« On perd de plus en plus le contrôle de ce que l’on mange. » C’est par ces mots que Rajagopal P.V a entamé, mardi, sa conférence portant sur ses combats sociaux et les enjeux liés à l’accès à l’eau et à la terre, au centre d’études agronomiques SupAgro de Montpellier.
Il ne donne jamais son nom en entier. Juste deux lettres, P et V, pour ne pas que l’on connaisse sa caste. Depuis trente-cinq ans, en Inde, Rajagopal se bat pour défendre les droits des paysans et des plus pauvres. Il estime que les multinationales contrôlent l’alimentation par la mondialisation. « Nous avons trouvé des traces de pesticides dans le Coca Cola et le Pepsi, en Inde. Du coup, nous faisons pression sur le gouvernement pour qu’il interdise ces boissons. » Il raconte comment, au Chattisgarh, une grosse compagnie a acheté des terrains pour y construire une aciérie. Deux rivières ont été détournées pour fabriquer le métal. N’ayant plus d’eau pour irriguer, les paysans ont dû vendre leurs terres pour survivre. Les exemples comme celui-ci se multiplient. « Partout, en Inde et ailleurs, les gens luttent pour leur droit à l’eau », clame-t-il.
Pour tenter de faire pression sur les multinationales, Rajagopal propose plusieurs solutions. Tout d’abord, le boycott de leurs produits et la promotion des articles locaux. Ensuite, il faut aider les paysans à résister aux grosses compagnies. Enfin, un lobbying auprès du gouvernement permettra de changer les mentalités.
Le leader indien estime que lorsqu’on parle d’alimentation, on devrait parler du modèle de développement. Il en existe d’autres. Il cite le Mahatma Gandhi : « Pensez à la personne la plus pauvre rencontrée dans votre vie. Si l’action lui donne plus de pouvoir, c’est un bon programme. » D’après lui, le gouvernement peut appliquer cette idée, en y associant le peuple. En Inde, 70% des personnes travaillent la terre et 40% n’en possèdent pas. Rajagopal reprend : « en détruisant l’agriculture, on ne peut pas faire en sorte que ces gens aillent travailler ailleurs. Ils ne vont faire que remplir les bidonvilles ».
Pourquoi venir en Europe ? Rajagopal explique : « Le but est de renforcer les liens entre les pays. Nous avons besoin de la solidarité internationale pour continuer à avancer. » Avec son association Ekta Parishad, Rajagopal organise des Padyatra, marches de protestation non violentes (voir interview). Elle forme également des jeunes pour qu’ils comprennent qu’ils peuvent changer la situation, sans violence. « Quand ils retournent dans leurs villages, ils voient qu’il y a d’autres personnes qui vivent comme eux. Ils forment des groupes et font des actions contre le gouvernement. Il est très important que les jeunes agissent ». « Ne pas agir, c’est soutenir la violence », conclut-il.
Interview
RAJAGOPAL P.V Leader syndical des paysans indiens sans terre
« Le but est de créer du lien »
Quelles actions menez-vous en Inde ?
Je mène des actions de défense des droits économiques et sociaux depuis trente ans. J’ai créé, en 1990, le mouvement Ekta Parishad avec lequel je milite pour les droits des fermiers indiens sans terre, et plus largement pour les plus pauvres. La mondialisation les écarte des richesses. Nous voulons que le gouvernement les écoute et leur donne plus de droits. D’ailleurs, nous formons des jeunes qui deviennent des leaders. Ainsi, ils peuvent se défendre et s’organiser eux-mêmes.
Votre marche a rassemblé, en Inde, 25 000 personnes. Est-ce un succès ?
Oui, tout à fait. Nous avons organisé, fin octobre, une Padyatra (marche de protestation non-violente) qui a rassemblé 25 000 paysans sans terres à New-Delhi. Baptisée Janadesh (« le Verdict du peuple » en hindi), elle a permis d’avoir une représentation médiatique importante et internationale, ce qui a gêné le gouvernement. Et nous avons obtenu une réforme de la politique agraire.
Pourquoi venir en France ?
Les voyages permettent de créer des liens entre les pays du nord et du sud. Avec les padyatra, nous voulons amener plus de personnes à nous rejoindre et nous souhaitons obtenir des soutiens internationaux. Nous en avons besoin pour combattre le gouvernement et la mondialisation. Nous continuerons la mobilisation pour que la politique de mon pays change. Solidarité et justice sont au coeur du combat.
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