La collecte ne commence qu’à 11h et déjà quelques élèves se tassent en une file disciplinée devant la salle 007 de la faculté de droit de Montpellier. Leur sang, c’est ce qu’ils viennent donner, concernés et solidaires, tous volontaires.
Mais avant d’offrir environ 500ml de leur hémoglobine, il leur faut noircir quelques cases du « fameux » questionnaire bien connu du cercle fermé des « donneurs de sang ». Quelques-uns soufflent devant la longue liste de questions, d’autres rient, un se doit d’abandonner faute d’une « gastro-entérite avec fièvre récente », certains bons élèves ne se trouvent en aucunes situations rédhibitoires et accèdent ainsi à l’étape supérieure. Car, donner son sang n’est pas donné à tout le monde et, la liste des restrictions s’alourdit, souvent perçue comme discriminatoire.
L’autre jour, Sébastien, 24 ans, étudiant, s’est vu refuser son don. La raison ? Son homosexualité.
« Une population plus potentiellement à risques »
Et pour cause, la législation veut que depuis 1983 les homosexuels de sexe masculin soient contraints de ne pas donner leur sang. Déjà cet été, la polémique avait fait mouche lorsqu’un député PS, Olivier Véran, avait remis à Marisol Touraine, ministre de la Santé, un rapport préconisant l’abolition de cette mesure. Promesse tenue par François Hollande lors de sa campagne présidentielle, qui demeure à ce jour sans évolution. Le sujet est épineux et, lorsqu’on interroge un chauffeur de collecte de l’EFS (Établissement Français du Sang) sur le sujet, ce dernier répond ne pas « pouvoir » donner son avis car on lui a expressément « demandé de ne pas répondre ». Le terrain est visiblement trop glissant pour s’y aventurer…Ce que confirme, Hadjer, 23 ans, donneuse régulière et étudiante en Master de droit et gestion de la santé, qui assure que « la problématique est bien plus profonde que ça », pour elle, il s’agit de ne pas «cataloguer les homosexuels » mais plutôt de prendre en considération que c’est « une population plus potentiellement à risques ».
Plus potentiellement à risques ? Pour Elodie Brun, coordinatrice à la LGBT du Languedoc-Roussillon, l’amalgame est justement trop facilement fait. Selon elle, les homosexuels « ont tendance à plus se protéger » de par leur sexualité « plus assumée », que leurs congénères hétéros. Pour cette dernière, le fond du problème n’est pas l’orientation sexuelle mais bel et bien les prises de risques, qu’elles soient hétéros ou homos. Assurant que le questionnaire est trop « restrictif » qui ne sert qu’à « rajouter une discrimination dans la solidarité ».
C’est ce même questionnaire qui a poussé Franck, 22 ans et étudiant en psychologie a mentir sur son orientation sexuelle devant une « stigmatisation » qu’il juge « incompréhensible ». La revendication d’Elodie est simple « on demande juste un changement dans le questionnaire, pas d’être rejeté en fonction d’une appartenance sexuelle alors qu’on fait preuve de solidarité ».
Sur les 7 000 étudiants de l’université de droit, moins d’une petite centaine s’est déplacée en deux jours, le ratio est plutôt maigre. Les appels au don sont réguliers et l’EFS ne cesse de rappeler que les besoins sont constants. On dénombre environ 25 000 donneurs exclus par leur orientation sexuelle, si une révision de la loi avait effectivement lieu, ce serait toujours environ 25 000 donneurs de plus. Qu’ils soient homosexuels ou non.
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