Des petits seins et un gros ventre. Une plastique rarement représentée, encore moins revendiquée. C’est pourtant ce dont se vante Princess Nokia sur « Tomboy », le premier single de son projet 1992 sorti en septembre dernier. Plus de deux ans après sa mixtape Metallic Butterfly, la jeune new-yorkaise d’origine portoricaine revient avec un album plus consistant et qui prend pour titre son année de naissance.
Tout débute par un regard dans le rétroviseur sur le titre « Bart Simpson ». Un morceau introductif à la fois ode au New-York des années 90 et récit d’une adolescence aussi studieuse que celle du personnage à la peau jaune et au tee-shirt rouge. À 16 ans déjà, la jeune Destiny a une furieuse envie d’émancipation. Avec 3 dollars en poche et 70% de batterie sur son téléphone, elle quitte le foyer familial pour concrétiser ses envies musicales. On comprend mieux la référence à la célèbre marque de téléphone finlandaise.
Biggie féministe
L’entrée en matière à peine terminée qu’on entend de gros moteurs vibrer sur «Tomboy ». Un côté garçon manqué assumé, de l’égo-trip, une insolence, et une envie de tout bouffer qu’on retrouve sur tout l’album. Princess Nokia se réclame d’un certain héritage du rap, y fait référence, mais se joue de ses codes pour servir son message féministe. Un thème majeur de l’album. En 1994 dans « Big Poppa », Notorious Big se vantait de piquer la copine des mecs qui s’absentent pour leur acheter un verre de vin. En 2016 dans « Saggy Denim », Princess Nokia se vante elle, de fuir les mecs lorsqu’ils partent acheter ce même verre. Un propos qui navigue subtilement entre hommage aux anciens et dénonciation de certains clichés machistes du rap.
Côté couleur musicale, l’album est à l’image de New-York. Une multitude d’influences et des ambiances entre angoisse, mélancolie et grandiloquence. Des synthés inquiétants pour « Brujas » et ses références à la sorcellerie. Des notes jazzy qui habillent le morceau « Green Line » dans lequel Princess Nokia décrit sa fascination pour la ligne 6 du métro new-yorkais qui lui permet de traverser la grosse pomme pour 2,50$. Des sirènes et des basses à retourner le (gros) ventre pour « Tomboy » et « Kitana ».
Rester indépendante
L’album se termine sur un freestyle de 4 minutes au son volontairement crade. La jeune rappeuse balance ses rimes sur une instru qui semble s’échapper du vieux lecteur cassette de sa chambre d’ado. Une dernière piste comme un contre-pied, une piqûre de rappel. Princess Nokia pourrait être signé en major et vendre des disques super produits par milliers, mais elle préfère rester cette jeune fille qui rappe pour s’amuser. Enregistrer sa musique sur un PC à l’écran fissuré. Se frayer un chemin jusqu’au micro en esquivant les marvels et les sachets d’herbe qui jonchent le sol. Rester indépendante et lâcher ses albums gratuitement sur internet. Un choix osé mais qui l’amène aujourd’hui à exporter sa musique bien au-delà de la ligne 6.
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