Les électeurs ont répondu à l’appel des urnes, ils étaient 89,86 % à voter pour l’élection présidentielle. Un taux de participation très élevé qui s’explique par le fait que le droit de vote en Uruguay est un devoir : les électeurs ont l’obligation d’aller voter. Les abstentionnistes quant à eux encourent une amende d’environ 20 $.
Pour prendre la succession du président sortant, Tabaré Vázquez, premier chef d’État de gauche de l’histoire de l’Uruguay, trois principaux candidats s’affrontaient : l’ex-président Luis Alberto Lacalle, représentant du Parti National (parti conservateur) ; Pedro Bordaberry, candidat du parti Colorado, centre-droit ; et enfin José Mujica l’ex-guérillero, candidat du Frente Amplio (le front élargi), la gauche au pouvoir, mieux connu sous le pseudonyme d’ « El Pepe ».
Mujica était en tête dans les sondages avec 45% des intentions de vote. D’après le décompte final de la Cour électorale, il obtient 47,49% des suffrages. Ce score permet à la gauche de conserver sa majorité au Sénat (16 sièges sur 30), voire à l’Assemblée nationale, où elle est assurée d’obtenir 49 sièges sur 99. Luis Alberto Lacalle a quant à lui, réuni 28,53% des votes et sera donc son adversaire au second tour prévu le 29 novembre. Quant au candidat du parti du Colorado, il a réunit 16,66% des voix, et a confirmé soutenir Lacalle. Le duel n’est donc pas gagné d’avance pour l’ancien ministre de l’agriculture de Tabaré depuis 2005.
De plus, les électeurs ont également rejeté les deux réformes constitutionnelles qui leur étaient proposées par référendum. La première portait sur l’abolition d’une loi, datant de 1986, qui oblige les juges à consulter l’exécutif afin de poursuivre les militaires et les policiers responsables de violations des droits de l’homme pendant la dictature (1973-1985). La seconde visait à autoriser le vote des Uruguayens résidant à l’étranger, soit quelques 600 000 citoyens. L’ancien guérillero s’est aussi montré surpris par le maintien de la loi d’amnistie de crimes de la dictature. Il y voit une «décision mystérieuse» des électeurs mais avoue que le moment n’était peut-être pas idéal, les référendums ayant été «occultés par les disputes entre les partis».
D’origine paysanne, José Mujica a fait partie de la guérilla des Tupamaros, mouvement de guérilla luttant contre la dictature militaire en Uruguay des années 80. A la fin des années 90, il devient président du Congrès uruguayen, député, puis sénateur en 1999. Sa carrière politique est à l’image du personnage, atypique. Sans aucune formation universitaire, il se veut être un homme du peuple et de la terre. Il a un discours imagé, haut en couleur, et un franc-parler qui séduit les classes les plus modestes.
Mujica se décrit comme un socialiste modéré, dans la lignée du président sortant ou du président brésilien Lula da Silva. Il a pris ses distances avec le président vénézuelien Hugo Chavéz jugeant ses positions trop radicales. Son objectif ? Rassembler et convaincre un électorat conservateur et centriste. Car le triomphe est provisoire et la victoire en demi-teinte. En 1999, l’alliance des partis de droite avait ôté la victoire au Frente Amplio, bien que vainqueur du premier tour. Les journaux pourtant dithyrambiques au sujet de la victoire d’ « El Pepe » nuancent maintenant leurs propos. Le quotidien El Observador estime «très ouverte» l’issue du prochain duel pour la présidence. Son confrère La Republica affirme néanmoins que «Mujica sera président en novembre». En réponse à ce score «décevant», Mujica a reconnu : «la société nous exige un effort supplémentaire : participer à un second tour».
Sa force pour gagner le deuxième tour repose essentiellement sur l’appui sans faille de l’ancien président qui jouit d’une côte de popularité de plus de 60%. Les gaffes verbales de son adversaire Lacalle peuvent également jouer en sa faveur. En effet, ce dernier est vu comme l’instaurateur de mesures libérales dans les années 1990 par nombre d’électeurs, et il ne lésine pas sur l’utilisation d’un vocabulaire emporté et imagé, encore plus fort que Sarkozy et son célèbre nettoyage des banlieues au Karcher, il s’est attaqué pour sa part aux dépenses publiques qu’il veut « couper à la tronçonneuse ».
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