La France maltraite la liberté de la presse

Par le 24 octobre 2010

Publié par RSF le 20 octobre, le classement annuel mondial de la liberté de la presse fait figurer la France à une misérable 44e place. Basée sur une période allant de septembre 2009 à septembre 2010, l’enquête met en lumière une situation alarmante pour la patrie des Droits de l’Homme. Précisions et explications.

Commençons par une devinette : Je fais partie des cinq premiers exportateurs d’armes de la planète, je suis considéré comme une grande puissance mondiale, et je suis 44ème au classement 2010 de la liberté de la presse, qui suis-je ? Non, il ne s’agit pas de la Russie, ni de la Chine, mais bien de la France !
Alors qu’elle se plaçait au onzième rang en 2002, la voilà rétrogradée bien loin des pays scandinaves, de la Suisse et des Pays-bas qui arrivent à égalité en tête. Ce qui fait dire à J-F. Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières, que « dans beaucoup de pays, le gouvernement français n’est plus considéré comme respectueux de la liberté d’information. »

Un florilège d’entraves

Différentes affaires ont ainsi pénalisé la France :

 La réforme de l’audiovisuel public, avec la nomination en juillet de Rémy Pflimlin à la tête de la chaîne publique France Télévisions, par le Président de la République, Nicolas Sarkozy.

 La violation du secret des sources, protégé par la loi du 4 juillet 2010. Affaire dans laquelle les services de police (sur ordre de l’Elysée?) ont procédé à l’identification d’une source du journal Le Monde, lequel a porté plainte contre X.

 La mise en examen d’un journaliste de rue89, accusé de recel pour avoir diffusé sur Internet une vidéo off de Nicolas Sarkozy.

 Les intimidations politiques récurrentes, notamment concernant l’affaire Bettencourt. Le porte parole de l’UMP, Dominique Paillé, a ainsi déclaré à propos du journaliste Edwy Plenel qu’il « a sur les mains quelque chose qui n’est pas du sang mais s’y apparente »

 L’adoption de la la loi Hadopi, dont le dispositif visant à couper l’accès internet en cas de téléchargement illégal rappelle à RSF des « méthodes de censure antérieures à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse » et semble compromettre le droit à l’information.

J-F. Julliard résume ainsi la situation française :« L’année 2010 a été marquée par plusieurs agressions contre des journalistes, des mises en examen, des violations ou tentatives de violations du secret des sources et surtout un climat lourd de défiance envers la presse. La majorité présidentielle a eu des mots très menaçants, parfois insultants, envers certains médias. »

Une enquête sérieuse qui enfonce la France

Selon la note méthodologique de l’enquête, le classement « reflète le degré de liberté dont bénéficient les journalistes, les médias et les net-citoyens de chaque pays et les moyens mis en œuvre par les Etats pour respecter et faire respecter cette liberté. » Un questionnaire recensant 43 critères différents regroupés en thèmes (violences physiques, assassinats, menaces, contrôle des médias, censure, Internet, etc.) a donc été envoyé à des associations, des journalistes, des chercheurs, des militants des droits de l’Homme ou encore des juristes. On peut donc estimer ce rapport légitime.

L’heure semble grave. Bien sûr, la situation est pire ailleurs, bien sûr les journalistes français ne sont pas assassinés ou emprisonnés arbitrairement. D’ailleurs, beaucoup accuseront sans doute ceux qui se soucient de la liberté de la presse de pousser des cris d’orfraie, car la France, ce n’est pas Cuba ni la Corée du Nord. Certes, mais la France est censée être une démocratie.

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à propos de l'auteur

Auteur : Martin Gauchery

« La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute! », disait Pierre Desproges. Bien malgré moi, cette phrase semble me coller à la peau. Mon parcours en est la preuve : un bac scientifique sans trop savoir pourquoi ( il paraît que ça ouvre toutes les portes, pas mal quand t'es dans le doute ), une année de médecine très vite avortée, puis une licence AES réputée pour son format bâtard, pratique lorsque l'on ne veut pas choisir. Mais il est arrivé, le moment où il a fallu prendre des décisions. Mince alors. Puis, il m'est apparu que le doute convenait bien au journalisme. C'est un moteur de la curiosité non? Après un stage concluant de trois semaines dans une locale du Journal de Saône-et-Loire, bien décidé, je me lance dans cet univers qui sent la précarité à plein nez, on verra bien. Mes intérêts sont très divers, de la politique à la musique en passant par les questions concernant la critique des médias. J'espère désormais pouvoir assouvir cette passion pour le journalisme, certes naissante mais déjà bien accrochée. Pour le coup, je doute que quelqu'un puisse m'en dissuader...