Pour les commerçants de la Rue de la Loge, une crise en cache une autre

Par le 11 janvier 2010

La Rue de la Loge est le principal axe de l’Ecusson. Au lendemain des fêtes de Noël, les magasins sont bondés. Rencontre avec quelques commerçants.

Un samedi soir bruineux, quelques jours après le Réveillon, la Rue de la Loge conserve les accents de Noël. Les illuminations se reflètent dans les flaques. Malgré le mauvais temps, petits et grands flânent et contemplent d’un œil pétillant les vitrines décorées de neige, de guirlandes rouges et de boules dorées.

Pour se réchauffer, rien de mieux qu’entrer dans une chocolaterie et respirer les effluves du cacao. Godiva-Médicis regorge de friandises : pralinés, ganaches, liquoreux au champagne… La boite rouge incrustée de diamants Swarovski s’est avérée être un écrin parfait pour toutes ces douceurs. La valeur ? 160 euros. Il n’en reste plus qu’une en boutique. D’un œil connaisseur, une petite grand-mère commande un plateau de marrons glacés, fruits confits et autres gourmandises, pour la somme de 150 euros. La crise ne semble donc pas toucher la chocolaterie. Les commerçants interrogés, sont unanimes : « Nous avons préparé les fêtes comme d’habitude. Les chiffres précédents n’étaient pas mauvais, alors pas de raison de s’inquiéter« . Cendrine, gérante de Godiva, bien que consciente de la baisse du pouvoir d’achat des Français, n’a pas sa langue dans sa poche : « La crise, elle a bon dos ! C’est un faux prétexte. Derrière, il y a d’autres problèmes de société que personne ne veut voir« .

Rangeant des dragées, elle dénonce des phénomènes sociaux qui seraient à l’origine des difficultés des commerçants. L’évolution de la société aurait une incidence directe sur le commerce, surtout en période de Noël. Depuis 20 ans, avec l’augmentation des divorces, le phénomène des familles recomposées, les repas de famille sont plus rares et les cadeaux pour les proches aussi : « les gens me disent : ‘Nous ne fêtons pas Noël ou le Réveillon, nous sommes seuls, les enfants ne sont pas là cette année’. Les grands-mères qui ne voient plus leurs petits-enfants, n’achètent plus de chocolats pour eux« . Cendrine constate que les gens préfèrent partir en voyages : « pour les agences touristiques, les chiffres progressent« . Donnons en exemple, le site Voyages-sncf.com qui a enregistré un record d’un million de connections, le jour d’ouverture des réservations pour la période de Noël.

Vive, Cendrine souligne un autre phénomène : la perte du sens de la convivialité. « Il y a quelques années, les gens remerciaient leur médecin de famille ou la maîtresse d’école. Aujourd’hui, avec leur travail, ils sont plus mobiles et ne restent pas suffisamment dans un lieu pour nouer des liens. Ainsi, tous les petits cadeaux liés à cette sociabilité se perdent.« . Les ventes ont donc changé : « La valeur du panier moyen était plus élevée. Facilement 500 francs minimum, soit 75 euros. Il était courant de vendre des paniers à 2000 francs, soit 300 euros. Maintenant c’est 40 euros en moyenne. Pour faire le même chiffre, il faut plus de clients. Soit quatre pour un« . Pourtant, Cendrine ne se plaint pas : « nous nous y retrouvons quand même. Nous avons beaucoup plus de petits clients avec le rajeunissement de notre clientèle.« . La chocolatière avance un autre atout : la situation de son magasin. La rue de la Loge est un sacré lieu de passage. Chose que confirme Philippe Larose, son voisin opticien : « si je n’étais pas situé rue de la Loge, aujourd’hui je n’existerais pas. Une grande majorité de ma clientèle est constituée de gens de passage. « .

Un petit liquoreux serait parfait pour accompagner une truffe. Petit saut dans la boutique surpeuplée de Nicolas, où le caviste Patrice Orset confirme les dires de sa gourmande de voisine : « il n’y a pas de grosse différence. Cette année, nous avons vendu beaucoup de Champagne. Seules les entreprises ont réduit leur budget« . En présentant une bouteille de Whisky digne d’un flacon Chanel n°5, Patrice rajoute : « pour nous, décembre c’est un quart du chiffre de l’année. Heureusement que les fêtes ont marché !« .

