Centrafrique : « C’est en train de se transformer en lutte confessionnelle »

Par le 8 décembre 2013

François Hollande a annoncé le début de l’intervention militaire en Centrafrique, où rebelles et habitants s’affrontent depuis des mois. Françoise Morandat, coordinatrice de projet pour Médecins du Monde, rentre d’une mission humanitaire dans ce pays ravagé par la violence. Témoignage.

La terreur règne. En Centrafrique, rebelles et habitants s’affrontent depuis que la Séléka (« coalition » en sango) a pris le pouvoir, en mars 2013. Alors que l’intervention française vient d’être lancée, le pays est ravagé par les pillages et les assassinats. Aujourd’hui, ce conflit qui opposait rebelles et autochtones se transforme en lutte entre chrétiens et musulmans.
Françoise Morandat est sage-femme de formation. Elle travaille alternativement avec les ONG Médecins du Monde et Médecins Sans Frontières. Envoyée en mission en Centrafrique durant deux mois, elle était au cœur de l’agitation. Françoise a évalué les besoins de ce pays pour mettre en place un projet d’aide humanitaire.

« C’est une armée de cauchemar »

Selon Françoise, « il y avait déjà une coalition de groupes armés qui sévissaient dans le pays » avant le coup d’état. Au départ, « ils étaient environs 5000. La plupart sont musulmans, car ils viennent de pays musulmans. Mais le coup d’état n’était pas confessionnel ». Françoise explique, « à mon arrivée, le pays était aux mains des rebelles. Ils n’ont pas de formation militaire, pas de hiérarchie, juste leurs petit chef local qui s’est autoproclamé colonel ou général. Ils ne sont pas payés, ils ne sont unis par rien de concret. Leur seule légitimé vient de leurs armes » . Occupant le pays, ces groupes qui se sont nommés Seleka pillent, volent et rançonnent les habitants: « quand je suis arrivée, il y avait déjà eu quelques massacres de populations, ils en profitaient pour régler leurs comptes. C’est une armée de cauchemar ».

Les habitants ont commencé à fuir, allant même jusqu’à se réfugier dans un aéroport gardé par l’armée française. « Il y a environ 4500 personnes qui ont déboulé sur l’aéroport en disant aux soldats de les protéger parce qu’ils se faisaient massacrer dans leurs quartiers. L’aéroport a été paralysé pendant une semaine. Ils refusaient de rentrer chez eux ». En réaction, la communauté internationale fait pression sur le nouveau président, Michel Djotodia, pour que la situation cesse. Une opération de désarmement volontaire est lancée : « ça a duré pendant 15 jours, il y avait des patrouilles qui sillonnaient la ville pour voir si les Seleka voulaient rendre leurs armes. Au final, ils n’ont ramassé que 300 armes ».

« La vie est en suspens »

Les Seleka sont officiellement dissous depuis le 13 septembre: « il y a eu une accalmie pendant 15 jours, mais personne n’y croyait. Il y avait encore des braquages et des assassinats la nuit ». Profitant du calme, Françoise Morandat a quitté la capitale pour partir en mission d’exploration dans la région de Lobaye, au sud du pays. Elle raconte : « dans certains villages, des milices de défense s’étaient formées, ils se nomment les anti-balaka. Balaka signifie machette. Quand on est arrivés, une famille a été attaquée. La nuit suivante, la Seleka a assassiné une vingtaine de chrétiens en représailles. Toute la population est partie se cacher dans la brousse de peur de se faire tuer. La vie est en suspens ».

De retour dans la capitale, l’insécurité était permanente. Françoise a vu « monter la peur et la haine ». Selon elle, aujourd’hui : « C’est en train de se transformer en lutte confessionnelle, petit à petit les gens regardent leurs voisins d’un sale œil. Il y a une montée de la haine mutuelle qui est effrayante. Alors qu’il n’y avait aucun problème communautaire avant ».

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à propos de l'auteur

Auteur : Christelle Genlot

Née à Carcassonne en 1991, j’ai passé toute mon enfance en pays cathare. Depuis toute petite, j’ai toujours été curieuse du monde qui m’entourait. C’est cette curiosité mais aussi mon envie d’apprendre et mon goût pour l’écriture qui m’ont donné l’envie d’être journaliste. Quelques années plus tard, un stage dans une rédaction locale finit de me convaincre : ce métier me correspond, je serais donc journaliste. Après le bac, j’ai décidé d’intégrer une licence Médias, Culture, Communication à Montpellier. En parallèle, je profitais de mon temps libre pour découvrir la ville au travers de ma seconde passion, la photographie. Durant cette période, j’ai également été reporter (bénévolement) pour le théâtre La Vignette, où j’ai réalisé des interviews ainsi que des reportages photo et vidéo. Ma licence en poche, je ne voulais pas intégrer une école de journalisme, je me suis donc tout naturellement dirigée vers la filière science politique dans l’espoir d’intégrer ce M2, qui me mènerais vers ce métier que je convoitais tant. Aujourd’hui, je souhaite travailler dans la presse locale avec un intérêt pour les domaines de la politique et de la culture.