Mario Balotelli: footballeur, noir et Italien

Par le 28 avril 2009

«Un Italien noir, ça n’existe pas!», «Noir de merde, tu n’es qu’un noir de merde!», «A mort Balotelli!». Ces cris et chants racistes, entendus le 18 avril dernier à l’occasion du match entre la Juventus de Turin et l’Inter de Milan, s’invitent régulièrement dans les stades italiens. Mais cette fois, ils ont suscité une indignation particulière. D’abord parce qu’ ils n’étaient pas le fait d’un petit groupe de supporteurs fascistes à la réputation sulfureuse – argument souvent bien pratique pour détramatiser ce genre d’incidents – mais de presque tout le Stadio Olimpico de Turin. Ensuite parce ce qu’ils s’adressaient à un grand espoir du football italien.

Privilège. Mario Balotelli a 18 ans, mesure 1,88 mètre, est international chez les moins de 21 ans et attaquant de l’Inter de Milan. Ses parents ont quitté le Ghana pour la Sicile en 1988, peu de temps avant la naissance de Mario, qui présente très vite d’importants problèmes de santé. Opéré à trois reprises pour une malformation de l’intestin, il passe la première année de sa vie à l’hôpital. Sa famille émigre ensuite dans un village de la région de Brescia, en Lombardie, où elle vit dans une extrême précarité. Les services sociaux italiens confient alors Mario, âgé de 2 ans, à une famille adoptive: les Balotelli. Adolescent, il intègre le club de troisième division de l’ AC Lumezzane avec lequel il débutera chez les pros à l’âge de 15 ans à peine, au bénéfice d’une dérogation fédérale. En 2006, l’Inter le repère et décide de le recruter moyennant une indemnité de 350 000 euros. Profitant notamment de la blessure d’Ibrahimovic et de la petite forme de Hernan Crespo, les attaquants vedettes du club, « Turbo Mario » se fait remarquer l’année suivante en claquant 6 buts lors de ses 9 premiers matches. A sa majorité, le 12 Août 2008, le maire du village de ses parents adoptifs lui donne la nationalité italienne. Un privilège rare au regard du droit italien, basé sur le droit du sang. C’est que le gosse pourrait bientôt être utile à la squadra azzura, l’équipe nationale italienne.

Vice. D’où les réactions en cascade qui ont suivi les incidents du 18 avril dernier. Le président de la Juventus Giovanni Gigli a présenté ses excuses au nom du club alors que son homologue de l’Inter Milan, Massimo Morati, est monté au créneau dans la Gazzeta Dello Sport: « Si j’avais été au stade, j’aurais quitté la tribune et demandé à ce que l’équipe arrête de jouer. Certains commentaires faits à la télévision ont également été odieux. J’ai peur que l’Italie se soit habituée au racisme« . L’arbitre de la rencontre a été par ailleurs vivement critiqué pour ne pas avoir réagi. Il a pourtant respecté le règlement: en Italie, seules les banderoles à caractère raciste obligent à arrêter un match. Pas les cris. Depuis, le président de l’UEFA Michel Platini a annoncé que « quand ce genre de situation se produira, la rencontre sera suspendue pendant dix minutes et des annonces seront faites à l’intérieur du stade« , ajoutant que le match serait définitivement arrêté si la situation perdurait. Giancarlo Abete, président de la fédération italienne de football, a appuyé la proposition de Platini. La ligue, de son côté, a condamné la Juventus à jouer un match a huis clos, le 3 Mai prochain face à Lecce. La sanction peut paraître dérisoire. L’entraîneur de la Juve Claudio Ranieri, lui, l’a jugé « injuste« ; avant de promettre qu’il ordonnerait à ses joueurs de quitter le terrain si l’évènement venait à se reproduire. Le technicien a son explication sur les injures dont a été victime le joueur de l’Inter: le racisme est « un vice typiquement italien« . Bof. José Mourinho, l’entraîneur de Balotelli, propose une autre interprétation des faits, entre mauvaise foi et foutage de gueule. Pour lui, les cris des supporteurs de la Juventus n’étaient « pas du racisme, mais seulement une façon ignorante de montrer sa désapprobation à un adversaire antipathique parce qu’il a marqué un but« . Ouf, nous voilà rassuré…

Catégorie(s) :
Étiquettes : , ,

Vous avez aimé cet article ? Partagez-le !

à propos de l'auteur

Auteur : Romain Vauzelle

Après deux années de Droit à Aix-en-Provence, une licence de sciences politiques à Montpellier et beaucoup de voyages, mon envie de m’immerger dans une autre culture m’a poussé vers Grenade et l’Andalousie pour y valider mon Master 1. C’est fort de cette expérience et de la maîtrise de la langue espagnole que j’ai intégré cette année le Master 2 journalisme à l’Université de Montpellier, reprenant parallèlement mes activités de correspondant pour le journal « La Provence », pour lequel je rédige des articles depuis 2005. Passionné par le sport (je pratique le rugby depuis maintenant 10 ans), la politique mais aussi la tauromachie, j’ai également effectué divers stages en radio et presse écrite. Ressentant depuis longtemps une vraie vocation à exercer un jour le métier de journaliste, j'espère désormais commencer au plus vite !