Lucas a 22 ans. Depuis trois ans, il écrit des chansons pour son groupe Fabula Narratur. Dans ses textes, chaque jeu de mots, chaque rime a un sens. Il aime prendre le temps de bien les choisir. Les cheveux courts, propre sur lui – mais les oreilles percées – il s’exprime calmement d’une voix douce. Son sourire, son regard malicieux et son optimisme, invitent son interlocuteur à l’écouter et à l’apprécier. Dans son groupe de musique, sa participation ne se limite pas à l’écriture : il chante aussi et joue de la guitare. Et même si les rôles ne sont pas fixes dans le trio, c’est lui qui écrit 80 % des textes. « C’est ce qui me passionne le plus », dit-il le sourire aux lèvres. Il n’écrit pas un seul texte de la même façon. Certaines chansons sont écrites d’un jet : « lorsque j’en ai gros sur le cœur, je me pose et j’écris ». Mais le plus souvent, Lucas choisi d’abord un titre : une expression ou une citation qui sonne bien à son oreille. Puis, indique-t-il, « je réfléchis à des formules qui y font référence et l’écriture avance petit à petit. Par exemple, pour la chanson ‘‘Tant qu’il est encore temps’’, je me suis inspiré d’un tag : ‘‘nique le système tant qu’il est encore temps’’ vu sur un mur, près de la gare d’Oullins. Mais j’ai préféré garder qu’une partie » dit-il en riant. Une fois le titre choisi, il a fouillé le champ lexical du « temps » et a sélectionné ses mots. Ce titre lui plait particulièrement parce qu’il peut être compris à des degrés différents. « J’aime faire des textes avec deux niveaux de lecture. Ils sont compréhensibles et sympas au premier degré mais ils prennent un tout autre sens au second degré ».
« Chaque chanson a un style qui lui est propre »
Son style est emprunté à des univers très variés. Les influences peuvent aller, pour certaines chansons, des textes du groupe Kyo – « mais pas la musique » insiste-t-il vivement, au rythmes du jazz manouche, pour d’autres titres. Il s’inspire beaucoup de Benoit Dorémus, Debout sur le zinc, Aldebert, Noir Désir mais aussi Brel, Brassens, Barbara. La plupart du temps, le ton est humoristique. Le style varie d’un titre à l’autre. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de ces paroles bien acerbes pour un jeune garçon au style vestimentaire très classique.
Un groupe en plein développement
Il porte le groupe depuis sa création en 2009. Alors qu’il ne sait pas jouer de la guitare et n’a aucune expérience, il décide avec deux copains de lycée, Florian et Bertrand, de créer un groupe. Sans vraiment savoir quelle direction ils vont prendre, ils se réunissent au soir du 6 août et écrivent leur première chanson. « On la joue encore en concert d’ailleurs. » Bertrand compose la musique une fois que les textes sont prêts. Adeline est arrivée deux ans plus tard, juste avant que Florian ne parte. Les choses se sont accélérées à la sortie de leur premier album « Le sens de la formule » en décembre 2011. Deux jours après le dernier concert réunissant les quatre membres du groupe, ils ont gagné le prix du jury au tremplin découverte d’ « A thou bout d’chant » (association culturelle de la région Rhône-Alpes). « Ça a été pour nous la première reconnaissance professionnelle » indique fièrement Lucas. « Après ça, on a fait plein de concerts dans des bars et des salles de Lyon et Sainté, comme Le Fil, par exemple. » Grâce à ce prix, ils ont pu enregistrer en studio trois titres du deuxième album « Quelque chose à propos de vous ». Les treize autres chansons qui y figurent ont été enregistrées en quatre jours dans une maison perdue aux fins fonds de la Loire avec le matériel d’un ami, Hugo Benin, fils du chanteur Morice Benin.
« Je ne ferai pas ça toute ma vie »
Destinée à n’être qu’un loisir, c’est devenu une activité « presque professionnelle ». « Quand on a commencé, je ne m’imaginais pas du tout faire ça. Même après le premier concert, je ne réalisais pas vraiment. » Encore aujourd’hui, il dit seulement profiter de ses jeunes années. Pourtant, à l’entendre parler du futur de « Fabula », les choses semblent bien parties pour durer. Le futur du groupe est assez incertain mais les projets sont là. Grâce à ses études, une licence professionnelle en communication et commercialisation de produits culturels option « industrie du disque/spectacle vivant », il est prêt à se lancer. « Maintenant, affirme-t-il, je sais comment ça fonctionne. J’ai moins peur. Je me suis rendu compte que c’est possible de rentrer dans ce milieu. En fait, il existe tout un écosystème, ça n’est pas juste fait pour les quelques artistes qu’on entend à la radio. » Plus que motivé, il se consacrera entièrement à son activité musicale l’année prochaine. Mais il sait que pour avancer, le groupe doit se confronter à des avis professionnels et rendre sa musique plus « commercialisable », même s’il déteste ce mot. « Il nous faut rentrer dans la norme de qualité de ce qu’on entend à la radio et ce qui se fait. Mais sans basculer bien sûr vers ce que font les Christophe Maé et autres Grégoire ! » Peut être réussira-t-il à laisser une trace, laisser son nom quelque part pour ne pas qu’on l’efface après le grand départ, comme il l’espère dans « Conjecture », un des textes qu’il préfère.
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