Roger Gicquel, un grand nom du journalisme nous a quitté

Par le 7 mars 2010

Il fut pendant des années la voix du 20 heures de TF1. Journaliste humaniste, présentateur vedette du journal télévisé dans les années 1970, Roger Gicquel est décédé samedi 06 mars 2010 des suites d’un infarctus.

Un parcours hors des sentiers battus

L’icône du 20 heures de TF1 a eu un parcours atypique. D’abord steward au sein de la compagnie UTA avant d’embrasser une carrière de comédien, ce n’est qu’au début des années 1960 que Roger Gicquel est devenu journaliste. Localier au Parisien Libéré dès 1961, il a pratiqué le terrain et ainsi apprit à connaître les gens durant sept ans. « La vie des gens l’intéressait » ajoute Patrick Poivre D’Arvor au micro de RTL. Il a intégré en 1971 le service d’information de l’Unicef, où il a travaillé deux ans en tant que consultant. Encouragé par Roland Dhordain, Roger Gicquel s’est ensuite essayé à la radio en présentant la revue de presse de France-Inter (1968-1973), dont il est devenu grand reporter à partir de 1969. Dès 1973, Gicquel a occupé le poste de directeur de l’information de l’ORTF jusqu’à son éclatement en 1974.

Mais, sa renommée, Roger Gicquel la doit au journal télévisé de TF1 où il fut nommé présentateur en 1975. Il est devenu la première « star » de l’information et a créé un JT novateur, très personnalisé, à la demande de TF1, à l’époque en pleine concurrence avec Antenne 2. À la Revue-Médias en 2007, il résumait : « montrez le même homme chaque soir à la même heure pendant des années et il devient automatiquement une célébrité ! » Après six années, gêné par sa notoriété et las de devoir présenter chaque soir un nouveau malheur, le présentateur a décidé d’arrêter le JT.

Roger Gicquel a pourtant continué d’occuper plusieurs postes sur TF1, jusqu’à sa privatisation en 1986. De 1983 à 1986, il a notamment produit et animé l’émission Vagabondages, au cours de laquelle il recevait des personnalités du monde socioculturel. Ensuite, Roger Gicquel a animé durant cinq ans, sur France 3 Ouest, En flânant, un magazine intimiste qui donnait à voir une Bretagne souvent méconnue, tout en sensibilisant le spectateur à la question environnementale : pollution et problèmes d’urbanisme notamment. L’émission s’est arrêtée en 1997 et Gicquel a poursuivi la ballade bretonne en écrivant : Tous les chemins mènent en Bretagne (1998) et Croisières et escales en Bretagne (2007). Amoureux de sa région natale, Roger Gicquel s’est aussi engagé pour la défendre, en devenant membre de l’association Eau et Rivières de Bretagne, qui milite contre les algues vertes.

Un journalisme personnalisé

Si Roger Gicquel est également reconnu, c’est pour son ton et son style, très personnalisé, alors qu’il présente le journal télévisé de TF1. En effet, la chaîne lui a demandé de personnaliser le JT. Alors que naît la concurrence entre TF1 et Antenne 2, il faut identifier le journal. Ainsi, chaque soir, Roger Gicquel introduit son journal par un éditorial dans lequel il donnait son avis sur tout ou presque. Selon Patrick Poivre d’Arvor, « il mettait volontiers de l’émotion dans l’information. A la suite de ses sujets, il donnait son sentiment sur ce qu’il venait de voir. Ce style inspirait la confiance. Quand les gens le voyaient arriver, ils se disaient : au moins celui-là il sait de quoi il parle ». Gicquel estimait de son devoir d’afficher cette sensibilité et il l’expliquait ainsi : « un journaliste qui relate un événement effroyable, s’il n’a pas cette once d’émotion naturelle, n’est pas humain ». Et bien que cette personnalisation semble aujourd’hui dépassée, elle marque le passage à l’antenne de Roger Gicquel, regardé chaque soir par des millions de Français. Et selon lui : «aujourd’hui, l’information à la télévision est désincarnée, directe et sans état d’âme. Je ne suis pas d’accord. Prendre le temps d’expliquer les choses et donner aux autres le temps de les entendre et de les comprendre, c’est une qualité. Pas seulement professionnelle. C’est aussi une qualité de vie.»

Roger Gicquel reste notamment célèbre pour cette phrase : « la France a peur », prononcée pour ouvrir le journal le 18 février 1976, après l’enlèvement et le meurtre à Troyes du petit Philippe Bertrand, dont Patrick Henry a ensuite été reconnu coupable. Restée dans les mémoires, cette phrase de Gicquel décrivait la profonde émotion qu’avait suscitée ce fait divers. Cette formule, telle qu’on la connaît, a d’ailleurs été tronquée et détournée de son sens. En effet, quelques minutes plus tard, Roger Gicquel précisait que cette peur était un sentiment auquel il ne faut pas s’abandonner.

