Quel futur pour un étudiant journaliste?

Par le 18 octobre 2013

Il faut parfois plus de 5 ans à un prétendant en journalisme avant d’obtenir un emploi stable dans ce domaine, pour ceux qui y arrivent. Moi-même désireux d’effectuer une glorieuse carrière de grand reporter, je suis allé voir une voyante pour avoir les cartes en mains de mon avenir…

Pendule et tirage en croix

Début d’après-midi, une rue proche du centre-ville. De nombreux magasins ayant mis la clef sous la porte posent le décor. L’immeuble ancien de la voyante est lui-même adjacent à un terrain vague et le temps grisâtre de ce début d’Octobre rajoute à une atmosphère morose. Est-ce là un mauvais présage pour mon futur?
L’interphone indique « cabinet conseil », je sonne.

C’est via son site internet que je suis entré en contact avec ma future interlocutrice. Une ritournelle pleine de mystère m’y avait accueillie, alors qu’un paragraphe avait présenté l’ésotériste comme travaillant par flashs, ressentis, guidance divine et entrant presque en transe lors des séances.
Le rendez-vous avait été pris par téléphone. Une session d’une demi-heure de prévue, concernant un domaine (c’est-à-dire une seule grande question existentielle), mais, hésitant sur le contenu réel de la « consultation » et face à un jargon auquel je suis totalement étranger, j’avais formulé mon doute en des termes plus précis: «Vous lisez l’avenir?» «Bien sûr je lis l’avenir, pas le présent! ». Je venais donc de m’engager pour quelques minutes où ma rationalité se heurterait certainement à une Vérité d’une autre nature!
Au moins avais-je profité de la promotion spéciale à 25 euros la consultation au lieu de 39! Pour une heure et un domaine, les prix sur Montpellier vont habituellement de 45 à 120 euros.

Arrivé tout en haut de l’étroit escalier, la médium, référencée par le Guide de la Voyance (selon son propre site) me reçoit et tente de me mettre à l’aise en se présentant comme une personne «comme tout le monde», seulement doté de plus d’intuition que la normale. Pourtant, ses petits yeux globuleux me sondent déjà par delà ses mèches blondes.

Une atmosphère inattendue

L’ambiance de la pièce va dans le sens de ses dires. Pas de bougies, de crânes gravés de pentacles ou autres instruments de rituel! Un grand bureau en bois occupe une bonne partie de la salle, resserrée. Un lit en fer forgé est installé dans un coin (la voyante est aussi maître en reiki, une technique japonaise de transmission d’énergie qui peut s’effectuer dans les mêmes conditions qu’un massage), une petite bibliothèque dans un autre. Quelques babioles décorent aussi la pièce, sans pour autant en renforcer la crédibilité: grand éventail asiatique et papyrus d’Egypte ancienne sur les murs, sculpture d’hippocampe sur un lourd meuble en bois, pilon, quartz luminescent et plat à tajine derrière la chaise de la spécialiste, sous un grand miroir dans lequel se reflète le haut de ma tête.

Pendule et tirage en croixLa séance commence. Je suis tendu, car impressionné par ce monde étrange dans lequel je ne maîtrise rien. La voyante ressent mon malaise et l’interprète comme de la peur.
Je dois alors lui annoncer la raison de ma visite: je suis étudiant en journalisme, et j’aimerais savoir si je trouverai du travail dans ce domaine à la fin de mes études. Ma consultante me demande aussi ma date de naissance.
Mains croisées sur la table, je la regarde faire. Elle commence par additionner les chiffres de ma date de naissance. Puis elle sélectionne l’un des 3 jeux de tarot de Marseille disposés à sa gauche et le bât. Elle me demande alors de couper le jeu en deux, de la main gauche, et de choisir un chiffre entre 1 et 9. «8».
La voyante prend alors l’une des deux piles du jeu. Elle compte 7 cartes et pose la 8ème sur la table, puis recommence, disposant alors les cartes ainsi tirées en croix: Une au centre et quatre autours, jusqu’à la fin de la pile. La Lune, le Pendu, le Chariot, le Pape sont écrasés… La tarologue commence alors à me prédire un avenir fait de réussites mais aussi de batailles. Prenant l’autre partie du jeu et l’étalant devant moi, elle me demande ensuite de lui donner 5 cartes, toujours de la main gauche. La cinquième s’abat sur le centre de la croix: Le Diable!
Son jugement tombe: je vais devoir me battre dur pour réussir!

