Silence, ça frappe !

Par le 1 mars 2010

L’actualité met les femmes à l’honneur ces derniers temps. Mais pas forcément de la meilleure façon : à travers leurs souffrances et dans leur silence meurtri. La lutte contre les violences faites aux femmes est la grande cause nationale de l’année. La Journée Internationale pour les droits des femmes fête ses 100 ans. 2010 verra aussi le MLF (Mouvement de Libération des Femmes] souffler ses 40 bougies… Un bien bel anniversaire pour une cause qui a encore de beaux jours devant elle. En effet, le bilan est plutôt noir, et les médias le rappellent tous les jours. Pour briser le silence, Hautcourant met en lumière ce phénomène de société encore très tabou.

«Ne restons pas muets face aux violences conjugales ». Tel est le titre du petit film de 2 minutes 30 réalisé par Olivier Dahan, en 2008, à la demande d’Amnesty International. Joués par Clotilde Courau et Didier Bourdon, les personnages évoluent sur une petite musique d’époque, dans un effrayant silence. En détournant les codes du cinéma muet, cette scénette illustre et amplifie le silence qui entoure souvent les violences domestiques et souligne l’importance d’oser dire « stop ». La conclusion est : « en France, 1 femme décède tous les 3 jours suite aux violences conjugales ».

Autres spots, même réalité. Les Films du Poisson ont lancé, en 2006, une campagne de dix courts-métrages à visée préventive et pédagogique, d’une durée maximale de trois minutes. Ce, pour la journée internationale de lutte contre les violences. Le thème : en France, une femme sur dix est victime de violences conjugales. Zabou Breitman y a réalisé un court-métrage. Choc.

La violence à l’encontre des femmes : définitions et chiffres

Définitions

Les violences faites aux femmes, physiques et morales, sont diverses. Les Nations Unies les définissent ainsi : « tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ».

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), elle peut revêtir différentes formes : « sévices sexuels, corporels ou psychologiques infligés par un partenaire intime ; sévices corporels ou sexuels infligés par des membres de la famille ou autres ; harcèlement sexuel et sévices sexuels exercés par des personnes incarnant l’autorité (enseignants, représentants des forces de l’ordre ou employeurs) ; trafic pour travail forcé ou prostitution forcée ; et pratiques traditionnelles telles que mariages forcés ou mariages d’enfants, violence liée à la dote ; crimes d’honneur commis contre les femmes pour laver l’honneur de la famille. En situations de conflits, le viol systématique est une autre forme de violence exercée à l’égard des femmes ». Ainsi, « la violence à l’encontre des femmes n’est autre qu’une violation des droits de la personne humaine ». La plus commune serait celle exercée par un partenaire intime.

Chiffres

Une étude menée par l’OMS, dans dix pays, portant sur la santé des femmes et la violence domestique, montre notamment que :

 15 à 71% des personnes interrogées ont dit avoir subi des violences corporelles ou sexuelles de la part d’un mari ou d’un partenaire,

 De nombreuses femmes ont indiqué que leur première expérience sexuelle leur avait été imposée,

 Chaque année dans le monde, quelques 5000 femmes sont assassinées par des membres de leur famille au nom de l’honneur,

 À l’échelon mondial, jusqu’à une femme sur cinq, et un homme sur dix, déclarent avoir subi des violences sexuelles pendant leur enfance.

En 2007, l’INSEE a fait une enquête sur les violences faites aux femmes. Il en ressort quelques données : « sans compter les agressions subies dans leur cadre familial actuel, 6 % des femmes ayant entre 18 et 59 ans ont été l’objet d’injures sexistes en 2005 ou 2006, 2,5 % ont été agressées physiquement et 1,5 % a déclaré avoir subi un viol ou une tentative de viol. Dans ce dernier cas, un sur cinq est perpétré par l’ex-conjoint et la moitié des victimes connaissaient leur agresseur. Les violences sexuelles sont moins fréquentes au sein du ménage, mais c’est l’inverse pour les violences physiques ». Les violences intra conjugales sont très mal rapportées : « un cinquième des victimes de violences physiques et le tiers des victimes de violences sexuelles n’ont pas porté plainte, ni enregistré de main courante, ni parlé à qui que ce soit (ami, médecin ou association). Et, quand la victime se confie, c’est rarement à la police ; celle-ci ne reçoit que 12 % des victimes (plainte et main courante) pour les violences physiques, 8 % pour les violences sexuelles soit, globalement, à peine une sur dix ».

