Un mois et demi après leur lancement par le gouvernement et à mi-étape des travaux, les premières conclusions de ces États Généraux et plusieurs contributions sont révélées. Dans cette période de crise, les patrons de presse semblent faire preuve d’une vraie volonté de trouver des solutions à leur niveau. Ce congrès a pour titre « La Presse à l’Offensive ».
Le premier jour, mercredi 19 novembre, une séance publique est organisée pour entendre les doléances des lecteurs qui souhaitent donner leur avis. À cette occasion, les présidents de deux des quatre pôles de réflexion des États Généraux ont pu présenter les premiers résultats des concertations menées et répondre aux questions de la salle (les problématiques des autres pôles des États Généraux seront présentées lors d’une autre journée de débat public le 1er décembre). Les lycéens de la région Rhône Alpes ont aussi participé aux travaux lors d’une séance de travail autour des thèmes de contenus, d’accessibilité et de presse à l’école. Leur message est simple : « Faites nous des journaux qui nous apportent ce que nous attendons d’eux ». Au même moment se déroulent plusieurs ateliers de réflexions autour des différents aspects du métier d’éditeur de presse animé par les différents sponsors du Congrès.
Les préoccupations de tous sont bien sur à propos de la crise qui touche actuellement la presse dans notre pays. De l’avis général, c’est grandement du coté de l’arrivée des technologies numériques et de l’inadaptation du modèle économique actuel qu’il faut chercher les responsables. Alors que les chiffres des ventes de journaux continuent à diminuer et que le lectorat migre petit à petit vers le Web, les entreprises de presse doit trouver un moyen de survivre alors que, comme le fait remarquer Bruno Patino, président du groupe de travail sur l’internet aux Etats Généraux et patron de France Culture, un lecteur en ligne rapporte dix fois moins qu’un lecteur papier.
« Une mutation sans précédent »
A l’issue de ces 3 jours de débats, le président de la Fédération nationale de la presse française Alain Metternich a présenté ses doléances et propositions à la Ministre de la culture et de la communication, invitée d’honneur du Congrès. Même si les avis recueillis lors du congrès divergent parfois, il a précisé parler au nom des syndicats de la presse quotidienne nationale, de la presse quotidienne régionale, de la presse professionnelle, de la presse spécialisée et de la presse périodique régionale. Tous se mettent d’accord sur la nécessité d’un changement du modèle économique des entreprises de presse tout en se battant pour garder à l’esprit la qualité éditoriale globale. L’arrivée du numérique est certes une « mutation sans précédent » selon lui mais pour autant il faut se battre pour continuer à offrir aux lecteurs une information de qualité mais surtout « accessible sur tous les supports d’information ». Alain Metternich indique aussi que les autres menaces qui pèsent sur la presse actuellement sont l’augmentation continue des coûts couplés à une baisse accélérée des recettes publicitaires.
Dans le cadre des États Généraux nationaux, le président de la Fédération tient à préciser qu’il pense que c’est une bonne initiative de la part du gouvernement qui intervient au bon moment. Dans son discours de clôture, il fait part au nom de l’ensemble des Éditeurs de certaines propositions qu’il souhaiterait voir étudiées dans ce cadre. Par exemple, il souligne que « toutes ces entreprises partagent le point de vue exprimé par le Président de la République sur l’absolue nécessité de réduire les coûts de production, en conduisant une restructuration industrielle de grande ampleur ». Metternich soutient également l’idée d’un re-fondement des aides pour la presse afin d’accompagner les entreprises de presse dans leur ouverture au multimédia et d’une ré-appréciation des taxes auxquelles sont assujettis les sites internet d’information. En effet, dans ce qu’il appelle une « discrimination fiscale », alors que la presse écrite bénéficie d’un régime spécifique avec un TVA au taux super réduit de 2,1%, les sites internet d’information qui proposent les mêmes contenus sont eux assujettis au taux classique de 15,6%. Il demande à ce que la presse dans son ensemble bénéficie d’un régime fiscal uniforme.
Le casse-tête des droits d’auteurs
Alors que ces réformes mettent la majorité d’accord dans le secteur, c’est une dernière proposition qui provoque à elle seule beaucoup de réactions. C’est du coté des journalistes, grands absents de ce congrès, que la colère gronde quand Alain Metternich demande au gouvernement de réformer le régime applicable à la presse écrite. Pour lui, les journalistes devraient contribuer « de plein droit » à tous les supports d’un même titre dans le cadre d’une collaboration multi-support. De la même manière, il souhaite que la clause de conscience qui peut permettre à un journaliste de quitter son journal lors d’un changement notable dans son caractère ou son orientation soit mieux respectée.
En réaction à ces doléances de la Fédération de la presse française, le Syndicat national des journalistes CGT notamment a indiqué dès le lendemain que cette demande de réforme des droits d’auteurs est une agression, « une insulte au travailleur intellectuel qu’est le journaliste ». Après les représentants de Médiapart en octobre, le SNJ-CGT quittera les débats des États Généraux le 28 novembre en disant que « Force est de constater que les journalistes ne sont pas entendus et que toutes les préconisations qui s’annoncent vont uniquement favoriser les intérêts des éditeurs, et se traduiront concrètement par une casse du statut des journalistes et un amoindrissement notable de droits qui leur sont nécessaires pour mener à bien leur travail d’informateurs »[[http://www.journalisme.com/content/view/747/88/]]. La plupart des journalistes ne semblent effectivement pas dupes de tous ces débats qui se mènent entre les directions des entreprises de presse et où ils ne semblent pas avoir la place de donner leur avis. À Lyon, Clément, 23 ans et étudiant en communication, est venu assisté aux ateliers de réflexion par curiosité. Pour lui, « il est quand même dommage que les débats sur l’avenir de la presse se tiennent sans la présence des journalistes ».
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