » selon l’étudiante, les obstacles administratifs restent un frein même pour le plus motivé des ultramarins.
S’intégrer sans renier ses origines
« L’éloignement, c’est pas tous les jours facile », admet Vairea. Impliquée et fière de ses origines, elle est membre de l’association montpelliéraine AEPF (Association des étudiants de Polynésie française). Au programme : accueil et accompagnement des étudiants, « un soutien moral ». L’association propose pléthore d’activités parfaites pour se regrouper, « les Polynésiens sont très fêtards », confie-t-elle.
Des événements ouverts au-delà du cercle estudiantin dans un but social et culturel. Car peut-être encore plus que les autres DOM-COM (départements et collectivités d’outre-mer), les Polynésiens sont très attachés à leur culture au risque de peu se mélanger avec les autres étudiants ultramarins : « On n’a pas trop de rapport avec les autres outre-mer », admet Vairea, « il est vrai que chacun a ses spécificités et sa culture ». Dès lors, ces interludes sont des moments privilégiés, nécessaires pour palier le mal du pays. Pour autant, l’étudiante ne se contente pas de ces seules réunions. Elle est d’abord heureuse des possibilités qu’offre la métropole sur le plan des relations humaines : « Je rencontre des personnes venant d’horizons différents, c’est toujours très enrichissant. » Enchantée également du potentiel culturel : « Quand on vit dans les îles, on a aussi vite fait le tour des activités alors qu’ici, il y a toujours quelque chose à voir ou à faire », s’enthousiasme-t-elle.
Un mode de vie pour trouver le juste milieu entre s’adapter tout en restant fidèle à sa Polynésie natale. Pas si évident. Parfois, l’intégration passerait, d’après Vairea, par « le phénomène d’acculturation que d’autres Polynésiens s’imposent pour être acceptés ». Dès lors, « certains renieront leur culture, gommeront leur accent et s’intègreront parfaitement à la vie métropolitaine », indique-telle légèrement désabusée.
Ces propos politiques qui freinent l’intégration
Quelques fois aussi, certains propos ne vont pas aider à l’intégration des étudiants ultramarins. Ceux tenus par la députée européenne Nadine Morano résonnent encore. Forcément interloquée, Vairea se dit « fatiguée de ce genre de propos », surtout quand les Polynésiens « sont plus dans la retenue ». Pour l’étudiante, la députée est « une illuminée ! » qui nie totalement l’apport des outre-mer : « La Polynésie, c’est 80 % de la zone maritime française, c’est aussi là-bas qu’il y a le centre d’expérimentations nucléaires du Pacifique (CEP)… ». Pour elle, tenir de tels propos, c’est renier l’histoire de la France : « C’est oublier la conquête impérialiste. C’est aussi omettre que la France est une terre d’accueil, un pays mixte, c’est d’ailleurs ce qui fait la beauté du pays. Moi, j’aime profondément la France ! », clame-t-elle pleine d’engouement. Un discours politique que Vairea juge déséquilibré : « Quand le Président François Hollande se rend en Polynésie, il est accueilli comme un roi, parce que les Polynésiens aiment la France et sont fiers d’être Français. »
Selon Vairea, il y a un autre fossé qui sépare parfois les métropolitains des insulaires, à savoir « la méconnaissance de la politique des outre-mer », même si l’étudiante admet que la Polynésie n’est pas vraiment un modèle de ce côté-là… En France, qui connaît aujourd’hui Edouard Fritch, le Président Polynésien ? « On ne retient au final que l’absence d’impôt sur le revenu, les salaires désindexés, la balance budgétaire déficitaire », conclue-t-elle. Des raccourcis qui biaisent l’image de Tahiti en métropole d’après l’étudiante.
« La distance, les idées reçues, la méconnaissance des outre-mer, ne pas renier d’où l’on vient : les étudiants apprennent à gérer tout ça pour s’intégrer », résume Vairea. En éternelle optimiste, elle admet que la solitude permet de « révéler la gnaque » des ultramarins. De son côté, elle trace sa route et vit à fond son expérience métropolitaine et montpelliéraine. Depuis trois ans qu’elle étudie à Montpellier, on l’appelle toujours « la Tahitienne » et elle en est « fière » ! Elle résume ce voyage en une phrase : « Une contrainte physique et une ouverture philosophique. »
Fa’aitoito i to oe tere ! Soit : « bon courage et bon voyage » en langue Polynésienne.
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