Haut Courant : Comment l’idée de Clandestinopolis a t-elle germé dans votre esprit?
Mustapha Benfodil : En 2005, j’ai participé à une résidence d’écriture à Anvers. Tout d’abord, je prenais le tramway tous les jours et j’imaginais les destins croisés des passagers qui s’y trouvaient. Puis, un jour, j’ai visité un camp de rétention de clandestins dans la banlieue d’Anvers. Ces éléments combinés ont donné naissance à Clandestinopolis : l’histoire de destins croisés au beau milieu d’un tramway, où chacun songe à sa propre existence.
Haut Courant : Clandestinopolis, c’est l’ultime voyage d’un père désespéré par le suicide de sa propre fille et rongé par le poids de ses erreurs. Pourtant, vous n’avez pas écrit une tragédie. Pourquoi?
Mustapha Benfodil : Cette pièce est un triangle entre un père, sa fille et son amant sans papiers. Le sujet est grave puisque l’on aborde le racisme, l’intolérance et la mort. Je ne voulais pas accentuer le pathos, mais le conjurer en empruntant un ton à la fois décalé et poétique.
Haut Courant : Qu’entendez vous par là?
Mustapha Benfodil : Je veux dire que l’intérêt du dramaturge, c’est l’entreprise de sublimation du réel. Il y a une féerie particulière dans la pièce, parce que la poésie est le carburant du théâtre et qu’elle permet de prendre du recul par rapport à l’existence. Dans Clandestinopolis, la Mort prend l’apparence d’un top model par exemple. En fait, je suis tiraillé entre le scato et l’eschatologique, alors j’écris une « pop littérature » dans laquelle le langage se veut moderne et plus frais. Plus jeune, je rêvais d’astrophysique, mais je me suis tourné vers l’écriture. Néanmoins, j’ai toujours eu la tête dans les étoiles.
Haut Courant : Qu’attendez vous de la mise en scène de votre pièce par des étudiants?
Mustapha Benfodil : Il y a plusieurs niveaux de lecture dans Clandestinopolis, ce qui permet d’envisager la pièce sous un angle inédit à chaque représentation. Entre Camille Daloz (ndlr : le metteur en scène) et moi, c’est un véritable dialogue, ce sont deux langages qui s’entendent. Il m’a interdit d’assister à la générale, mais je lui fais confiance. J’aime être surpris par une nouvelle approche, une nouvelle sensibilité.
Haut Courant : Quels sont vos projets au théâtre?
Mustapha Benfodil : J’ai écrit un nouveau texte lors d’une résidence d’écriture intitulée Moutawassat (ndlr: littéralement Méditerranée). C’est une pièce qui traite des harragas, ces migrants d’Afrique qui brûlent leurs papiers et prennent la mer sur des embarcations de fortune pour rejoindre les côtes du vieux continent. Je la présenterai ainsi en Novembre au théâtre de La Friche, à Marseille.
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