Finalement, le vrai problème auquel sont confrontés les commerçants est l’essor des ventes sur Internet. Cendrine est claire : « je ressens amplement la concurrence d’Internet. Mais c’est surtout l’industrie de l’habillement qui est touchée. Les gens essayent dans les boutiques et achètent en ligne« . Et Philippe de renchérir : « Les gens viennent, essayent les lunettes et prennent les références pour acheter sur la Toile« . La chocolatière donne quelques chiffres : «  la vente Internet croît de 27% par an. 43% des Français font leurs achats de Noël en ligne« . Chiffres confirmés par la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance). « Face à cette montée d’Internet, est-ce qu’il faut continuer à monter autant de boutiques ? » questionne la chocolatière. A Montpellier, comme ailleurs, sont créés de plus en plus de commerces alors que la population n’augmente pas proportionnellement. Alors, « au lieu de se répartir un gâteau en quatre, on se le partage en douze« . Espérons que ce gâteau sera au chocolat, et accompagné d’une petite flûte !

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à propos de l'auteur

Auteur : Julie Derache

« Un photographe est un funambule sur le fil du hasard, qui cherche à attraper des étoiles filantes » (Querrec) Diplômée du Master 2 Métiers du journalisme, je suis passionnée à la fois par les lettres, l’écriture et par la photographie. J'aime à reprendre les mots d'Eric Valli : « La photographie est avant tout, pour moi, la rencontre, la découverte, l’apprentissage d’autres mondes. Et le partage. C’est parce que ce métier est avant tout humain qu’il me passionne. » Ces propos résument tout. Mes expériences professionnelles, mes rencontres, mes passions, et surtout pourquoi j’ai choisi d’être à la fois journaliste et photographe. Amoureuse des mots, des livres, des images et des rencontres, j’ai toujours eu à cœur de comprendre le monde et de défendre ce que je crois être des causes justes. Curieuse, j’ai toujours voulu acquérir le plus de connaissances et d’expériences possibles dans divers domaines. Ainsi, mes multiples cheminements, atypiques bien souvent, se sont constamment éloignés des sentiers battus. Jeune, je me suis engagée par le biais d’une action pour la protection de l’environnement soutenue par PPDA, Roger Gicquel, Robert Hossein, entre autres. Grâce à cela, j’ai appris les bases du métier de journaliste, son éthique, et surtout à me dépasser pour aller vers l’autre. Ensuite, mon baccalauréat littéraire en poche, je me suis dirigée naturellement vers des études d’Histoire. Après ma licence, je suis allée voir ce qui se passait ailleurs, au Québec. M’intéressant à l’investigation et voulant m’immerger dans l’histoire du pays qui m’accueillait, j’y ai écrit un essai sur la femme amérindienne chrétienne en Nouvelle France dirigé par Paul André Dubois (Université Laval), explorant ainsi la culture et l’environnement des Premières Nations. A mon retour, je me suis vraiment lancée dans le journalisme. D’abord en intégrant le Master 1 Science Politique et le Master 2 Métiers du Journalisme, puis en faisant des stages dans le monde de la presse comme du photojournalisme. Notamment à l'Agence Vu, au sein de la rédaction locale, de la rédaction Culture/Magazine de Midi Libre et de celle de Polka Magazine où j’ai notamment eu la chance de pouvoir publier une première photographie commandée par Alain Genestar. Au sein du Master, j'ai également rédigé un mémoire intitulé « Au delà des clichés. Des évolutions du photojournalisme et de l'avenir d'une profession » sous la direction d'Edwy Plenel. A ce jour, je le retravaille en vue de le publier. Pour conclure, je pourrai vous dire, en reprenant les mots de Cédric Gerbehaye : « Je fais de la photo parce que j’ai des convictions », en ajoutant que pour moi le journalisme, c'est à la fois les mots et l'image, et que mon objectif est de faire des reportages pour documenter ce dont on ne parle pas, pour rendre compte, pour témoigner en prenant le temps, en analysant, en assumant sa subjectivité.