Hommage à l’homme et au journaliste

Depuis l’annonce de son décès, nombreux sont les hommages qui lui sont rendus. Le site LeParisien.fr recense tous les petits messages qui sont adressés aussi bien à l’homme qu’au journaliste. Nombreux sont les internautes à regretter « la voix » et le « style » de Roger Gicquel, « un homme qui aura marqué plusieurs générations de téléspectateurs ». Si Anakyn le décrit comme : « proche, humain, confident, honnête, modeste, l’ami de tous qui s’invitait chez nous à travers le petit écran. Un vrai journaliste, capable d’improviser, de réagir à chaud, de poser des vraies questions, quelqu’un d’authentique et de simple qui nous manquera beaucoup. On lui garde une petite place en nous parmi nos beaux souvenirs, là où il continuera d’exister», Lapinbleu regrette « son humanisme, sa sensibilité, son parlé vrai que nous avons perdu au fil des prompteurs sans âme, condamnés à l’opinion la plus répandue…». Comme le relève LeParisien.fr, l’hommage dépasse même les frontières. Ainsi pour Flobarth, « c’est une page d’histoire importante qui est tournée à la télévision. Ce grand monsieur a marqué toute une génération de Français et d’Anglais, puisque qu’une grande majorité d’Anglais s’étaient connectés sur le journal télévisé de 20h français pour écouter Roger Gicquel. A chaque journal télévisé, j’ai une pensée pour lui. »

Ses acolytes journalistes le saluent également. Pour Michel Drucker, «la France a peur, c’est lui. Il avait un ton, il ne séparait pas l’info du commentaire, prenait l’info à son compte». Ajoutant : « Roger Gicquel était un très bon journaliste. Il a été le journaliste star entre Léon Zitrone et Patrick Poivre d’Arvor».

Roger Gicquel a marqué toute une génération de journalistes. Les journalistes de demain que nous sommes ont tout à apprendre du parcours et de l’homme qu’il était.

Julie DERACHE

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à propos de l'auteur

Auteur : Julie Derache

« Un photographe est un funambule sur le fil du hasard, qui cherche à attraper des étoiles filantes » (Querrec) Diplômée du Master 2 Métiers du journalisme, je suis passionnée à la fois par les lettres, l’écriture et par la photographie. J'aime à reprendre les mots d'Eric Valli : « La photographie est avant tout, pour moi, la rencontre, la découverte, l’apprentissage d’autres mondes. Et le partage. C’est parce que ce métier est avant tout humain qu’il me passionne. » Ces propos résument tout. Mes expériences professionnelles, mes rencontres, mes passions, et surtout pourquoi j’ai choisi d’être à la fois journaliste et photographe. Amoureuse des mots, des livres, des images et des rencontres, j’ai toujours eu à cœur de comprendre le monde et de défendre ce que je crois être des causes justes. Curieuse, j’ai toujours voulu acquérir le plus de connaissances et d’expériences possibles dans divers domaines. Ainsi, mes multiples cheminements, atypiques bien souvent, se sont constamment éloignés des sentiers battus. Jeune, je me suis engagée par le biais d’une action pour la protection de l’environnement soutenue par PPDA, Roger Gicquel, Robert Hossein, entre autres. Grâce à cela, j’ai appris les bases du métier de journaliste, son éthique, et surtout à me dépasser pour aller vers l’autre. Ensuite, mon baccalauréat littéraire en poche, je me suis dirigée naturellement vers des études d’Histoire. Après ma licence, je suis allée voir ce qui se passait ailleurs, au Québec. M’intéressant à l’investigation et voulant m’immerger dans l’histoire du pays qui m’accueillait, j’y ai écrit un essai sur la femme amérindienne chrétienne en Nouvelle France dirigé par Paul André Dubois (Université Laval), explorant ainsi la culture et l’environnement des Premières Nations. A mon retour, je me suis vraiment lancée dans le journalisme. D’abord en intégrant le Master 1 Science Politique et le Master 2 Métiers du Journalisme, puis en faisant des stages dans le monde de la presse comme du photojournalisme. Notamment à l'Agence Vu, au sein de la rédaction locale, de la rédaction Culture/Magazine de Midi Libre et de celle de Polka Magazine où j’ai notamment eu la chance de pouvoir publier une première photographie commandée par Alain Genestar. Au sein du Master, j'ai également rédigé un mémoire intitulé « Au delà des clichés. Des évolutions du photojournalisme et de l'avenir d'une profession » sous la direction d'Edwy Plenel. A ce jour, je le retravaille en vue de le publier. Pour conclure, je pourrai vous dire, en reprenant les mots de Cédric Gerbehaye : « Je fais de la photo parce que j’ai des convictions », en ajoutant que pour moi le journalisme, c'est à la fois les mots et l'image, et que mon objectif est de faire des reportages pour documenter ce dont on ne parle pas, pour rendre compte, pour témoigner en prenant le temps, en analysant, en assumant sa subjectivité.