Dans la nuit montpelliéraine du jeudi 20 Novembre, le local de la fédération héraultaise ne paye pas de mine. Rien ne différencie plus le 907 avenue Saint-Maur de ses congénères nocturnes sinon la timide rose qu’il arbore sur ses murs délavés et le soupçon de vie que l’on y devine derrière la porte entrouverte. Comme une invitation à la participation citoyenne en cette première veillée électorale, le portail blanc s’ouvre mollement sur une grande cour que l’obscurité et quelques moustiques s’affairent à occuper. Là encore, seule la lumière que laisse échapper l’unique porte trahit un semblant d’activité humaine. On imagine aisément les débats passionnés, les salves de hargne socialiste qui ont dû s’y échanger dans cette longue et ultime journée précédant l’instant fatidique qu’est, semble-t-il, l’élection du nouveau secrétaire du parti socialiste, LE parti de l’opposition. Mais à 21h30 il n’en est rien, ou presque. Là, cachée dans la pénombre, une voix au timbre masculin bien assuré interpelle le journaliste égaré : « si vous cherchez le parti socialiste, c’est ici ». Nous voilà rassurés. Que tous les politologues et autres experts qui s’épuisaient à dénicher dans les rangs de Jaurès et de Blum une dernière trace cohérente de vie abandonnent leur quête désormais vaine. Car deux apprentis journalistes, même pas encartés, l’ont trouvée. « Le parti socialiste c’est ici » et nulle part ailleurs. Au croisement de la rue de la Pépinière et du boulevard Ernest Renand, dans le quartier des Aubes, Montpellier, 34000.
Justement ce jeudi soir là, le parti socialiste est en ébullition. Alors que s’entassent cannettes et cadavres de boîte à pizza sur un bureau déserté de tous, une quarantaine de personnes que la notion de « nouvelle génération socialiste » promue par Ségolène Royal exclurait sans doute se partagent autour d’urnes électorales au plastique mutilé. Parmi elles, une tablée attire la majorité des regards. Et pour cause, l’on y décompte le vote « national » des encartés socialistes de la fédération héraultaise dans un calme monastique. «Ségolène une fois, Ségolène à nouveau, Ségolène, encore. Ah, Benoît Hamon. » Parfois, comme un rappel, un timide « Martine Aubry » sort des urnes et s’étend sur la pile de bulletins dépliés. Une voix s’exclame, «faudrait savoir, on dit un Ségolène ou un Royal quand on dit un Aubry ?». Sans s’attarder plus longuement sur la question, le cirque prend note et reprend sa litanie où se suivent cette fois les « Ségolène Royal » et un peu moins souvent les noms de ses adversaires. A quelques mètres de là, plus discrète sans être moins importante, de l’autre table proviennent des Robert Navarro, des Michel Guibal, ces noms que connaissent bien les sympathisants socialistes de Montpellier. De ce côté le combat est semble-t-il plus équilibré. Contre toute attente le secrétaire de la fédération Robert Navarro a lutté pour arracher la majorité et être finalement reconduit avec 58% des voix. « Un écart de 16% avec seulement 700 voix d’écarts ça me paraît un peu énorme » commentait son challenger du soir Michel Guibal au micro de Montpellier Journal alors que les médias investissaient les locaux. A ses côtés, le conseiller général Robert Vézinhet s’adonne à une pratique depuis en vogue dans les rangs socialistes, le recomptage des voix : « je vérifie si cet écart est bien celui des chiffres, de toutes façons Robert Navarro devrait tirer une leçon de ce scrutin : c’est une sacrée mise en garde contre le fonctionnement d’un parti qui ne fonctionne pas ». Preuve en est, alors que Robert Navarro et la maire Hélène Mandroux soutiennent farouchement la motion présentée par Ségolène Royal, le tandem Guibal/Vézinhet prévoyait une nette victoire au second tour de Martine Aubry grâce au ralliement « assuré » des pro-Hamon. Tout le monde se connaît, tout le monde se toise au sein de la pièce désormais remplie, toutefois le débat reste tu.
Ségolèniste convaincue, Fanny Dombre Coste, secrétaire réélue de la quatrième section héraultaise, confirme cette ambiance typiquement socialiste: « Au moment des congrès il y a toujours des mouvements de fonds, comme des plaques tectoniques qui bougent. C’est important que tout le monde puisse s’exprimer ; il y a des influences, des affrontements, mais tous les courants se sont exprimés en toute liberté, dans la transparence et dans le respect de la démocratie. » Elle-même confie qu’au sein de sa section« ça n’a pas été facile, on a eu deux autres candidats, l’un soutenant Benoît Hamon (Ndlr : Serge Martin) sans souci, l’autre menant une campagne beaucoup plus agressive ». Parmi toutes ces voix dissonantes, celle plus timorée d’un militant nommé Rémi Roustan hésite à se faire entendre. Pendant qu’il contrôle les allées et venues vers la table où s’assiéront les cadres du PS héraultais pour un ultime relevé électoral, Rémi Roustan se remémore « Au parti il y a toujours eu des courants. A l’époque c’étaient les mitterrandistes et les chevènementistes, aujourd’hui c’est Royal et Aubry… quoi de plus normal! » Comme pour se justifier il ajoute pudiquement « jusqu’à aujourd’hui on n’a pas trouvé mieux pour faire vivre la démocratie. » Nous sachant sur le départ le petit neveu de Marius Roustan, ministre de l’Éducation nationale durant l’entre deux guerres, conclut avec une petite phrase bien à lui, empreinte de modestie : « moi je suis parti de rien, je suis arrivé à rien, mais j’y suis arrivé tout seul ». Vu de loin comme de près, de l’Hérault ou de Paris, le PS moderne lui ressemble beaucoup : un parti de masse qui, pour l’instant, n’arrive pas à grand-chose.
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