Puis la médium attrape son pendule. Il lui sert pour déterminer les dates, dit-elle, mais je dois me garder de considérer trop précisément ce qu’elle s’apprête à déceler. Coude sur la table, regardant dans le vague, elle fait osciller l’objet noir dont le cliquetis évoque la sentence du temps qui passe.
Elle m’annonce d’un air grave: «Vous ne trouverez pas de travail avant Décembre 2014»!
Je m’en tire bien!

Grand reporter dans 3 ans

Mais ma consultante peut faire mieux: me dire où je trouverai du travail. Ouvrant un agenda à la page de la carte de France, elle tapote de son doit autour de la région de Montpellier, puis de celle de Lyon après m’avoir demandé d’où j’étais originaire. Elle me voit finalement à Paris pour mon premier poste, puis à l’étranger («au soleil») lors de périodes courtes, accompagné de «2 ou 3 amis» et doté de compétences nouvelles («vous aurez une caméra, des micros»).

Après avoir repris un peu son pendule et retiré ensemble un jeu de tarot, elle me réaffirme ses visions. Elle insiste par ailleurs sur la nécessité de dégager de l’énergie positive afin de réussir, se transformant presque en une coach/psychologue. La peur n’engendre que des relations négatives et engendre des cercles vicieux. Lors de mes doutes, je dois m’imaginer réussir pour y arriver effectivement.

Ce que j’ai bien du mal à dissimuler, c’est surtout que ma crispation vient de ma difficulté à refréner tout sourire qui me trahirait. La situation m’est totalement incongrue. Cette honorable dame, en évoquant mon futur, alterne les évidences sur la situation générale du journalisme et d’improbables prédictions qui me paraissent bien naïves. Et lorsque je lui fais part de mon attirance pour les thématiques « sociales », je dois serrer les dents pour ne pas rire alors qu’elle me confie qu’elle me voit interviewer des «brigands»!

Je sors de la séance rassuré. Mon avenir semble tout tracé: La maître a été formelle. «Je ne vous vois pas que journaliste, quelque chose qui se rajoute en plus, j’y connais rien moi dans ce métier… Je vous vois reporter, oui, grand reporter, dans 3 ans!»!

Qui a dit qu’il fallait des années de galère pour devenir journaliste?

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à propos de l'auteur

Auteur : Grégoire Nartz

Parce que je considère que pour qu'une société fonctionne bien, il est important que les secrets d'une minorité soit connus de la majorité, le journalisme s'est imposé à moi comme une évidence. Vocation issue de réflexions et de prises de consciences, elle s'enracine dans ma volonté de lutter contre les inégalités, dans ma croyance en la capacité qu'ont les Hommes à changer leur destin, dans ma conviction que le Savoir est une arme, surtout lorsqu'elle est manipulée à plusieurs. Bac ES décroché en Isère en 2008, j'enchaine avec une première année en Histoire et Socio, puis sur une Licence en Science Politique à Lyon 2. En Septembre 2012, je pars pour un an à Chypre y accomplir mon Master 1, dans le cadre du programme Erasmus. Enquêtes de terrain, entretiens, animation d'une émission de radio m'ont permis de me roder à certaines techniques nécessaires à un journaliste. Ces années de formations et d'expériences ont développées chez moi le goût de l'écriture et celui de la recherche du fait. J'y ai entretenu ma curiosité, notamment pour les gens, leur parcours et leurs opinions. Etape clef dans mon parcours, le Master 2 Option du Journalisme de Montpellier est pour moi à la fois un aboutissement et une nouvelle étape. Blog perso: http://gregoirenartz.wordpress.com/