Ray Everitt a bien failli être célèbre

Par le 3 février 2014

A Gabian, petit village héraultais, tout le monde connait Ray, un anglais de 71 ans, artiste touche à tout, à la fois cascadeur, rugbyman, chanteur de jazz et cavalier.

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C’est au milieu de la garrigue, au bout d’un chemin de terre, que se trouve la maison de Ray. Sa petite bicoque, il l’a construit de ses mains. Sa chambre est une caravane, le reste : des cloisons faites avec du bois de récupération. Le tout est chauffé avec un petit poêle à bois d’un autre âge. Son mode de vie est plutôt rustique pour un homme de 71 ans. Ray Everitt a une longue barbe blanche, façon ZZ Top. Bien portant et avec un fort accent anglais, il semble tout droit sortir d’un roman britannique. Il est arrivé en France en 1973. Comme beaucoup de ses potes londoniens, il a choisi de s’installer à Gabian à la fin des années 60 – début 70. « On était une bande de poètes. Les premiers sont partis à 14 en 1968, ils ont fait Jersey – Gabian en Vélo ! » raconte Ray. C’est un ami à lui, journaliste à la BBC, qui lui a donné envie de s’installer dans le coin. En aventurier touche à tout, Ray Everitt fonce au sud.

Fils de prolo londonien, il vivait dans l’ouest de Londres. Dès 14 ans, il chante dans un groupe de jazz et se passionne pour la musique, véritable fil rouge de sa vie. A l’âge de 16 ans, Ray écume les pubs de Londres, « je me battais quand on me cherchait » explique-t-il en montrant les poings. Une fois, il se bagarre avec deux flics «qui l’emmerdaient » c’est ce qui l’envoie en taule. Il fait 2 ans. C’est là qu’il apprend à jouer au rugby. Il est plutôt bon. Tant et si bien qu’il se retrouve à jouer à Twickenham et frôle la sélection en équipe nationale. Il arrête le rugby et continue d’avancer.

On est dans les années 50 – 60 Ray Everitt est jeune, fort et a une belle gueule. Avec les filles, ça marche. Il rencontre une « nana » de chez Putch Up, une boite de production de film. Il devient cascadeur. Dans ces années-là pas d’effets spéciaux. Dans le film le « Saint » avec Roger Moore il se défenestre du 4ème étage. Au sol, quelques matelas et cagettes d’oranges vides. Ray est un casse-cou mais ne sera jamais acteur, contrairement à son frère.

A Gabian, si tout le monde connait Ray c’est pour la musique. Peu après son arrivée en France, il se marie avec la fille de Boby Lapointe originaire de Pézenas un village juste à côté. Dans sa piaule, on peut apercevoir le portrait du chansonnier un peu partout. Même sur une bouteille de vin. Avec Roland Godard, le pianiste de Boby, il entame un duo. Ça marche. Il joue à travers toute la France et même en Suisse, où il a une petite de notoriété : « à Berne tout le monde me connaissait, je chantais, je faisais le con, on m’aimait bien » dit-il sans prétention. Pour lui c’est presque un jeu.

En 2002, Ray Everitt accomplit l’un de ses rêves. A l’âge de 60 ans, il part seul avec son cheval et sa guitare dans un périple de 1000 kilomètres jusqu’à Berne. Un voyage qu’il fait au profit d’enfants autistes, l’idée lui ait venue au détour d’une rencontre avec le psychologue, écrivain et clown Howard Buten. Quand on lui demande quel est son prochain projet, il lève ses yeux bleus vers le ciel avant de dire d’un air pensif « je ne sais pas, refaire mon périple à cheval mais avec une femme » en lâchant un sourire, sorte de clin d’œil à sa solitude.

Dernièrement, un reportage sur Eel Pie Island, a fait témoigner Ray, car il était là lorsque ce petit bout de terre au milieu de la Tamise est devenu un lieu incontournable de la scène blues-rock anglaise. Dans les années 50-60, Ray y a rencontré les plus grands : Mick Jagger, David Bowie, Charly Watson, Cyril Davis, Alexis Corner et bien d’autres. Etonnant que Ray Everitt ne fasse pas partie du lot. Mais il l’assure « je n’ai jamais voulu être célèbre. Ça ne m’intéresse pas. J’ai un fond de mégalomanie parce que j’aime monter sur scène. Car quand tu montes sur les planches tu te prends pour quelqu’un que le public ne pense pas pouvoir être. » Avant de quitter sa piaule un dernier coup d’œil sur les murs ornés de photos, articles et autres dédicaces parlant de lui ou de ses amis artistes, comme une sorte de chronologie anarchique de sa vie, posée là sur des murs qu’il a construit. Un ultime tour du propriétaire, et puis un au revoir sur le pas de sa porte.

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à propos de l'auteur

Auteur : Simon Challier

D’une curiosité insatiable, le journalisme m’a très vite intéressé. Dans cette optique j’ai suivi des études d’histoire (Licence) et de science politique (Licence + Master 1) avant d’entamer le Master 2 journalisme à Montpellier. Pour confronter mon envie de devenir journaliste à la réalité du métier, j’ai multiplié stages et expériences professionnelles tout au long de mon cursus. Ayant commencé par la radio je me suis ensuite essayé à la presse écrite. En parallèle de mes études j’ai donc travaillé en tant que pigiste à la Gazette de Nîmes dans les rubriques culture et faits divers. Le contact direct avec l’information est pour moi la variable essentielle de cette profession. Je vois donc le journalisme comme un métier de terrain. Dans ce sens je suis un admirateur des grands reporters tel que Kévin Carter ou encore Ken Oosterbroek. Je suis également passionné de musique rock et de culture « underground ». Alain Pacadis est pour moi le maître incontesté de ces domaines. Ce n’est pas seulement sa plume qui force l’admiration. Alain Pacadis c’est aussi et surtout la différence au sens large… Essayer d’être différent pour apporter quelque chose de nouveau au journalisme, voilà ce que nous a laissé le « reporter de l’underground ».