Un squat entre ailleurs et nulle part

Par le 8 janvier 2012

En plein centre de Montpellier, à deux minutes à pied de la place de la Comédie existe un endroit oublié et sordide qui semble coincé dans une autre époque, une autre réalité. Des gens y habitent pourtant.

Une fois descendue la rue Aristide Olivier, on y arrive par une ruelle perpendiculaire bercée par le rythme lent et régulier des passages de trains et de trams. Ce dernier, surplombe le vaste terrain vague composé de deux bâtiments dont l’un héberge provisoirement les syndicats de la SNCF. On ne soupçonne pas l’insalubrité de ce lieu lorsqu’on traverse ce quartier qui borde le riche Polygone.
Un endroit qui a globalement une « bonne réputation » et des appartements assez luxueux, comme confie Nicole qui habite là depuis 4 ans : « Le coin n’est pas craignos mais l’une des rues est un repère de dealers à la tombée de la nuit et il y pas mal de trafic derrière ce bâtiment. Le chien aboie toujours le soir quand je le promène à coté parce qu’il y a du bruit »
Passé un portail rouillé dont les grilles ont été défoncées, c’est un vieux panneau qui accueille le visiteur. On y découvre le sigle de la SNCF peint en lettres rouges dont certaines ont été effacées par les années. On se trouve alors littéralement dans un autre monde, comme dans ces films d’angoisse où chaque élément suggère à celui qui l’observe de sordides réalités modelées par l’imagination. A une différence près cependant, ici, tout ça est bel est bien réel.

« C’est étrange hein? On dirait que c’est pas la ville »

Martin, éboueur

C’est un amas de détritus qui borde cette bâtisse aux murs couverts de grafitis. Lorsqu’on la contourne on se croirait dans une décharge…Bouteilles de verre cassées, seringues usagées, sacs de couchage apparemment abandonnés, canapés déchiquetés, vieux écrans, déjections, etc. Même les petits balcons grillagés du bâtiment sont remplies de mobilier cassé et abandonné au fil du temps.

P1040595.jpgP1040600_-_Copie.jpgP1040626.jpgMartin, éboueur en charge de couvrir le quartier m’explique : « la maison est squatté régulièrement, ça fait des années que le reste est dans cet état là mais rien ne bouge. Le terrain quant à lui sert de cachette de fortune à des toxicomanes pour se piquer. Il m’arrive d’en voir parfois. Avec les monceaux de déchets qui s’amassent c’est impossible de nettoyer tout ça. C’est étrange hein? on dirait qu’on est plus dans la ville, qu’on est ailleurs, dans un pays extrêmement pauvre ».
Le bâtiment qui semble dater des années 1960/1970 est en partie caché par des arbres devant sa façade. Au milieu d’entre eux, une petite porte non loin de laquelle s’enfuit un rat. Une femme d’une cinquantaine d’années y rentre quelques minutes plus tard, il semblerait qu’elle y habite puisqu’elle ramène un sac de courses. Deux hommes lui succèdent peu après. Une demi heure plus tard la version de l’agent d’entretien se confirme. Un homme rachitique et titubant n’ayant rien à voir avec les squatteurs va se cacher derrière le bâtiment pour repartir 5 minutes plus tard. Ici, la misère des uns côtoie bel et bien la dépendance des autres.

Une situation en suspend avec des locaux commerciaux pour seule perspective de réhabilitation

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« En fait ça fait des années que ça dure, les flics ont expulsé plusieurs fois les lieux, y ont fait mettre des grillages autour du terrain pour empêcher les uns de squatter et les autres de déposer n’importe quoi mais il a été arraché et maintenant ça resquate dans la maison […] enfin les derniers locataires sont sympas et discrets […] on dit que ça devrait être réhabilité mais bon rien ne se passe » Un Riverain

Il est étrange de constater à quel point un terrain et une bâtisse à ce point délabrés finissent par s’intégrer au paysage urbain pour être peu à peu oubliés du plus grand nombre qui ne le voit presque plus. Pourtant, en prenant du recul, cette quasi-décharge à ciel ouvert est visible, bien qu’habilement dissimulée par des parapets qui l’empêche d’être vue depuis l’arrêt de tram Yves du Guesclin.
On peine à imaginer quel destin peut pousser des familles à devoir habiter dans de tels lieux alors même que l’extérieur sert de cachette pour toxicomane et de dépotoir de quartier. Comment expliquer également qu’un terrain soit laissé à l’abandon autant de temps alors que le nombre de personnes mal logées en France et à Montpellier est en constante augmentation? La dernière étude de L’Institut national de la statistique et des études économiques annonce dans son étude parue le 6 janvier qu’il y aurait de 2,9 millions de mal logés dans l’hexagone et 250 000 sans abris.

Les précisions apportées par Jean Pierre, gérant du pub le « Charlies’s Beer » ne sont pas rassurantes : « je suis là depuis 12 ans et le terrain était déjà dans cet état là, c’était même pire, il y avait vraiment beaucoup de toxicomanes à l’époque. Je crois que la mairie a enfin tout bouclé et adopté le plan de réaménagement, tout devrait être rasé et nettoyé pour laisser place à une extension du polygone, un parking et peut-être quelques logements. Mais il paraît que le projet va être repoussé. » Repoussé ou non, ni les évacuations par la police ni une extension du polygone (si celle-ci se confirme) ne résoudront le problème des conditions de vie de ces gens et du manque d’alternatives proposées.

Florian Cornu

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à propos de l'auteur

Auteur : Florian Cornu

« Je croirais vraiment à la liberté de la presse quand un journaliste pourra écrire ce qu'il pense vraiment de son journal. Dans son journal! » [Guy Bedos] Voilà ma première motivation, une presse libre et indépendante! Peut-être cliché mais assurément sincère! Né à Lille le 1er Février 1988 (non je n'aime pas particulièrement Bienvenue chez les chti!) j'ai obtenu un bac Littéraire spécialité Musique avant de partir pour Montpellier. Passionné par la Littérature et le Chinois j'ai obtenu une double licence dans les deux domaines. L'étude de ces disciplines a fait naître en moi un intérêt profond pour la Géopolitique mais aussi pour toute les réalités quotidiennes du terrain, du bas dl'échelle, de la mouise! Le journalisme pour moi est tout sauf un objet déconnecté de la réalité de ceux qu'il doit servir: les lecteurs! Les voyages que j'ai effectué n'ont fait que renforcer cette envie de décrire ce qui se passe ici et ailleurs, sur le terrain ou dans la tête. C'est pour mieux comprendre le monde qui nous entoure que j'ai poursuivi mes études en Science-politique. Les sujets qui m'intéressent sont nombreux: politique, Chine et Asie-orientale, mouvements sociaux et expériences démocratiques mais aussi Musique et son.