Un article du Monde, datant du 25 février, nous informe que «675 000 femmes ont été victimes de violences lors des deux dernières années», et que «pour l’année 2007, les violences conjugales se chiffrent à plus de 47 500 faits constatés par les services de police et de gendarmerie, selon l’Observatoire national de la délinquance». Ainsi, en moyenne, une femme meurt tous les deux jours et demi des violences exercées par son partenaire.

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La violence à l’égard des femmes : sous le feu des projecteurs

Le vendredi 26 février 2010, l’Assemblée Nationale a voté une loi accentuant la protection des personnes victimes de violences conjugales, et notamment celle à l’encontre des femmes. Partant d’un constat : « loin du fait divers qui appellerait une réponse simpliste et sécuritaire, les violences faites aux femmes sont un problème social et sociétal, auquel il convient d’apporter une réponse globale, coordonnée et accompagnée des moyens humains et financiers » de Danielle Bousquet, députée socialiste, cette loi prévoit notamment la création d’un délit de violences psychologiques. Le texte est soutenu par de nombreuses associations, dont la Fédération nationale solidarité femmes, qui regroupe soixante-cinq associations accueillant des femmes victimes de violences dans le couple et leurs enfants.

Ce vote intervient au moment même où un fait divers, le meurtre de la mère du petit Ibrahima par son ancien compagnon, souligne l’importance d’une telle loi. En effet, Tanja Pozgaj a été poignardée par son ex-compagnon, mardi 16 février, sous les yeux de son enfant. Alors qu’elle avait alerté sans cesse, la police, la justice, le maire de sa commune depuis plusieurs mois, être harcelée par cet homme connu pour des violences répétées contre des femmes. La tragédie aurait-elle été évitée, si les autorités l’avaient mieux protégée ?

Pour sortir du silence, les femmes à l’action

La lutte contre les violences faites aux femmes est la Grande Cause nationale de 2010. Ainsi, les associations féministes et autres organisations de défense des droits des femmes ont toute la lumière pour agir. Voici quelques évènements à venir.

Les États Généraux de la femme

40 ans après, Elle a décidé de lancer une nouvelle édition des États Généraux de la femme, sous la présidence d’honneur de Simone Veil. Le concept est le même qu’en 1970 : donner la parole aux Françaises à travers des rencontres et des débats organisés à travers le pays, et sur le site Elle.fr. L’objectif étant de dresser un état des lieux de la vie des Françaises. L’ensemble des résultats sera révélé en mai prochain à Paris.

La Journée de la Femme : « un siècle de féminisme »

Le 8 mars est depuis 100 ans la Journée internationale pour les droits des femmes. Le 8 mars 1910, à Copenhague, une confédération internationale de femmes socialistes de tous les pays a créé cette journée en vue de servir à la propagande du vote des femmes. Mais ce n’est qu’en 1977 qu’elle sera officialisée par les Nations Unies qui invitent tous les pays à célébrer une journée pour les droits des femmes. Souvent, elle est l’occasion de rappeler que les droits des femmes et l’égalité entre les genres sont loin d’être une réalité. D’ailleurs, cette année le thème est : « Droits égaux, Opportunités égales : Progrès pour tous ».

kake_expo_femmes.jpg Cette journée donnera lieu à de nombreuses manifestations en France, et à travers le monde. Par exemple, le Bureau d’Information pour la France du Parlement européen présentera, du 8 au 19 mars prochains, l’exposition « Violence contre les femmes : le Parlement européen s’engage ».

