Serait-on à l’aube d’un changement de paradigme ? Minoritaire jusqu’à aujourd’hui, la tentation d’un passage à des contenus payants pour les versions on-line des titres de presse se confirme. Le très respecté New-York Times a fait l’annonce, mercredi 20 Janvier, du retour à des contenus payants, deux ans après avoir renoncé à cette formule testée par le journal entre 2005 et 2007. Ce revirement stratégique de l’institution new-yorkaise s’inscrit dans un mouvement de fond amorcé par d’autres titres à travers la toile. Outre la presse économique qui, à l’image du Financial Times ou du Wall Street Journal, s’était déjà engagée sur la voie de contenus payants, le Standard Times (NewsCorp) a lui aussi basculé et devrait être suivi par d’autres sous l’impulsion d’un Rupert Murdoch convaincu de tenir la formule magique. En France, Le Figaro et l’Express devraient suivre le chemin de Liberation qui était passé à l’automne à une formule payante.
Modèle mixte
Le modèle qui semble tenir la corde actuellement est une formule hybride, savant mélange de gratuit et de payant. Mais celui-ci se cherche encore et les formules proposées en sont toujours au stade de la « version beta ». Des sous modèles parfaitement antagonistes s’affrontent. Alors que certains sites sont payants dès leur entrée (Washington Post, Mediapart), d’autres, comme Le Monde, ont choisi de laisser leur contenu accessible gratuitement et proposent des versions premiums avec tous types de prestations supplémentaires (exclusivités, archives, dossiers…). D’autres enfin ne restreignent l’accès à leurs contenus qu’à partir d’un certain nombre de connexions. Cette dernière version du modèle mixte rassemble aujourd’hui la majorité des acteurs du secteur et sera celle du New York Times à partir de l’année prochaine.
Incertitudes et espoir
L’année prochaine… Le moins que l’on puisse dire est que tous n’ont pas la détermination d’un Rupert Murdoch, qui clamait ce week-end haut et fort qu’il préférait « moins de lecteurs, mais qui paient » et qui a confirmé son intention de retirer ses articles payants du référencement des moteurs de recherche. Le New York Times, donc, qui renvoie le passage au payant à un vague « début 2011 », mais aussi, en France, l’Express et le Figaro qui ont repoussé de quelques mois leur mue annoncée.
Ces tâtonnements trahissent les doutes et les réticences des titres de presse à renoncer au principe de gratuité, et surtout à la manne publicitaire qui l’accompagne. La préférence actuelle pour un modèle (gratuit d’abord, payant ensuite) qui permettrait de continuer à jouir d’un référencement, et donc d’une audience, génératrice de revenus publicitaires traduit bien ces préoccupations. Le pari de la presse payante en ligne est donc loin d’être gagné.
Reste que si le New York Times peut se permettre un tel pari, beaucoup d’autres auront du mal à le suivre. Avec ses 16,8 millions de visiteurs uniques, le quotidien new-yorkais aux 101 prix Pulitzer est déjà presque assuré de trouver son public pour une offre Internet payante. La perte substantielle de revenus publicitaires liée au passage à une version payante risquerait par contre de devenir ingérable pour la majorité des autres titres de presse occidentaux.
Le débat reste donc ouvert, et l’heure est plus que jamais à l’attentisme, alors que l’arrivée imminente des tablettes portables pourrait encore venir changer la donne et ouvrir des perspectives insoupçonnées à la presse numérique.
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