Ne tirez-pas sur les taxis !

Par le 17 janvier 2013

Mobilisés à l’appel de l’intersyndicale des taxis, 400 véhicules ont investi le boulevard Gambetta, face à la Caisse primaire d’Assurance Maladie, ce jeudi. Le motif, protester contre l’adoption de la loi sur le financement de la Sécurité ociale concernant les transports médicaux. Après une journée de blocage, les manifestants ont finalement obtenu gain de cause. Une victoire pour la profession et pour le droit des patients

Boulevard Gambetta ce jeudi midi. Occupant la route ainsi que les voies de tramway, près de 400 voitures à l’arrêt, bloquent le trafic. Sous ce beau soleil de janvier, on pourrait presque se croire sur la route des sports d’hiver avec ses traditionnels bouchons. Entre les véhicules, des petits groupes d’hommes et de femmes discutent. Certains cassent la croûte au volant, d’autres fument tranquillement leur cigarette. Pourtant, derrière cette apparente légèreté, la colère gronde. Ces véhicules sont ceux des artisans-taxis. Ils sont venus de toute la région, à l’appel de leurs syndicats, pour manifester contre l’adoption de l’article 44 de la loi sur le financement de la sécurité sociale. Cette loi, votée en toute discrétion le 12 décembre dernier, prévoit de soumettre à un appel d’offre le transport médical entre le domicile des malades et leur centre de soin. L’objectif : diminuer les dépenses de la sécurité sociale en favorisant un transport médical collectif, autrement dit des tournées d’autobus. La dénonciation de la concurrence des taxi-motos et des véhicules de tourisme avec chauffeur, très forte à Paris, n’a été que faiblement relayée dans l’Hérault.
Pour les artisans taxis conventionnés, cet article résonne comme une condamnation à mort : « Nous n’avons aucune chance de remporter les appels d’offre lancés par la sécu et les hôpitaux. Nous sommes des artisans, les grands groupes comme Kéolis et Véolia vont casser les prix, nous n’aurons aucune chance de nous aligner », « les transports médicaux représentent entre 85 et 100% de nos chiffres d’affaires, et 2% du budget de la Sécu » expliquent Jackie et Nanou toutes deux taxis depuis 20 ans. Pour Jennifer « les médias parlent de Virgin mais là, c’est un plan social avec 30 000 licenciements à la clé que l’on vient de voter ! »
L’ensemble de ces professionnels, viennent avant tout défendre la survie de leur entreprise, mais beaucoup s’indignent également du préjudice pour les malades. Avec ce nouveau système, les temps de déplacements se verront allongés. Attente avant le départ du bus, arrêts multiples sur la tournée, cette mesure risque bien d’amplifier le phénomène de désertification médicale. Marie évoque, quant à elle, une loi qui : « tire sur les taxis ! Les malades je ne les largue pas devant l’entrée, je les accompagne, je remplie les papiers. Sur le trajet ils ont besoin de parler, de se confier. Je doute que Véolia en fasse autant». Pour Patricia qui effectue essentiellement du transport médical le problème est plutôt sanitaire « faire prendre des transports en commun à des personnes qui sortent de chimio et dont les défenses immunitaires sont à plat c’est complètement irresponsable ! »
Contactée par la rédaction, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie mal à l’aise préfère esquiver le dialogue : « tout le monde est très occupé, revenez demain ».
Des deux côtés, on attend les conclusions des négociations en cours avec les cabinets de M. Manuel VALLS, ministre de l’Intérieur, de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé et de Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
Fin d’après-midi, les résultats tombent dans la liesse générale, le décret portant sur l’article 44 est gelé. Pour la Fédération française des taxis de province c’est la victoire : « Nous avons eu la confirmation que les grands groupes de transport n’entreraient pas dans la concurrence, on ne parle plus d’appels d’offre ! ». Une prochaine réunion de concertation est fixée au 30 Janvier. Elle visera à peaufiner une nouvelle convention entre les taxis et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie.

Catégorie(s) :

Vous avez aimé cet article ? Partagez-le !

à propos de l'auteur

Auteur : Lucie Lecherbonnier

Après quatre années passées a sillonner l'Algérie dans le cadre d'une thèse en ethnologie, je reviens avec plaisir sur le terrain français pour satisfaire à ma première passion le journalisme. Caennaise d'origine, je fais mes premières armes à Ouest France où je couvre pendant deux ans une grande partie des manifestations musicales de la ville. Débarquée à Montpellier il y a 8 ans, je découvre la vie de quartier grâce à la fonction de correspondante locale pour Midi Libre où je reste une année avant de m'investir totalement dans la recherche ethnologique. Attentive au proche comme au lointain, ma curiosité me pousse à m'intéresser à tout et à tous avec un intêret cependant plus prononcé pour les questions sociales. Journaliste ou ethnologue? Deux professions certes distinctes mais qui convergent vers un même objectif: la compréhension des autres et de la société et la volonté de restituer une information la plus honnête possible.