Autre exemple : la chaîne Téva diffusera une programmation spéciale « Journée de la femme le 8 mars 2010 ». Seront notamment diffusés les films : Fashion Maman avec Kate Hudson, Working Girl avec Melanie Griffith, Et Dieu créa la femme avec Brigitte Bardot ou Lady Chatterley avec Marina Hands.

Julie DERACHE

Conseil de lecture : Le Livre noir de la condition des femmes de Christine Ockrent et Sandrine Treiner

A consulter également : Qu’est-ce que la violence envers une femme ?

Contacts utiles

 Violence conjugale : 01.40.33.80.60 / www.sosfemmes.com

 Violence au travail : 01.45.84.24.24

 Allo enfance maltraitée : 119 / www.allo119.gouv.fr

 Sos femmes battues : 01.40.02.02.33

 Viol : 0800 05 95 95 / www.cfcv.asso.fr

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à propos de l'auteur

Auteur : Julie Derache

« Un photographe est un funambule sur le fil du hasard, qui cherche à attraper des étoiles filantes » (Querrec) Diplômée du Master 2 Métiers du journalisme, je suis passionnée à la fois par les lettres, l’écriture et par la photographie. J'aime à reprendre les mots d'Eric Valli : « La photographie est avant tout, pour moi, la rencontre, la découverte, l’apprentissage d’autres mondes. Et le partage. C’est parce que ce métier est avant tout humain qu’il me passionne. » Ces propos résument tout. Mes expériences professionnelles, mes rencontres, mes passions, et surtout pourquoi j’ai choisi d’être à la fois journaliste et photographe. Amoureuse des mots, des livres, des images et des rencontres, j’ai toujours eu à cœur de comprendre le monde et de défendre ce que je crois être des causes justes. Curieuse, j’ai toujours voulu acquérir le plus de connaissances et d’expériences possibles dans divers domaines. Ainsi, mes multiples cheminements, atypiques bien souvent, se sont constamment éloignés des sentiers battus. Jeune, je me suis engagée par le biais d’une action pour la protection de l’environnement soutenue par PPDA, Roger Gicquel, Robert Hossein, entre autres. Grâce à cela, j’ai appris les bases du métier de journaliste, son éthique, et surtout à me dépasser pour aller vers l’autre. Ensuite, mon baccalauréat littéraire en poche, je me suis dirigée naturellement vers des études d’Histoire. Après ma licence, je suis allée voir ce qui se passait ailleurs, au Québec. M’intéressant à l’investigation et voulant m’immerger dans l’histoire du pays qui m’accueillait, j’y ai écrit un essai sur la femme amérindienne chrétienne en Nouvelle France dirigé par Paul André Dubois (Université Laval), explorant ainsi la culture et l’environnement des Premières Nations. A mon retour, je me suis vraiment lancée dans le journalisme. D’abord en intégrant le Master 1 Science Politique et le Master 2 Métiers du Journalisme, puis en faisant des stages dans le monde de la presse comme du photojournalisme. Notamment à l'Agence Vu, au sein de la rédaction locale, de la rédaction Culture/Magazine de Midi Libre et de celle de Polka Magazine où j’ai notamment eu la chance de pouvoir publier une première photographie commandée par Alain Genestar. Au sein du Master, j'ai également rédigé un mémoire intitulé « Au delà des clichés. Des évolutions du photojournalisme et de l'avenir d'une profession » sous la direction d'Edwy Plenel. A ce jour, je le retravaille en vue de le publier. Pour conclure, je pourrai vous dire, en reprenant les mots de Cédric Gerbehaye : « Je fais de la photo parce que j’ai des convictions », en ajoutant que pour moi le journalisme, c'est à la fois les mots et l'image, et que mon objectif est de faire des reportages pour documenter ce dont on ne parle pas, pour rendre compte, pour témoigner en prenant le temps, en analysant, en assumant sa subjectivité.